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Lecture Analytique Les Bonnes de Jean Genet

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Par   •  5 Juin 2016  •  Commentaire de texte  •  1 657 Mots (7 Pages)  •  56 980 Vues

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Séquence 2 : Lecture Analytique n°1 de Les Bonnes de « Solange, doucement d’abord…. » à «  et tu n’as pas pu aller jusqu’au bout. »

Introduction :

  • « Une pièce pour temps de décadence » (un critique du Figaro en 1947) le scandale de cette pièce inspirée par un fait divers sanglant (le crime des sœurs Papin, un fait divers sanglant…)
  • Ce dernier fut mis à distance et réinvesti par un auteur sulfureux, J. Genet (rappeler les principaux éléments de sa biographie) .
  • Dans un contexte historique et littéraire agité : le nouveau théâtre, la philosophie de l’absurde,  l’après 2ème GM (contestation de la IVème république)
  • Les Bonnes : une tragédie moderne dont les personnages principaux ne sont pas des personnages nobles ou divins, mais deux sœurs, Claire et Solange, deux domestiques travaillant au service d’une bourgeoise appelée « Madame ». La pièce s’ouvre sur la mise en scène d’une « cérémonie » rituelle entre les deux domestiques, dont l’une joue madame et l’autre sa propre sœur. Cette cérémonie sert d’exutoire à leur pulsion meurtrière qui va structurer cette pièce sans acte ni scène mais et où la tension dramatique monte jusqu’au dénouement final.
  • Ici = début de la pièce, scène d’exposition qui suscite le trouble chez le spectateur car confusion des rôles, théâtre dans le théâtre, absence de réalisme, violence extrême.
  • Dans cet extrait : fin de la cérémonie, montée de la tension dramatique : on assiste à l’explosion de la colère et de la haine de Solange contre le personnage de Madame qui est joué par sa propre sœur.
  • Problématique : En quoi cette scène de théâtre dans le théâtre permet-elle de donner à sentir dès l’exposition les tensions à l’œuvre entre les bonnes et madame, mais aussi entre les deux sœurs ?

  1. « La révolte des bonnes »
  2. La relation ambiguë des deux sœurs : l’amour, la haine, la fusion
  3. Une « cérémonie »malsaine : le théâtre dans le théâtre et le malaise des spectateurs

I] « La révolte des bonnes »

1°- Le renversement du pouvoir

  • Le spectateur assiste très surpris à un renversement du pouvoir : la bonne va dominer sa patronne : « Je suis prête »=  présage …, « elle crache », « Moi aussi je vous hais », « Vous ne m’intimidez plus », « Nous ne vous craignons plus », « Je vous hais » : la « révolte des bonnes » est en marche.
  • Multiplication des verbes à l’impératif qui expriment l’ordre (la domestique docile devient celle qui donne des ordres) : « Avouez ! Avouez le laitier ! »,  « Riez un peu, riez et priez vite »…
  • La domination est perceptible à travers la disproportion des prises de parole : renversement, c’est la bonne qui domine le dialogue. (rupture par rapport au début de la pièce)

2°- La montée en puissance de la révolte

  • La colère de Claire/Solange monte tout au long de la scène (montée de la violence)

Voir le crescendo dramatique rendu par les didascalies : « doucement d’abord », puis « elle crache », « marchant sur elle », « gifle » enfin « elle tape sur les mains de Claire qui protège sa gorge » = le ton monte, puis la bonne s’impose physiquement pour ensuite entreprendre d’étrangler sa sœur/madame.

  • Métaphore de la révolte comme un ballon qui gonfle et qui menace d’exploser : « la révolte des bonnes. La voici qui monte…elle va crever et dégonfler votre aventure » = menace le couple formé par madame et monsieur
  • Répétition du verbe haïr par 4 fois, formule qui encadre la première tirade de Solange/Claire.

3°- La confrontation de deux univers

  • Cette confrontation de la bonne et de sa patronne est avant tout une affaire de rivalité féminine. Deux portraits antithétiques s’opposent : celui de madame et celui de la bonne
  • Madame : une féminité exacerbée : elle est définie par sa « poitrine », « ses cuisses », ses « pieds » + des matières précieuses. Madame apparaît comme une divinité, une idole (elle est « auréol[ée] par le danger) qui prive la bonne de tous les attributs de la féminité.
  • Voir le champ lexical du vol : « dérober », « m’en priver », « me prendre » ; répétition de « et m’en priver » et énumération des attributs de la féminité

La bonne est l’antithèse de madame : univers domestique des travaux ménagers : univers prosaïque : parallélisme « vous avez vos fleurs, j’ai mon évier », homéotéleute : « gants » « dents », la bonne est présentée comme un être souillé et impur, champ lexical de la puanteur : « exhalaisons », « odeur de mes dents »,  « rot ». Son nom, Claire, est en contradiction avec son apparence : elle n’est que « ténèbres…infernales »

« Devenez plus belle pour les mépriser. » Madame : une féminité écrasante et insupportable

Transition :

