Montesquieu, LETTRE LXVIII Rica à Usbek, À ***
Commentaire de texte : Montesquieu, LETTRE LXVIII Rica à Usbek, À ***. Recherche parmi 300 000+ dissertationsPar Rachel R • 3 Mai 2021 • Commentaire de texte • 2 244 Mots (9 Pages) • 1 041 Vues
COMMENTAIRE LINÉAIRE du TEXTE 2 des LES LETTRES PERSANES de
MONTESQUIEU
LETTRE LXVIII Rica à Usbek, À ***
Dans cette lettre 68 des Lettres Persanes, parues en 1721, Montesquieu aborde
un thème qui lui est cher : la justice. Plusieurs lettres, en effet, parlent des différentes lois,
de ceux qui les font [les législateurs], et du droit en général. Ici Rica raconte à son ami
Usbek sa récente rencontre avec un juge, et le texte fait une satire de ce métier.
1) Le début de la lettre est emblématique [caractéristique, typique, choisssez un
terme] de la méthode utilisée par Montesquieu pour faire passer de manière
agréable des idées à son lecteur.
La lettre commence en effet par : « J’allai l’autre jour dîner chez un homme de robe qui
m’en avait prié plusieurs fois. Après avoir parlé de bien des choses, je lui dis ....» On voit
déjà que Rica ne va rapporter à Usbek que la partie importante de la conversation
qu’il a eue; cette présentation donne par avance plus d’intérêt à ce qui va être
rapporté.
Ensuite la lettre se donne comme une anecdote, lors d’un événement sans
importance apparente : un dîner en ville. En outre Rica y avait été invité plusieurs fois, il
n’est donc pas là, a priori, pour faire une enquête. Ce début donne donc un ton léger au
récit, et permet d’amener les idées de façon naturelle et plaisante.
Montesquieu utilise beaucoup, dans les Lettres Persanes, ce procédé de la « visite » .
Les Persans sont en effet invités à droite à gauche, souvent pour satisfaire la curiosité des
Parisiens, et sont donc introduits au cœur de la société. Ils y rencontrent alors les gens
importants qui constituent cette société. Ici c’est un « homme de robe », c’est-à-dire un
juge !
Toute la suite de la lettre va être la transcription du dialogue que Rica a eu avec
ce juge. Ce dialogue est entièrement au style direct; là encore, c’est un procédé, une
mise en scène, car dans la « réalité », il serait difficile de répéter un dialogue exactement
tel qu’il a eu lieu. Grace à ce procédé, le lecteur lit une discussion argumentée animée
et vivante, exactement comme s’il y était !
2) Rica raconte qu’il a fait une première remarque sur le métier de juge :
« Monsieur, il me paraît que votre métier est bien pénible. » Cette remarque est assez
banale, elle traduit une opinion répandue, une idée toute faite sur le métier de juge,
comme on le sent au verbe « il me paraît ». A priori, Rica n’est ni agressif ni critique, il
serait même plutôt compatissant envers le juge. Toutefois si on entend la voix de
Montesquieu derrière celle du Persan, ce début peut être ironique.
On notera que les deux Persans sont souvent présentés comme porteurs d’un certain
bon sens, et bienveillants. Cela fait partie de la mise en scène du «regard éloigné»
inventée par Montesquieu : ils ne sont pas censés être là pour critiquer directement la
France, mais plutôt pour la découvrir. La critique, quand il y en à une, est donc rarement
directe : elle se construira progressivement.
3) La réponse du juge est déconcertante : « de la manière dont nous le faisons, ce
n’est qu’un amusement. » Remarquons que le juge utilise le pronom « nous », pour
répondre à Rica, suggèrant que sa façon de faire est générale, que tous les juges font
comme lui. (Un peu après, il dit aussi : « nous autres juges ») C’est là une autre astuce de Montesquieu : l’exemple d’UN juge va en réalité servir à
montrer toute une profession.
L’utilisation de « ne .. que » et du terme « amusement » font de la réponse du juge un
paradoxe assez choquant; car déjà le mot « amusement » ne va guère avec l’activité de
juge; ensuite le juge, en faisant une antithèse entre « pénible » et « amusement », prend
bien le total contrepied de Rica, et donc, de l’opinion commune.
RIca est donc surpris, comme l'indique son exclamation « Mais quoi ! »; il revient alors à
son raisonnement et essaye d’expliquer au juge ce qu’il entendait par « métier (..)
pénible » : « n’avez-vous pas toujours la tête remplie des affaires d’autrui ? N’êtes-vous
pas toujours occupé de choses qui ne sont point intéressantes ? » Il utilise des questions
rhétoriques, tant ces idées lui paraissent évidentes.
Le juge réplique : « Vous avez raison; »; on dirait d’abord qu’il approuve Rica, mais en
fait, il dévie la question posée, en jouant sur le mot « intéressantes »; il dit : « nous
nous y intéressons si peu que rien ». Là encore, la tournure désinvolte « si peu que
rien » est choquante. Ensuite l’enchaînement des idées pose problème, en particulier le
« car »
...