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Commentaire littéraire sur Les Justes de Camus, Acte III – Dora et Kaliayev

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Par   •  3 Mai 2021  •  Commentaire de texte  •  1 926 Mots (8 Pages)  •  1 752 Vues

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Commentaire littéraire sur Les Justes de Camus, Acte III – Dora et Kaliayev

Camus est un journaliste, écrivain, philosophe, connu pour son engagement pendant la Guerre d'Algérie et notamment pour sa dénonciation de la torture, mais aussi pour ses romans comme L'Etranger et La Peste où il développe la notion d'absurde. Dans sa pièce de théâtre Les Justes, parue en 1949, il s'appuie sur un événement historique réel : en 1905, dans la Russie soumise au pouvoir despotique du tsar, des terroristes révolutionnaires socialistes organisent un attentat à la bombe contre le grand-duc Serge. La première tentative échoue car Kaliayev, qui devait jeter la bombe n'a pas pu assumer son acte : des enfants étaient dans la calèche aux côtés de sa cible, et il n'a pas pu tuer des innocents. La seconde tentative est imminente : Kaliayev passe les quelques moments qui lui restent avant de tuer et probablement, d'être arrêté, en compagnie de Dora, l'artificière qui a préparé la bombe, et pour laquelle il éprouve des sentiments. Notre extrait constitue donc une pause dans la pièce, c'est un véritable duo d'amour qui prend forme sous nos yeux, mais cet amour a beau être partagé, il est impossible, il est condamné, car les révolutionnaires doivent oublier leurs sentiments et les sacrifier à leur cause politique. En quoi ce dialogue entre deux amants est-il profondément tragique, du fait de la nécessité de commettre un attentat quelques heures plus tard ? Nous verrons dans un premier temps en quoi cette scène d'amour associe sentiments personnels et sentiments révolutionnaires. Puis nous montrerons combien le dialogue développe un registre pathétique et un registre tragique.

Voyons dans un premier temps en quoi ce dialogue amoureux associe l'amour personnel entre les deux personnages, et l'amour du peuple. Toute la tension de cet extrait repose sur le fait que Dora veut demander à Kaliayev de lui dire qu'il l'aime de façon absolue, et que Kaliayev préfère lier de façon indissociable ses sentiments et son action révolutionnaire.

En effet, même si Dora et Kaliayev s'aiment profondément, ils ne sont pas d'accord dans cet extrait sur la manière d'exprimer leurs sentiments. Dora attend un aveu complet, absolu, que Kaliayev n'est pas en mesure de lui exprimer. Ainsi, Dora ose des expressions pleines de tendresse, l'appelle « mon chéri », lui rappelle sa beauté « j'étais belle alors », son insouciance. Comme une femme qui serait un peu futile voire coquette, elle demande un aveu d'amour « M'aimes-tu », s'interroge sur les sentiments de son amant « M'aimerais-tu si j'étais injuste ? ». Elle rêve d'une déclaration d'amour romantique, comme si son âme et celle de Kaliayev étaient prédestinées : « J'attends que tu m'appelles, moi, Dora, que tu m'appelles par-dessus ce monde ». Bien sûr, c'est parce qu'elle est désespérée, et on ne peut pas taxer Dora de légèreté, et justement, elle donne pour la première et la dernière fois libre cours à sa rêverie, à son imagination « si l'on pouvait oublier, ne fût-ce qu'une heure ». Au contraire, Kaliayev essaie de se contenir, de ne pas « se laisser aller enfin » (l.2) contrairement à ce qu'elle voudrait. C'est pour cela qu'il prononce des phrases assez dures, même si ce ne sont pas du tout des phrases violentes, mais plutôt des supplications « Tais-toi, Dora » (l.28 et l.32). Au début, Kaliayev avoue sans ambiguïté son amour, de manière claire, et catégorique avec l'emploi du futur et de la dérivation, « Personne ne t'aimera jamais comme je t'aime », mais il essaie de ne pas perdre le contrôle de ses sentiments, car il doit garder en tête son engagement : c'est lorsque Dora lui demande ce qu'il préfère, d'elle ou de son engagement, qu'il refuse de céder, de lui avouer la force de sa passion, de peur de ne plus pouvoir ensuite commettre l'attentat qu'il doit perpétrer.

Ainsi, ce qui est terrible dans cet extrait, c'est que l'ombre de la bombe que Kaliayev doit jeter plane et rend cette dernière entrevue terrible. Dora sait qu'elle parle pour la dernière fois à son amant en tête à tête, c'est pour cela que ses nerfs craquent comme en témoigne la didascalie « Elle rit comme si elle pleurait ». Ainsi, Kaliayev essaie de ne pas dissocier sa passion violente pour Dora de son engagement politique, tandis que Dora essaie, un moment de lui faire dire qu'il l'aime entièrement, passionnément, hors de son engagement révolutionnaire. Et pourtant, elle-même ne cesse de faire référence au malheur du peuple, aux injustices sociales, à la nécessité de s'engager. Elle est donc en plein dilemme : faire avouer ses sentiments à l'homme qu'elle aime avant de le perdre, tout en se sentant infiniment coupable de lui demander cet aveu amoureux qu'elle considère comme égoïste. En effet, alors que son engagement politique total fait d'elle un personnage plein d'abnégation, de générosité, de sacrifice, elle présente son tête à tête amoureux avec Kaliayev comme une « petite heure d'égoïsme ». Lui, rectifie cette périphrase et l'appelle plutôt du nom de « tendresse ». Toute la souffrance de la Russie reste en toile de fond, ils ne peuvent jamais complètement oublier « la misère et le peuple enchaîné » (l.26), « l'agonie des enfants » (l.26-27) ou encore « ceux qu'on pend et qu'on fouette à mort » (l.27) et « ce monde empoisonné d'injustice » (l.30). Ainsi, ce duo d'amour ne peut aboutir à un moment de plénitude parce que les malheurs et la souffrance du peuple y sont constamment rappelés, et parce que Kaliayev ne veut pas dissocier Dora de son engagement : « Je

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