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La vérité et l'illusion théâtrale

Dissertation : La vérité et l'illusion théâtrale. Recherche parmi 300 000+ dissertations

Par   •  30 Octobre 2019  •  Dissertation  •  2 603 Mots (11 Pages)  •  1 444 Vues

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Dissertation : La vérité et l’illusion théâtrale

        Le théâtre est le domaine de prédilection de nombreux auteurs durant les XVIIème et XVIIIème siècles. C’est au cours de cette période qu’il prend véritablement son ampleur et atteint son apogée. Il est alors considéré comme une forme d’écriture reconnue permettant aux différents auteurs et mouvements littéraires de s’exprimer. Contrairement aux autres arts qui se matérialisent par de simples mots couchés sur les pages d’un livre ou bien par quelques touches de couleur sur une toile, l’art du théâtre, lui, prend vie grâce à des acteurs qui mettent en place une illusion totale du réel. Il semble devenir ainsi l’art qui se rapproche le plus de la vérité, c’est-à-dire qui se rapproche de ce que le spectateur perçoit comme sa vision de la réalité. Contradictoirement, ses ornements artificiels et ses conventions formelles donnent, pour leur part, l’impression de nous en nous écarter, créant ainsi un véritable paradoxe. Nous nous demanderons alors si une œuvre théâtrale est apte à dépasser les artifices et conventions pour atteindre le dévoilement de la vérité. Nous résonnerons dans un premier temps sur les paramètres montrant que le théâtre est capable de dévoiler la vérité. Dans un second temps, nous approfondirons les arguments affirmant que le théâtre n’en fait que l’illusion.

        Certes, d’une certaine façon le théâtre permet le dévoilement total des diverses formes de la vérité.

        En premier lieu, l’auteur, à travers des apartés ainsi que des monologues, est capable de libérer la vérité sur les sentiments et les multiples émotions des personnages afin de provoquer une profonde catharsis chez le spectateur. En effet, la représentation d’une œuvre théâtrale engendre chez le public assistant au spectacle une meilleure facilité de compréhension et d’identification aux protagonistes. Cette proximité lui permet de ressentir les sentiments et les émotions qui vibrent dans les cœurs des personnages. La célèbre œuvre d’Edmond Rostand nommée Cyrano de Bergerac, est, par exemple, emplie de multiples apartés. Cette pièce qui tient un rôle majeur dans l’histoire du théâtre français conte le quotidien de Cyrano de Bergerac altéré, à son grand désarroi, par un nez démesuré. En effet, l’homme s’est épris d’amour pour la douce Roxane. Cependant, il considère que son physique désavantageux ne lui permettra jamais de la séduire. Il décide alors d’assister le jeune Christian pour l’aider à conquérir la belle. Un soir, sous le balcon de sa dulcinée, il prête ainsi sa voix et son éloquence au bel homme en usurpant son identité. Mais alors qu’il obtient presque un baiser de Roxane, Cyrano se le fait voler par son concurrent. Désabusé, il murmure à part : « Aïe ! au cœur, quel pincement bizarre ! ». Le spectateur ressent alors la peine et le déchirement de cœur de Cyrano qui, si près de son but, perd tout contrôle de la situation et se fait arracher le baiser qu’il convoitait tant. Sa souffrance est si puissante et destructrice qu’elle traverse le voile transparent qui sépare la scène du public pour toucher le lecteur à coups de vagues d’émotions. De même, le spectateur absorbe les émotions émises lors du monologue de Béranger dans l’œuvre absurde Rhinocéros écrite par Ionesco en 1959. Il s’agit d’un texte étrange dépeignant le quotidien d’un village quelconque dans lequel les habitants sont confrontés à l’apparition suspecte de rhinocéros. Il s’agit en réalité d’une épidémie qui transforme peu à peu les habitants en animaux.  Béranger, en tant que dernier homme non-métamorphosé, déclare une longue tirade finale. Dans ce cas précis, le théâtre permet la révélation de la vérité au sujet de l’envie de Béranger de se transformer à son tour. Il doute, pense, réfléchis, choisi de devenir rhinocéros puis décide de se battre… Le spectateur traverse lui aussi plusieurs réflexions : Faut-il choisir de rejoindre les êtres qui lui sont chers, ou bien de se battre contre l’épidémie qui les endoctrine ?

