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Le rire dans Gargantua est-il seulement un outil littéraire pour critiquer le savoir ?

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Par   •  28 Janvier 2023  •  Dissertation  •  1 679 Mots (7 Pages)  •  579 Vues

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L’humanisme, du latin humanistas qui signifie « l’ensemble des qualités qui font l’homme supérieur à la bête », apparait au XVI -ème siècle en Europe. Gargantua, une œuvre de Rabelais parue en 1534 s’inscrit dans ce nouveau courant de pensée qui marque un renouveau avec le Moyen Age. Ainsi, ce roman qui relate l’histoire de Gargantua, un géant humaniste en devenir, est à la fois un roman érudit qui propose une réflexion sur le savoir de son temps, et un roman frivole qui n’hésite pas à utiliser toutes les formes de comiques pour divertir le lecteur. On peut ainsi se demander si le rire dans Gargantua est seulement un outil littéraire pour critiquer le savoir. Certes, le rire dans Gargantua est utilisé pour critiquer les faux savoirs(I), mais il peut aussi être un vecteur des vrais savoirs (II). De plus, le rire ne se contraint pas à ces deux rôles et a d’autres fonction (III).

Dans Gargantua, le rire est utilisé par Rabelais pour critiquer les faux savoirs. Ces faux savoirs revêtissent plusieurs formes.

Ainsi, Rabelais critique le contenu de l’enseignement de son temps. En effet, le premier enseignement de Gargantua dispensé par des maitres Sophistes, enseignants de la Sorbonne, est largement critiqué. Cet enseignement scolastique est basé sur l’érudition et l’accumulation de savoirs. Gargantua doit apprendre des textes par cœur et associe ainsi nullement son enseignement à la réflexion : « il le sut si bien que, mis à l’épreuve, il le récitait par cœur et à l’envers ». Pour Rabelais, cet enseignement témoigne d’une pensée rétrograde, incarnée par l’apprentissage de Gargantua des lettres gothiques, alors que les humanistes leur préféraient des lettres inspirées par une calligraphie plus moderne et plus élégante.

La méthode de cet enseignement est elle aussi critiquée. Cette critique passe notamment par celle des professeur. Le premier professeur Thubal Holoferne porte un nom qui signifie confusion en hébreu, et décèdera de la vérole, une maladie sexuellement transmissible. Après cette mort peu glorieuse de son précepteur produisant un effet comique, Gargantua « eu un autre vieux tousseur » ce qui montre le caractère interchangeable de ces professeurs sophistes. Ce nouveau maitre nommé Maitre Jobelin Bridé dont le nom signifie idiot, dispensera le même enseignement que son prédécesseur. Gargantua reçoit un apprentissage très long, stérile, répétitif et inefficace.  Il passe des dizaines d’années à étudier des textes et est la plupart du temps oisif. En effet, il se lève tard, boit de l’alcool dès le matin et passe sa journée à manger. Ainsi, Rabelais critique le faux savoir que représente pour lui l’éducation scolastique en moquant le contenu et les méthodes d’enseignement.

Rabelais critique aussi les superstitions et les croyances. Cette satire est illustrée par le chapitre 17 du roman lors du séjour de Gargantua à Paris. Ce chapitre comique en apparence où Gargantua urine sur les Parisiens les noyant par milliers, critique aussi la superstition et la naïveté populaire. Ainsi, les parisiens portent plus d’importance à un « porteur de relique », mendiant qui vend des objets ayant appartenus à un saint, plutôt qu’à un prédicateur évangélique. La critique des superstitions se retrouve tout le long du roman. On peut par exemple citer le chapitre où Picrochole suite à sa défaite, demande à une sorcière quand il retrouvera son royaume. Cette dernière lui répond « à la venue des Coquecigrues » ce qui ne signifie jamais car ces animaux sont imaginaires. La défense de l’évangélisme face aux croyances est aussi illustrée dans le chapitre 45. Dans ce dernier, des pèlerins dont le village est frappé par la peste décident de se rendre à Saint-Sébastien selon les conseils de leur prédicateur. Grandgousier va leur démontrer que ces croyances sont stupides, que ces prédicateurs sont des « faux prophètes » et fera une critique du culte des saints et du pèlerinage qui éloigne les croyants de leur famille et de leur devoir envers la société.

Ainsi, Rabelais critique les faux savoirs de son époque. Qu’ils prennent la forme d’une éducation rétrograde ou de superstitions idiotes, ces savoirs sont critiqués lors de passages comiques. Si le rire est utilisé pour critiquer les faux savoirs, il accompagne aussi un discours humaniste et engagé porté par Rabelais.

Le rire permet à Rabelais de mettre en avant les vrais savoirs pour éduquer le lecteur. Les vrais savoirs selon Rabelais sont notamment présentés et valorisés lors de la seconde éducation de Gargantua. Ainsi, son maitre Ponocrates qui signifie « force de travail » va dispenser au géant une éducation fondamentalement contraire à la précédente. Cette éducation est fondée sur l’écoute, l’observation et l’émulation de l’élève. Gargantua se consacre « aux lettres et au savoir digne d’un homme libre. ». Les « lettres » sont étudiée, c’est-à-dire les langues et la littérature antique. On retrouve ici une caractéristique Humaniste. Cette éducation qui est donc valorisée et continue : « en jouant ils se remémoraient les passages des auteurs anciens ». Gargantua va donc recevoir une éducation humaniste qui passe par le jeu et le rire.

Mais Gargantua n’est pas le seul qui bénéficie du rire pour percevoir ces vrais savoirs. En effet, le lecteur est lui aussi la cible de l’éducation humaniste de Rabelais. Gargantua est indéniablement un roman très érudit présentant de nombreuses références à des textes antiques, comme Le Banquet de Platon dans le prologue, ainsi que de nombreux néologismes comme « hippodrome ». De plus, ce roman cultivant l’opposition, l’implicite et l'ironie, le sens critique du lecteur est sans cesse sollicité. On peut par exemple citer le prologue du roman : « par une lecture attentive et de fréquentes médiations, rompre l’os et sucer la substantifique moelle ». Ce prologue invite le lecteur à effectuer une lecture plurielle où les différents niveau d’interprétation coexistent sans se contredire. On peut ainsi rapprocher cette idée au dernier chapitre qui permet au lecteur de mettre en application ce principe à travers une énigme sujette à multiples interprétations. Les passages sérieux et comiques se succèdent sans pour autant compromettre l’un ou l’autre montrant que le rire et le savoir peuvent s’associer.

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