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Analyse des colchiques d'Apollinaire, Alcools, 1902

Commentaire de texte : Analyse des colchiques d'Apollinaire, Alcools, 1902. Recherche parmi 300 000+ dissertations

Par   •  9 Juin 2017  •  Commentaire de texte  •  1 620 Mots (7 Pages)  •  4 399 Vues

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Texte 9 : Les colchiques, Apollinaire, Alcools, 1902

Présentation de l’auteur :

Né à Rome le 25 septembre 1880 ; Mort à Paris le 9 novembre 1918

Guillaume Apollinaire, grand poète du XXe siècle, participe aux révolutions littéraires et esthétiques de son époque. Défenseur de l'art moderne et conteur, il est l'inventeur du mot "surréalisme" et ouvre une nouvelle voie poétique.

Présentation de l’œuvre :  

La modernité. Alcools est associé au cubisme et au surréalisme (c'est Apollinaire qui a inventé le terme de "surréalisme"). La poésie d'Apollinaire est unique et inclassable, mais la publication d'Alcools en 1913 manifeste cet "esprit nouveau" qui, en peinture - avec le cubisme - et en littérature - avec le surréalisme - ouvre le champ de la modernité en ce début du XXème siècle. Une figure importante : c'est celle du "Mal-aimé", derrière laquelle on devine, en filigrane, la personne de l'auteur Apollinaire. L'ouvrage comporte donc une part autobiographique. Certains poèmes rappellent les amours déçues ou malheureuses de l'auteur (par exemple dans "La Chanson du Mal-Aimé"). On retrouve par exemple ce thème couplé à l’obsession de la fuite du temps dans le célèbre poème "Le Pont Mirabeau".

Présentation de l’extrait :  

Cette fleur est sauvage, de couleur mauve/violette, elle est surnommée « tue-chien » puisqu’il s’agit d’une plante toxique car elle contient un alcaloïde (ce qui renvoie au titre « Alcools » du recueil). Elle pousse en Automne (saison préférée d’Apollinaire). Le mois de novembre 1902 (date d’écriture du poème) correspond au cycle Rhénan, et est lié avec la rencontre de Annie. C’est un poème de déclaration d’amour. Il y a des inspiration orphique, Apollinaire applique sa douleur dans la création poétique. Thèmes principaux : nature, femme, empoisonnement et mort.

Problématique : En quoi ce poème illustre-t-il un début d’amour tragique ?