        Dans un second temps, nous pouvons affirmer que le théâtre est un art qui œuvre pour dévoiler la vérité au sujet de la société qui l’environne. Il est apte à dénoncer les inégalités sociales qui forgent la condition de vie humaine. Un dramaturge est aussi susceptible de faire la critique ou la satire d’une action ou d’une coutume qu’il ne cautionne pas. Nous pouvons ainsi rattacher le texte L’école des femmes à la dénonciation d’une coutume archaïque. En effet, cette pièce composée par Molière en 1661 présente la vie de la jeune Agnès, contrainte d’épouser un vieil homme nommé Arnolphe. Cependant, la belle est sous le charme d’Horace, un jeune homme fort plaisant. Par le biais d’un quiproquo, Horace et Arnolphe deviennent de fidèles confidents. Au moment où Horace découvre qui est Arnolphe, on apprend qu'Agnès est la fille du seigneur Enrique, un ami du père d'Horace. Enrique accorde finalement la main de sa fille à Horace provoquant une immense déception chez Arnolphe. Molière, à travers cette pièce magistrale, désapprouve et attaque ouvertement le mariage arrangé ce qui, de son temps, souleva des critiques très amères. En outre, l’œuvre moderne Rhinocéros de Ionesco révèle la vérité sur la société en utilisant une effroyable métaphore filée pour décrire la montée du nazisme. Effectivement, tel une épidémie, le nazisme ensorcèle les populations qui se transforment peu à peu en rhinocéros à la peau verte et rugueuse. Le spectateur comprend parfaitement la métaphore, pourtant, pas une seule fois l’idéologie n’est mentionnée clairement. Le théâtre permet ainsi de dénoncer et dévoiler la vérité sur la société.

        En dernier temps, nous pouvons stipuler que le dénouement d’une pièce de théâtre témoigne de l’aptitude de cette dernière à révéler la vérité. De fait, la plupart des créations théâtrales prennent fin avec un retournement de l’intrigue qui mène à un dévoilement d’un mensonge et par conséquent à de lourds aveux révélateurs. La tragédie éponyme Phèdre, écrite en 1677 par Racine, en est une preuve évidente. Le roi Thésée est absent depuis de nombreux mois. Hippolyte, son fils, aime la douce Aricie qui ressent les mêmes sentiments pour lui. Cependant, Phèdre, la femme de Thésée, confie à son amie Œnone son amour passionné pour Hippolyte qui se trouve donc être son beau-fils. Phèdre avoue son amour au jeune homme qui la repousse violemment. Thésée refait apparition, à la grande surprise de sa femme. Hippolyte, loyal envers son père, veut lui avouer son amour pour Aricie mais Œnone fabule à Thésée que son fils a voulu violenter la reine. Thésée demande alors à Neptune de punir son fils. Phèdre prend conscience du danger que court Hippolyte et de l'horreur des accusations portées contre lui. Elle veut revenir sur ces accusations mais elle apprend la secrète relation entre Hippolyte et Aricie. Jalouse et furieuse, Phèdre laisse Hippolyte dépérir. Après avoir révélé toute la vérité à Thésée, Phèdre se donne alors la mort en s'empoisonnant. Le dénouement de cette pièce témoigne du fait que la vérité éclate toujours, engendrant des retournements de situation très appréciés par les spectateurs. Aussi, Marivaux crée un dénouement divertissant dans sa pièce La Double Inconstance représentée pour la première fois en 1744. Une jeune paysanne nommée Silvia est retenue dans le palais d’un prince car celui-ci est fou d’elle, bien qu’elle soit déjà éprise d’un jeune homme de son village appelé Arlequin. Flaminia, une conseillère du prince, tente de rompre l’amour entre les deux jeunes gens. Silvia lui avoue après quelques temps que, malgré son amour pour Arlequin, elle s’est éprise d’un officier du palais qui lui a rendu visite plusieurs fois. Mais elle ignore qu’il s’agissait, en réalité, du prince qui s’était discrètement tapis dans l’anonymat. Arlequin tombe finalement amoureux de Flaminia et le prince révèle à sa dulcinée sa véritable identité. Le dénouement est donc un procédé efficace pour délivrer et répandre la vérité. Il crée un retournement de situation magistral qui satisfait et ravi le spectateur.

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