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Présentation du recueil Les Fleurs du Mal

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Par   •  8 Mars 2020  •  Fiche de lecture  •  2 766 Mots (12 Pages)  •  790 Vues

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Baudelaire, Les Fleurs du Mal, 1857

Contexte esthétique

A. Baudelaire et la modernité poétique, un auteur à la croisée des chemins

        Baudelaire est un auteur inclassable, dont l’œuvre transcende les catégories et les étiquettes littéraires établies. En effet, le milieu du XIXe siècle n’est plus tout à fait celui du romantisme et pas encore pleinement ni celui du réalisme, ni celui du symbolisme.

        On peut parler à propos de Baudelaire de « second romantisme », puisqu’il décrit le romantisme essentiellement comme la modernité. Son peintre de prédilection est d’ailleurs le peintre romantique par excellence, Eugène Delacroix. Baudelaire est clairement l’héritier d’une tradition romantique qui met le poète au centre du monde littéraire, voire de la société. En effet, Hugo a transformé le poète en prophète, en mage dont la parole est Vérité. Le poète des Fleurs du Mal reprend une partie de cette tradition romantique, qu’il va faire néanmoins évoluer. Pour lui, et à l’image des romantiques, être poète est à la fois une malédiction et une « Bénédiction » pour reprendre le titre du poème liminaire de son recueil. Le poète souffre, d’une souffrance qu’il doit endurer dans son « étude du beau » et sa quête obsessionnelle de la perfection. L’inadaptation est donc le lot du poète et le malheur empreint sa condition. Chercher le beau est une condamnation, qui s’accompagne des souffrances que le poète se prodigue à lui-même.

        Des Parnassiens, Baudelaire se rapproche par le culte de la forme, visible dans son admiration pour Théophile Gautier, « poète impeccable », à qui sont dédiées ses « fleurs maladives ». En outre, plusieurs poèmes des Fleurs du mal paraissent dans le Parnasse contemporain, organe officiel du mouvement.

        Bien que la théorie des correspondances ait été entièrement établie par les romantiques, sous l’influence des grands poètes allemands du mouvement, on a attribué à Baudelaire une sorte de paternité du symbolisme. « Correspondances », le poème dans lequel Baudelaire décrit la « ténébreuse et profonde unité » d’un monde au sein duquel « les parfums, les couleurs et les sons se répondent », semble en esquisser la théorie en affirmant que le poète doit viser une traduction possible du langage secret de la nature.

        Les Décadents de la fin du siècle se réclameront aussi de lui, de son goût du morbide et de l’artificiel. Par exemple, Joris Karl Huysmans lui rend un hommage appuyé dans son roman À Rebours (1884), dont le héros des Esseintes admire les « chants clamés pendant les nuits de sabbat » du poète des Fleurs du Mal.

        Les relations de Baudelaire avec le réalisme sont loin d’être faciles à trancher : à ses débuts, il est l’ami proche de Champfleury, apôtre du réalisme, avec qui il fonde en 1848 un très éphémère journal dont le frontispice est l’œuvre de Courbet, peintre porte-drapeau du mouvement réaliste. Par ailleurs, le procès de 1857 des Fleurs du Mal mentionne l’accusation de réalisme, à une époque où le terme est quasi insultant et équivaut à l’immoralité en art et au culte des bas-fonds. Mais le poète va prendre peu à peu ses distances avec le mouvement, au fur et à mesure de l’affirmation de ses convictions en art, et notamment de la glorification de la « reine des facultés », l’imagination.

B. Le poète de la modernité

        C’est dans les écrits sur l’art et dans les poèmes que va se constituer la thématique urbaine et moderne qui constitue un des apports décisifs de Baudelaire à la poésie française.

Le Salon de 1846 affirme l’existence d’un « héroïsme de la vie moderne », et tient « la vie parisienne [pour] féconde en sujets poétiques et merveilleux. » En 1861, Baudelaire ajoute la section des « Tableaux parisiens » aux Fleurs du Mal, et le monde urbain fait ainsi son entrée dans sa poésie. Cette errance est une exploration du présent, et une quête du choc, de la surprise, présente souvent à travers la rencontre d’« êtres singuliers, décrépits et charmants. »

La ville exerce un « enchantement » au sens fort du terme, et le thème urbain est l’exemple le plus marquant de transformation de la boue en or, de fleurs poussées sur un terreau horrible. Il faut attendre cependant Le Peintre de la vie moderne et les réflexions sur Constantin Guys, pour que Baudelaire formalise sa pensée sur la modernité, définie comme « le transitoire, le fugitif, le contingent, la moitié de l’art, dont l’autre moitié est l’éternel et l’immuable. »

        « Tu m’as donné la boue et j’en ai fait de l’or » (projet d’épilogue de l’édition de 1861 des Fleurs du Mal).

        Pour Baudelaire, le travail poétique se définit comme une opération quasi alchimique, qui consiste à tirer des « fleurs » du mal, à transformer la boue en or. Sur une terre aride doit naître l’abondance, tout comme du métal on tente de faire de l’or. C’est une véritable transfiguration qui définit le travail poétique, et nous avons déjà signalé le rôle que les images doivent jouer dans cette opération, qui est un travail. En effet, Baudelaire congédie aussi avec cette conception l’idée de l’inspiration romantique qui visite le poète habité.

C. Le dialogue entre les arts

        Des préoccupations du poète apparaissent communes à celles des peintres : la thématique de la ville va ainsi prendre une importance grandissante, avec l’aquafortiste Charles Méryon, graveur de vues de Paris célébré dans le Salon de 1859. Méryon choisit d’interrompre sa carrière d’officier de marine, afin de « peindre la noire majesté de la plus inquiétante des capitales ». Mais celui qui va s’imposer comme le « Peintre de la vie moderne » est Constantin Guys, essentiellement illustrateur pour les journaux, dont Baudelaire découvre l’œuvre, qu’il consacre immédiatement comme une sorte d’illustration à ses propres recherches sur la modernité. Guys esquisse les figures contemporaines et croque la vie élégante du Second Empire, et sa peinture de mœurs s’inscrit résolument dans le présent, dont Baudelaire cherche à mettre en valeur l’héroïsme. Il s’agit de « rechercher quel peut être le côté épique de la vie moderne » et de compléter la « comédie humaine » du monde moderne.

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