II] La relation ambiguë des deux sœurs : l’amour et la haine

1°- L’intrusion du réel dans la cérémonie, la confusion des rôles

  • Des dysfonctionnements dans la distribution des rôles apparaissent : « Avouez le laitier car Solange vous emmerde / Claire affolée : Claire ! Claire ! » : intrusion d’un personnage qui n’appartient pas à l’univers de madame mais bien à celui des deux bonnes. De plus, Solange reprend son vrai nom et est rappelée à l’ordre par sa sœur.
  • Ce lapsus brise le rythme de la cérémonie et révèle les conflits entre les deux sœurs
  • « Car Solange vous emmerde ! » : le mot grossier et violent n’atteint pas madame mais Claire, rivalité féminine également entre les deux sœurs autour du personnage du laitier.
  • Claire est réellement suffoquée par la haine de sa propre sœur qui tente de l’étrangler (« c’est moi que tu vises à travers Madame »)

2°- Une relation d’amour/haine

  • Violence verbale et physique qui s’adresse finalement à sa sœur : insultes, crachat, gifle, tentative d’étranglement….
  • Mais en même temps didascalie « les deux actrices se rapprochent, émues et écoutent pressées l’une contre ».
  • Une relation complexe « j’en ai assez de ce miroir qui me renvoie mon image comme une mauvaise odeur » « s’aimer dans le dégout ce n’est pas s’aimer/ c’est trop s’aimer »
  • Cette haine de l’autre est avant tout une haine de soi-même (thématique du double).

3°- Une relation étouffante

  • Confusion et fusion des deux actrices : voir le glissement du « je » au « nous » dans les tirades de Solange + « nous sommes confondues dans nos exhalaisons, dans nos fastes… nous prenons forme… »
  • Image d’un être monstrueux qui serait constitué de deux corps. .
  • « Claire et toi, tu n’es que ténèbres… » : Claire s’insulte elle-même en prétendant insulter Solange  = autodestruction : haine de l’autre = haine de soi-même, le meurtre final n’est qu’un suicide déguisé.
  • La thématique de l’étouffement prend donc une valeur symbolique : Claire est « suffoquée », manque d’être « étouffée » par cette relation malsaine.

  • Transition :

III] Une « cérémonie »malsaine : le théâtre dans le théâtre et le malaise des spectateurs

1°- Une comédie malsaine

  • Champ lexical du théâtre pour commenter leur « cérémonie » : « je connais la tirade »
  • Présence de déguisements : Claire a passé la robe rouge de madame, elle s’est maquillée…
  • Une scène qui est en réalité la mise en scène par les bonnes d’« une cérémonie » : un rituel déjà écrit qui se répète et qui devrait logiquement se terminer par une mise à mort donc une résolution. Mais enfermement des deux sœurs dans leur folie en duo : seul échappatoire = la mort de madame ou de l’une d’entre elles jouant madame. Volonté d’en finir : « C’est déjà fini et tu n’as pas pu aller jusqu’au bout »
  • Enfermement des deux bonnes dans un rituel sadomasochiste, destructeur et répétitif : elles jouent chaque jour la comédie de leur humiliation quotidienne et de leur révolte fantasmée.
  • Le spectateur sent des dysfonctionnements mais ne peut pas les expliquer (malaise dans la salle.... tout semble faux, joué hormis la haine et la violence).

2°- Un ton grandiloquent

  • Un ton très théâtral au sens d’artificiel : jeu avec les mots
  • Mélange des registres et des niveaux de langue : « emmerde » contre « nous sommes enveloppées, confondues dans nos exhalaisons… », calembours « madame est interdite » qui reprend le verbe interdire en en changeant le sens.
  • La langue des bonnes est « grandiloquente » : révolte sociale et esthétique par le langage. Les bonnes inventent un nouveau langage pour se réinventer elles-mêmes dans la « cérémonie ».
  • L’absence de réalisme de cette façon de parler signale au spectateur un jeu. Mais lequel ?

3°- Une cérémonie sanglante et cauchemardesque

  • La fin est écrite d’avance = la mort. Voir expressions lexicalisées remotivées pour annoncer la fin de Claire/madame : « mais vous ne l’emporterez pas au paradis » « vous êtes au bout du rouleau » ; « je termine ma besogne » = le meurtre (métaphore du travail domestique pour désigner le meurtre)
  • Le spectateur peut sentir qu’il va assister à une tragédie, mais sans comprendre laquelle.
  • Le réveil matin : objet symbolique : permet le réveil = le retour à la réalité (fin du cauchemar) pour les deux bonnes comme pour le spectateur qui comprend enfin ce qui se passe : surprise d’une sonnerie retentissant dans la salle d’où identification avec les bonnes : comme elles, le spectateur a été coupé de la réalité ; comme elles, il sent bien qu’une catastrophe doit avoir lieu pour que la « cérémonie » des deux bonnes, mais aussi la pièce de théâtre s’achève.

Questions possibles à l’entretien sur ce texte :

  • Ce texte fait-il encore partie de la scène d’exposition selon vous ?
  • Genet souhaite recherche-t-il le réalisme ?
  • Comment choisiriez-vous de mettre en scène cet extrait ?
  • Comment mettre en scène le renversement du pouvoir ?
  • En quoi peut-on dire que cet extrait est cathartique pour le spectateur ?

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