Anthologie poétique

ANTHOLOGIE POETIQUE

Par Nael SAIDI

Thème de l’alchimie poétique

    L’alchimie poétique est la transformation de la réalité banale en une fiction poétique miraculeuse. Ce procédé est inventé au XIXe siècle par Charles Baudelaire, mais il était déjà utilisé avant par des poètes de la renaissance, des temps modernes ou de toute époque ne sachant donc pas encore qu’ils utilisent l’alchimie poétique. Par ailleurs, même si ce n’est pas voulu, les poèmes des diverses époques utilisent très bien l’alchimie poétique. Dès lors, Comment l’alchimie poétique revient à travers les siècles ? Dans une première partie, nous verrons comment est transcrite l’alchimie poétique dans les poèmes des différentes époques puis nous étudierons les ressemblances entre ces derniers.

Si notre vie est moins qu’une journée, DuBellay (1550)

Si nostre vie est moins qu'une journée
En l'eternel, si l'an qui faict le tour
Chasse nos jours sans espoir de retour,
Si périssable est toute chose née,

Que songes-tu, mon âme emprisonnée?
Pourquoy te plaist l'obscur de nostre jour,
Si pour voler en un plus cler sejour,
Tu as au dos l'aele bien empanée ?
                                                                   Vanité, Philippe de Champaigne, 1671
La, est le bien que tout esprit desire,        
La, le repos où tout le monde aspire,
La, est l'amour, la, le plaisir encore.

La, ô mon ame au plus hault ciel guidée !
Tu y pouras recongnoistre l'Idée
De la beauté, qu'en ce monde j'adore.[pic 1]                                             

Joachim du bellay exprime deux idées principales dans ce poème. Tout d’abord, les deux premiers quatrains expriment le pessimisme de la vie qui serait trop courte. Il évoque donc le sujet de la vanité de la vie et que toute chose est destinée à périr un jour ou l’autre « si périssable est toute chose née ». C’est aussi l’idée transmise par le premier vers « si notre vie est moins qu’une journée ». Finalement c’est à partir du 2e couplet que l’auteur commence évoquer le véritable sujet de son poème, à savoir le dépassement du monde des apparences. Il cherche à montrer la dimension spirituelle au-delà du monde matériel. L’immatériel est éternel. Il nous incite à travers le 2e couplet à se détacher de notre obscur monde et à s’envoler vers « un plus clair séjour », avec nos « ailes bien empanées » qui procure directement au lecteur la pensée du paradis et des ailes d’un ange. Avec la répétition du « là », l’auteur bâtit le monde de rêve dont il parle et les termes mélioratifs sont très présents « que tout esprit désire ». Il montre aussi que ce monde spirituel fait cohabiter « l’amour », « le plaisir », « le repos », « le bien » et finit sur le dernier tercet où l’auteur explique que son âme est « au plus haut du ciel guidée » confirmant définitivement la référence au paradis et la présence du divin dans ce monde spirituel. Joachim Du Bellay transforme donc la vanité en une vertu et la courtée de la vie comme une opportunité de s’élever vers un monde de rêve.

[pic 2]La Mort des amants, Baudelaire (1857)

Nous aurons des lits pleins d'odeurs légères,
Des divans profonds comme des tombeaux,
Et d'étranges fleurs sur des étagères,
Écloses pour nous sous des cieux plus beaux.

Usant à l'envi leurs chaleurs dernières,
Nos deux cœurs seront deux vastes flambeaux,
Qui réfléchiront leurs doubles lumières
Dans nos deux esprits, ces miroirs jumeaux.

Un soir fait de rose et de bleu mystique,
Nous échangerons un éclair unique,
Comme un long sanglot, tout chargé d'adieux;     Tristan et Iseult, Salvadore Dali (1944)  

Et plus tard un Ange, entr'ouvrant les portes,
Viendra ranimer, fidèle et joyeux,
Les miroirs ternis et les flammes mortes. 

Dans ce poème, Baudelaire embellit la mort de deux amants. La mort est considérée comme un malheur, la fin de tout. Cependant, Baudelaire nous en montre un aspect complètement différent en mélangeant cette malédiction qu’est la mort à l’amour. Il nous montre par ce poème qu’avec l’amour, la mort n’est plus une fin mais un passage vers un amour éternel, que dans l’au-delà se trouve le salut pour les deux âmes des amants. Il nous fait apparaitre que dans la mort on trouve ainsi l’amour éternel.

[pic 3]La belle gueuse, François Tristan L’Hermite (1648)

Ô que d'appas en ce visage
Plein de jeunesse et de beauté,
Qui semble trahir son langage
Et démentir sa pauvreté !

Ce rare honneur des orphelines,
Couvert de ces mauvais habits,
Nous découvre des perles fines
Dans une boîte de rubis.

Ses yeux sont des saphirs qui brillent,
Et ses cheveux qui s'éparpillent
Font montre d'une riche trésor.                                     The young rag seller, Charles Guillaume Brun (1870)
À quoi bon sa triste requête,
Si pour faire pleuvoir de l'or,
Elle n'a qu'à baisser la tête !

Les gueux, des personnages vivants dans la rue, à la fois ignorés et méprisés de tous. François Tristan L’Hermite, à travers ce poème décrit une gueuse en faisant l’éloge de cette dernière. Il la décrit comme une femme à part entière, et qui plus est une femme enivrante et belle. Il cherche à montrer la beauté de cette gueuse cachée sous sa pauvreté, ses « mauvais habits », et son langage, en bref sous son apparence repoussante. Il invite donc le lecteur, à voir à travers les apparences et à découvrir un trésor de beauté et de richesse, montrant donc que la richesse n’est pas toujours où on le croit.

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