La réputation
Compte rendu : La réputation. Recherche parmi 300 000+ dissertationsPar Dia058 • 5 Décembre 2021 • Compte rendu • 3 390 Mots (14 Pages) • 358 Vues
Qui dispense la réputation ? Qui donne le respect et la vénération aux personnes, aux ouvrages, aux lois, aux grands, sinon cette faculté imaginante ? Combien toutes les richesses de la terre sont insuffisantes sans son consentement !
Ne diriez-vous pas que ce magistrat dont la vieillesse vénérable impose le respect à 5 tout un peuple se gouverne par une raison pure et sublime et qu’il juge des choses par leur nature sans s’arrêter à ces vaines circonstances qui ne blessent que l’imagination des faibles ? Voyez-le entrer dans un sermon où il apporte un zèle tout dévot, renforçant la solidité de sa raison par l’ardeur de sa charité. Le voilà prêt à l’ouïr avec un respect exemplaire. Que le prédicateur vienne à paraître, si la nature lui a donné une voix enrouée et un tour de visage 10 bizarre, que son barbier l’ait mal rasé, si le hasard l’a encore barbouillé de surcroît, quelques
grandes vérités qu’il annonce, je parie la perte de la gravité de notre sénateur.
Le plus grand philosophe du monde sur une planche plus large qu’il ne faut, s’il y a au-dessous un précipice, quoique sa raison le convainque de sa sûreté, son imagination prévaudra. Plusieurs n’en sauraient soutenir la pensée sans pâlir et suer.
15 Je ne veux pas rapporter tous ses effets.
Qui ne sait que la vue des chats, des rats, l’écrasement d’un charbon, etc. emportent la raison hors des gonds. Le ton de voix impose aux plus sages et change un discours et un poème de force.
L’affection ou la haine changent la justice de face. Et combien un avocat bien payé par 20 avance trouve-t-il plus juste la cause qu’il plaide ! Combien son geste hardi la fait-il paraître meilleure aux juges dupés par cette apparence ! Plaisante raison qu’un vent manie et à tout
sens !
Blaise Pascal, Pensées, 1670, fragment « Imagination »
EXPLICATION DE TEXTE N° 3
BLAISE PASCAL, PENSÉES, FRAGMENT « IMAGINATION », EXTRAIT
Introduction
La Fontaine voit dans l’imagination une alliée de la pensée capable de convaincre grâce à la fiction. Il l’affirme dans « le pouvoir des fables » ou dans l’adresse à Mme de Montpensier en décrivant la fiction de la fable comme « un charme » : « C’est proprement un charme : il rend l’âme attentive, / Ou plutôt la tient captive, / Nous rattachant à des récits / Qui mène à son gré les cœurs et les esprits. » (v. 7-10). Mais pour les philosophes du XVIIe siècle, l’imagination est une faculté condamnable qui englobe nos désirs, nos émotions, tout ce qui façonne notre façon de voir le monde. Elle est donc pour eux une ennemie de la pensée, de la raison, parce qu’elle trouble ou déforme le jugement. C’est le cas pour le philosophe scientifique Pascal, qui dans ses Pensées, analyse le pouvoir de l’imagination « maîtresse d’erreur et de fausseté ». Cette œuvre posthume inachevée parue en 1670 regroupe une série de fragments visant à faire l’apologie de la foi, mais aussi à réfléchir sur les contradictions de la nature de l’homme.
Après avoir exposé sa thèse dans le premier paragraphe, et affirmer le pouvoir que l’imagination exerce sur la raison, Pascal illustre son raisonnement par l’exemple d’un magistrat assisant au sermon d’un prédicateur assailli par son imagination (2ème paragraphe). Puis il donne l’exemple d’un philosophe debout sur une planche au-dessus d’un précipice, et à qui l’imagination joue des tours (3ème paragraphe). Enfin, l’auteur énumère plusieurs exemples de circonstances dans lesquels l’imagination peut avoir une influence néfaste (l. 20-27). Il en analyse les causes et les conséquences, parfois critiques. L’étude du passage s’attachera à montrer comment Pascal parvient à exposer les faiblesses et de la Raison humaine, soumise à l’imagination, et ce en touchant l’imagination-même du lecteur et en la manipulant.
I. PREMIER PARAGRAPHE : ENONCÉ DE LA THÈSE
Qui dispense la réputation ? Qui donne le respect et la vénération aux personnes, aux ouvrages, aux lois, aux grands, sinon cette faculté imaginante ? Combien toutes les richesses de la terre sont insuffisantes sans son consentement !
➢ Pascal cherche à susciter la réflexion du lecteur en l’interpellant immédiatement par une série d’interrogations : questions oratoire requérant l’assentiment du lecteur : la réponse attendue est « rien, si ce n’est l’imagination’ »
➢ Expression de la Thèse : L’imagination est toute puissante sur l’esprit de l’homme et dirige ses opinions et ses jugements
- Champ lexical de l’opinion : « réputation », « respect », « vénérations ». Le jugement humain est soumis à l’imagination.
- Enumération « aux personnes, aux ouvrages, aux lois, aux grands » pour montrer qu’aucun domaine n’échappe à l’imagination et lui est soumise : la morale, l’esthétique, le droit, l’Histoire
➢ Exclamative et hyperbole qui soulignent la toute-puissance de l’imagination, qui peut laisser croire que toutes les richesses de la terre sont insuffisantes : le plus riche homme de la terre n’a rien, si l’imagination de ses semblables ne lui donnent pas la réputation.
Cette Thèse va être illustrée par plusieurs exemples :
Lecture
II. DEUXIÈME PARAGRAPHE : L’EXEMPLE DU MAGISTRAT ASSISTANT AU SERMON DU PREDICATEUR : L’IMAGINATION, DANS UN MONDE GOUVERNÉE PAR LES APPARENCES, EST FAISEUSE D’OPINION
Ne diriez-vous pas que ce magistrat dont la vieillesse vénérable impose le respect à tout un peuple se gouverne par une raison pure et sublime et qu’il juge des choses par leur nature sans s’arrêter à ces vaines circonstances qui ne blessent que l’imagination des faibles ? Voyez-le entrer dans un sermon où il apporte un zèle tout dévot, renforçant la solidité de sa raison par l’ardeur de sa charité. Le voilà prêt à l’ouïr avec un respect exemplaire. Que le prédicateur vienne à paraître, si la nature lui a donné une voix enrouée et un tour de visage bizarre, que son barbier l’ait mal rasé, si le hasard l’a encore barbouillé de surcroît, quelques grandes vérités qu’il annonce, je parie la perte de la gravité de notre sénateur.
➢ Le texte continue sur le mode interrogatif : « Ne diriez-vous pas » constitue une question oratoire qui vise encore une
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