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Lettres persnes de Montesquieu (lettre 30)

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Par   •  23 Mai 2020  •  Commentaire de texte  •  1 282 Mots (6 Pages)  •  1 293 Vues

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Sq.1: Lecture analytique n°4

Lettres persanes de Montesquieu (lettre 30)

Introduction

Montesquieu est un éminent philosophe des Lumières, qui est l’auteur d’une œuvre considérable, tant en fiction qu’en littérature d’idées. Son roman épistolaire, les Lettres persanes, est publié en 1721 sous couvert d’anonymat. Deux persans, Rica et Usbeck, voyagent en Europe, et plus particulièrement en France. Dans les lettres qu’ils adressent à leurs amis restés en Perse, les deux voyageurs décrivent les mœurs françaises et ne cachent pas leur étonnement, voire leurs interrogations critiques. C’est le cas dans cette lettre 30, dans laquelle Rica s’interroge sur la curiosité que sa présence suscite dans les milieux parisiens.

Projet de lecture: Nous nous demanderons quelle réflexion sur l’altérité ce texte de Montesquieu soulève.

Plan du texte:

- 1er Mvt: l.1-10: le scripteur de la lettre, un Persan nommé Rica, constate avec amusement la curiosité dont les Parisiens font preuve à son égard.

- 2e Mvt: l.11-21: il fait le récit d’une expérience qu’il conduit pour mieux comprendre les causes de l’effervescence autour de sa personne.

I- Rica au centre de toutes les attentions 

- l.1: Dès la première phrase, Rica formule un jugement critique des parisiens: ils sont animés d’une «curiosité qui va jusqu’à l’extravagance» écrit-il à son destinataire Ibben. Une qualité (la curiosité, l’attention portée à l’autre) se transforme ici en défaut (l’extravagance, ou encore la folie) à force d’excès. Cette première phrase sonne comme un avertissement: les comportements des Parisiens dont il va être ici question n’ont guère de rationalité, ils ne peuvent pas trouver d’explication logique. Le pluriel dans l’expression «les habitants de Paris» montre que le jugement critique de Rica se fait général, sans cibler un individu en particulier.

- l.1-7: Rica, la coqueluche de tout Paris

Le Persan Rica est loin de passer inaperçu dans les rues de Paris. La tournure passive «je fus regardé» montre que Rica est comme chosifié sous le regard des curieux. Il subit les assauts frénétiques des badauds, très nombreux et de profils variés d’après l’énumération «vieillards, hommes, femmes, enfants» (tous les âges, tous les sexes s’intéressent au Persan). Le caractère irrationnel de cette curiosité, qui avait déjà été annoncé par le terme péjorative «extravagance», se trouve confirmé par la proposition subordonnée comparative «comme si j’avais été envoyée du Ciel». La phrase lignes 4 à 7 se structure en trois étapes: «si je sortais...si j’étais aux Tuileries…si j’étais aux spectacles...». Ce «si» a une valeur temporelle (équivalent=quand). Le champ  lexical du regard domine ce passage: «regardé», «voir», «lorgnettes», «vu». Les Parisiens se pressent autour du Persan, non pour le questionner, non pour l’accueillir, mais pour le dévisager comme une bête curieuse. Cette curiosité est éveillée en toutes circonstances, tant de jour (les Tuileries, lieu de promenade parisienne par excellence) que de nuit («spectacles» fait référence aux nuits parisiennes). L’expression «tout le monde se mettait au fenêtre» indique que ce regard se fait surplombant, Rica étant en situation d’infériorité, au-dessous. Puis, l’image du «cercle» indique que ce regard se fait oppressant: nul moyen pour Rica d’échapper au cercle formé «autour de lui». De l’oppression on passe enfin à l’agression, avec les «cents lorgnettes dressés contre ma figure». L’hyperbole révèle la peur de Rica, qui n’a aucune prise sur le phénomène de foule qu’il déclenche involontairement par sa seule présence.

l.7-10: Rica se moque des Parisiens

Rica ne se laisse cependant pas longtemps dominer par la peur: cette dernière est immédiatement désamorcée par l’humour: «je souriais» = Rica choisit de s’amuser de cette situation plutôt que de s’en agacer ou de s’en inquiéter. L’amusement de Rica est suscité par un propos tenu par des Parisiens et rapporté au style direct: «Il faut avouer qu’il a l’air bien Persan.» Ce propos n’est pas adressé à l’intéressé, il relève plutôt du commérage comme le marque le groupe verbal «disaient entre eux»: la parole des Parisiens circulent donc à l’intérieur d’un cercle fermé, le quant-à-soi, qui ne fait pas de place à la parole de l’autre. Ce propos provoque l’hilarité de Rica par son absurdité, c’est une affirmation qui n’a aucune valeur puisqu’elle provient des personnes qui non seulement ne sont jamais allés en Perse, mais qui n’ont même aucune expérience de voyageur comme le signale l’hyperbole «presque jamais sortis de leur chambre». La courte exclamation «chose admirable!» est ironique, il s’agit d’une antiphrase (Rica n’a aucune admiration pour ces jugements infondés, formulés à l’emporte-pièce). La popularité de Rica entraîne la réalisation d’innombrables «portraits» de lui. L’adverbe de lieu «partout» souligne le caractère généralisé de cette frénésie autour de sa personne.Rica exprime la sensation de vertige qui est la sienne avec l’emploi du verbe pronominal «je me voyais démultiplié». L’énumération binaire «dans toutes les boutiques, sur toutes les cheminées» accentue ce vertige: Rica est idolâtré par toute la population parisienne, tel une divinité, alors qu’il n’a accompli aucun acte exceptionnel et qu’il n’a même pas eu l’occasion de s’exprimer.

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