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Cycle de Jeanne Duval Les Fleurs du Mal

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Par   •  14 Février 2016  •  Commentaire de texte  •  2 179 Mots (9 Pages)  •  10 341 Vues

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Les poèmes XXII à XXXIX de la section Spleen et Idéal dans l’édition de 1861, à l’exception du poème XXV et XXXII et avec le poème « Le Léthé » constituent le cycle de Jeanne Duval. On ne connaît que peu de choses d’elle, qu’il s’agisse de son origine, de son nom réel ou de son apparence. En effet, celle-ci changea souvent de nom, et est décrite de façon parfois contradictoire. On sait néanmoins qu’il s’agissait d’une mulâtresse, c’est-à-dire une métisse, grande de taille, avec une chevelure plus ou moins crépue, de grands yeux noirs et d’une démarche altière. Elle jouait les figurantes dans un petit théâtre et se livrait surtout à la galanterie.

Elle fut la maîtresse de Baudelaire lorsque celui-ci la rencontra en février 1842, au retour de son voyage aux îles, d’où il tira certainement un goût pour les femmes exotiques, mais elle ne fut certainement pas la maitresse que de cet unique homme.

Baudelaire lui dédia ainsi un certain nombre de poèmes et la surnomma la « Vénus noire ». Nous allons en étudier ici quelques uns,  afin de définir quel type de femme elle était, et brosser sa relation avec le poète.

Pichois et Avice dans le Dictionnaire Baudelaire : « Opposant divinité et bestialité, [les] poèmes qui la chantent si magnifiquement s’opposent à ceux où l’amour se change en combat, laissant deviner l’histoire d’une liaison tempétueuse, faite de ruptures et de retrouvailles, de volupté et de férocité, de remords, de dévouement, d’égoïsme et de charité » (p.241)

  1. Parfum exotique

        Il s’agit du premier poème consacré à Jeanne Duval. C’est un poème de l’extase spirituelle, extase rendue justement possible par cette femme.

        En effet, il s’agit ici d’un moment d’intimité entre elle et Baudelaire, où elle est la médiatrice vers un monde idéal. Elle inspire à Baudelaire ses célèbres correspondances entre les sens, qui lui permettront de voyager en rêve (« les deux yeux fermés » au vers 1) jusqu’à ce monde. Cela est illustré par les synesthésies des vers 2 et 3 : « je respire » puis « je vois », que l’on retrouve dans les vers 9 et 10 : « guidé par ton odeur » puis « je vois ». On remarque ainsi la force de l’odeur du corps de Jeanne qui semble être la clé de ce lieu paradisiaque, et qui crée des correspondances horizontales entre l’odorat, la vue et l’ouïe (vers 12 à 14).

        Cela mène à des correspondances verticales entre le monde réel et un monde supérieur, caractérisé par l’exotisme. En effet, c’est un monde idéal car il y fait toujours beau, le « soleil monotone » du vers 4 indiquant une régularité, et l’harmonie avec la nature y règne : les hommes sont beaux et les femmes sont franches, l’île féconde. Il s’agit d’un lieu paradisiaque qui s’assimile au jardin d’Eden et au bonheur de l’innocence, portant des connotations exotiques de par la présence d’éléments typiques de l’exotisme comme les « arbres singuliers » du vers 6 et les « tamariniers » au vers 12, qui sont différents des arbres européens, ainsi que « les charmants climats » du vers 9 qui diffèrent tant du froid d’Europe. Jeanne Duval a ainsi été la muse inspiratrice, la femme-paysage qui a permis à Baudelaire de s’échapper du Spleen qui l’accable en imaginant un lieu idéal : le port décrit dans la troisième strophe a une connotation d’évasion.

        Enfin, Jeanne Duval est aussi une femme très sensuelle. Elle n’est évoquée que par son « sein chaleureux »,  métonymie érotique renforcée par la chaleur du corps, qui rappelle l’exotisme de la femme. Cette chaleur se retrouve dans la première et la troisième strophes et appelle la lumière qui est ici un élément primordial (« feux d’un soleil monotone » au vers 4) qui renvoie à nouveau à l’exotisme. On remarque de plus la forte présence de nombreuses sensations tactiles et olfactives grâce aux synesthésies, qui sont donc des références sensuelles.

        On peut alors conclure que Jeanne Duval a fortement marqué Baudelaire par son exotisme, qui a été la source de correspondances très fortes pour lui, et d’une élévation vers un Idéal paradisiaque.  De plus, l’exotisme suggère une grande beauté car il est magnifié au XIXe siècle. On note un plaisir esthétique, que l’on retrouve dans le poème XXXIX : « Statue aux yeux de jais, grand ange au front d’airain ». On remarque aussi qu’un fort lien physique et sensuel semble les unir, que nous allons approfondir dans le deuxième poème que nous étudierons.

  1. Sed non satiata

Il s’agit du poème XXVI, pouvant être traduit par « mais non assouvie ». On sait que Jeanne Duval et Baudelaire vécurent une passion tumultueuse, mais qui fut également l’une des plus sensuelles et des plus fortes de la vie du poète. Ce poème illustre l’amour fusionnel et destructeur qui les unissait.

On y retrouve de nouveau le parfum et l’exotisme, au vers 2, à travers le musc et le havane, mais aussi au vers 3, un obi étant un sorcier d’Afrique noire. Des odeurs pénétrantes, de la sorcellerie, cet exotisme est enivrant pour Baudelaire. De plus, la femme est présentée comme une divinité : « bizarre déité » ainsi que de nombreuses références à la mythologie « Mégère » au vers 12,  et comme un être surnaturel, « Faust » évoque l’idée d’un pacte avec les forces supérieures. Cela donne l’impression que le poète est les Hommes sont inférieurs à cette femme divine.

Baudelaire est totalement dépendant, comme le montre la deuxième strophe. Le constance, l’opium, le nuits sont des paradis artificiels qui lui paraissent pourtant ternes par rapport à l’effet produit par ses baisers, sa bouche est comparée à un élixir, un breuvages aux pouvoirs magiques, le poète lui voue donc une adoration. Il possède un désir pour elle comme le montre le vers 7 « Quand vers toi mes désirs partent en caravane ». L’érotisme est présent aussi grâce à la description de la femme par son flanc et sa bouche.

Jusqu’ici, la femme occupait la place centrale du sonnet, était l’objet de la fascination de Baudelaire, qui la célèbre à travers cette divinisation et cet exotisme magnifié.

Néanmoins, cette femme semble dangereuse. Au fur et à mesure que nous avançons dans l’analyse, on remarque que les termes portent une connotation de plus en plus obscure, c’est une gradation. Jeanne est qualifiée de « sorcière » puis de « démon », cela suggère qu’elle possèderait un pouvoir maléfique. Il y a de plus une référence à l’enfer avec le terme « Styx » ainsi que « l’enfer de ton lit » du dernier vers.

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