Les Lettres Persanes vous paraît-elle une oeuvre efficace pour faire la satire de la société?

Les Lettres Persanes vous paraît-elle être un oeuvre efficace pour faire la satire de la société?

Les Lettres Persanes est un roman épistolaire publié anonymement par Montesquieu en 1721. À travers les échanges de Usbek et Rica avec leurs correspondants persans, Montesquieu présente la société et en fait la satire. Selon moi, les Lettres Persanes est une oeuvre efficace pour faire la satire de la société grâce à ses personnages et par sa forme épistolaire caractérisée par le style d’écriture de Montesquieu.

En premier lieu, l'oeuvre est efficace pour faire la satire de la société grâce à Usbek et Rica qui portent un regard extérieur sur la société, un regard d’étranger. Ce regard d’étranger, pouvant être classifié comme étant “faussement naïf”, inverse la vision banale qu’on a du monde, faisant ainsi une description satirique de la société. De même, les personnalités opposées de Usbek et Rica, le sérieux d’Usbek et le sarcasme de Rica, sont efficaces pour faire la satire de la société. Usbek, intellectuel et philosophe, semble être chargé de critiquer les institutions de la société tandis que Rica, plus jeune et à l’esprit humouristique, est chargé de faire de la société française une pièce de théâtre. Ainsi, l’opposition des personnalités permet de varier les tonalités des lettres, permettant de faire une satire plus efficace de la société. L’opposition des personnalités des personnages est particulièrement marquante des lettres XVI à XXVIII dans lesquelles Usbek, mélancolique, est à la recherche de la vérité, tandis que Rica, d’humeur gaie, aborde des thèmes importants de la société française. Le sarcasme et l’humour de Rica apparaissent plus précisément dans la lettre XXIV dans laquelle il traite Louis XIV, le roi de France, de “grand magicien” (l.39), et se moque du pape qui fait croire à ses sujets que “le pain qu’on mange n’est pas du pain, ou que le vin qu’on boit n’est pas du vin” (l.54-55). Le rôle de Rica au sein du roman ressort particulièrement dans la lettre XXVIII, dans laquelle Rica fait apparaître sa vie comme une immense pièce de théâtre en se moquant des spectateurs d’une pièce de théâtre à Paris. D’un autre côté, Usbek, mélancolique et grave, semble rechercher la vérité. Il se questionne sur le déclin de l’Empire turc (lettre XIX) et va même questionner le mollak Méhémet-Hali sur les raisons de la pureté ou de l’impureté des choses (lettre XVII). Par ailleurs, au fil du roman rien n’évolue comme Usbek le souhaite, il nous semble que la marche des événements contredit le sérieux et la gravité de ses propos (par exemple, la faillite du sérail d’Usbek), renforçant ainsi l’effet de satire produite par l’opposition de la paire Usbek et Rica.

Dans un deuxième temps, la forme épistolaire des Lettres Persanes instaure une prise de distance qui favorise la critique satirique de la société par Montesquieu. Cette forme est également efficace car elle produit un effet de réel sur le lecteur, qui a l’impression d’être inclus dans l’histoire. Le lecteur peut donc s’attacher aux émotions et aux sentiments exprimés par les personnages, permettant à la satire de la société d’être plus puissante. Le style des Lettres Persanes en fait aussi une oeuvre efficace pour faire la satire de la société grâce à l’écriture visuelle de Montesquieu, qui devient “cinématographique” par des descriptions burlesques. Dans la lettre 99, Montesquieu utilise l’hyperbole et l’ellipse pour produire un effet d’exagération, “Quelquefois les coiffures montent insensiblement, et une révolution les fait descendre tout à coup”, accentuant encore la satire de la société. Ces descriptions burlesques s’opposent à des monologues tragiques, comme la confession d’Usbek dans la lettre CLV, “Rebut indigne de la nature humaine (...) si vous connaissiez le malheur de la mienne”. Cette opposition entre moments burlesques et moments tragiques illustre l’aspect tragi-comique propre au sarcasme.

...