  1. Un poème de début d’amour : une déclaration galante qui met en parallèle la nature et l’amour, la fleur et la femme.

  1. La nature et l’amour
  • Ici la nature est révélatrice des sentiments du poète, c’est un thème traditionnel chez les romantiques et les symbolistes. Elle est tournée vers l’Homme, c’est prétexte. En effet, on peut voir des similitudes entre les termes évoquant la nature et celles désignant des liens humains avec les v.9 et 10, avec la comparaison entre « colchiques » et « paupières », c’est une sorte d’anthropomorphisme.
  • L’automne est la saison mentale d’Apollinaire, c’est une saison teintée de tristesse et c’est la période du début de sa relation amoureuse : v.15, v.1, v.6
  • Ce poème est une déclaration galante sous forme de dialogue à une voix qui s’adresse à la femme aimée mais qui est absente, on appelle cela une prosopopée avec par exemple v.5 et 7 « tes yeux »
  1. La fleur et la femme
  • Beauté de la jeune fille avec « Lilas » v.4 dans le sens de « votre beauté me désespère », c’est un zeugma, c’est-à-dire une association de deux termes qui n’ont rien avoir, ici « cernes » avec « lilas ». Dans l’ensemble du poème ces métaphores filées consistent à comparer le colchique au regard de la femme dans les vers : v.5, 7, 6, 11
  • Le présent se répète et celui de vérité générale aussi
  1. Une structure oxymorique
  • Une structure qui repose sur des antithèses : « vénéneux mais jolie » v.1, « mal fleuri » et « joli » v.15, il y a un parallélisme entre les vers 1 et 15 se terminant par « automne »
  • On remarque un ton élégiaque qui apparait avec de la mélancolie un peu désabusée
  • L’auteur applique cette opposition à l’image de la femme à travers l’ambiguïté des vers 4 et 5 avec un brouillage de sens comme si les colchiques pouvaient féconder les yeux de la femme aimée, cette ambiguïté est aussi accentuée avec l’absence de ponctuation.
  • Sonorité avec la répétition du son « que » 4x avec la redondance de « comme » v.6
  • « Vénéneux » repris par un adjectif péjoratif de couleur « violâtre »
  • Assimilation du colchique v.4 à la fois aux cernes (couleur) qui renvoie à la femme et aux lilas qui renvoie à la fleur, cela rappelle l’antithèse « vénéneux mais jolie », comparaison utilisée 3 fois dans les vers 5 et 6 avec le croisement entre la fleur automnal et la femme, volonté de la part de l’auteur d’une certaines démonstration « cette fleur-là » qui désigne la fleur et qui renvoie à la figure métonymique de la femme. Il ne parle que de ses yeux.
  • « Cette automne » renvoie au présent du discours du poète, il vit l’empoisonnement, cet automne est le français mais il lui rappelle l’automne rhénan qu’il a vécu avec Annie
  • Il y a aussi une présence de permanence avec la durée de l’amour malheureux et de la saison élégiaque au v.15, c’est une conception pessimiste de l’amour notamment avec « pour toujours »   v.15
  1. Une scène classique de la vie paysanne
  1. Des détails prosaïques et réalistes : l’insouciance des enfants
  • Il évoque aussi des personnages, qui sont liés à leurs caractéristiques habituelles, qu’il a pu observer en Rhénanie
  • Le contexte de l’école peut s’expliquer au fait qu’Annie était institutrice, les écoliers sont des personnages actifs pour rompre la monotonie du paysage avec les sonorités utilisées qui rendent compte du bruit avec la répétition du son « que » 12 fois dans le quintile, cela insiste sur l’arrivée bruyante des enfants ainsi que de leur insouciance en rupture avec le ton et les sons de la première strophe qui étaient douce, ici il y a un claquement du son avec un effet de réel à la scène avec le présent « viennent avec fracas » v.8
  • L’insouciance est montrée par le fait qu’ils cueillent des colchiques alors que c’est une plante toxique accompagné d’un présent de narration comme si le poète était observateur de la scène.
  1. Un aspect pictural : un tableau champêtre
  • Le cadre est le pré, comme dans un tableau
  • Il y a une description des éléments en particulier : « vaches » v.2 et v.14
  • Utilisation de verbe pronominal « elles s’empoisonnent »
  • Parallèles entre les vaches et le poète avec une sorte d’action subit des vaches à mettre en parallèles avec l’attitude du poète v.7
  • Sonorité du son « Ve » : « vaches » « violâtre » « vent » qui évoque un monde de folie.
  1. La thématique du mouvement et du passage
  • 2ème strophe mouvementée avec les verbes de mouvements qui montrent le bruit : « vienne » « battent » et qui contraste avec le silence de la première strophe.
  • On voit ici un paysage réel et stéréotypé d’une scène d’automne qui renvoie à l’univers mental du poète à travers la comparaison du v.12 qui souligne l’assimilation entre la fleur et la femme encore une fois.
  • On peut aussi remarquer un ensemble d’antithèse : « avec fracas » v.8 qui s’oppose à « lentement » v.3 et 7 : insistance sur un adverbe long et l’opposition entre « mère » et « fille » v.10 et 11
  • La thématique du mouvement et du passage est aussi retrouvée dans les enjambements entre les vers 8 et 9 et vers 10, 11 et 12.
  1. Un drame banal : la mort en embuscade dans un poème symboliste et auto biographique
  1. Une mort lente par empoisonnement
  • C’est ici un automne malsain (« automne malade » autre poème du recueil) avec l’empoisonnement qui est un caractère éphémère de la vie, la mort qui la guette, la fleur fragile.
  • Colchiques : fleurs des saisons
  • Les victimes : les vaches, détail très prosaïque avec la longueur des termes dans les vers 3 et 2. Avec la mort lente : « lentement s’empoisonne »
  • Il y a une mise en relief de la lenteur avec la longueur des vers associée à des rimes suivies accompagnées d’un ton grave et élégiaque qui constitue un alexandrin et aussi à travers les vers 6 et 7 qui sont long avec des rimes suivies et la répétition du vers 3.
  • De plus, « s’empoisonne » parait presque être une vision suicidaire

 

  1. Une figure féminine qui, comme Médée, est capable d’engendrer la mort

  • Le regard de la femme est un regard terrible, les yeux de la femme fatale. Ce motif poétique est récurrent chez apollinaire.
  • Il y a ici une idée d’une forme de reproduction du mal avec une assimilation de cette femme avec toute sorte d’empoisonnement.
  • L’image de l’instabilité est retrouvée avec les verbes d’action qui montre que les fleurs sont fuyantes : « battre », les fleurs qui battent comme les paupières de la femme fatale, fausse et dangereuse indiquant un caractère de fuite qui perturbent l’univers mentale du poète car les fleurs perturbent le paysage.

  1. Une douleur sublimée : la victoire du poète dont le chant est éternel
  •  On retrouve l’image de la lyre à travers le vers 13 « chante tout doucement », son chant dépasse la réalité parce que la victoire du poète est son chant qui est éternel.
  • Le gardien du troupeau accompagne les vaches, c’est une forme d’inconscience puisque le poète sent son empoisonnement mais se laisse faire.

Conclusion :

Le poème Les colchiques fait partie du cycle Rhénan avec Annie et avec aussi comme référence l’automne, saison ambigüe, souvent ventée par sa beauté et en même temps son aspect fatal. On peut parler d’une fatalité automnale, qui crée aussi une impression de malaise lié au caractère dangereux de la femme. La présence du poète qui tente d’exercer son amour et sa douleur qui rappelle le personnage d’Orphée qui utilise la Lyre pour exprimer son échec.

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