La réécriture est-elle l'imitation appauvrie d'un seul modèle qu'elle répète servilement ou plutôt ne contribue t-elle pas à en assurer la pérennité ?
Dissertation : La réécriture est-elle l'imitation appauvrie d'un seul modèle qu'elle répète servilement ou plutôt ne contribue t-elle pas à en assurer la pérennité ?. Recherche parmi 300 000+ dissertationsPar Eldalie • 29 Mars 2017 • Dissertation • 3 056 Mots (13 Pages) • 1 533 Vues
Vénus Anadyomène
« Pour détruire la racine du mythe, il faut anéantir la semence même de l'homme. », écrit Robert Marteau, écrivain français du XXème siècle. Un mythe est récit relatant des faits imaginaires non consignés par l'Histoire et transmis par tradition orale. C'est une fiction qui a une résonance particulière dans l'imaginaire collectif, et qui s'inscrit dans la durée. Le mythe a pour principe de n'appartenir à aucun auteur en propre, parce qu'il ne cesse d'être reformulé et réinterprété. Il ne s'agit pas de réécrire une œuvre particulière, mais une histoire dont l'origine reste obscure et qui semble se raconter depuis toujours.
Nous étudierons le sujet suivant : Une réécriture du mythe est-elle nécessairement une imitation adaptée dans originalité de son modèle originel ?
Nous nous demanderons alors : La réécriture est-elle l'imitation appauvrie d'un seul modèle qu'elle répète servilement ou plutôt ne contribue t-elle pas à en assurer la pérennité ?
Dans un premier temps, nous verrons qu'en apparence, les réécritures s'inspirent d'un modèle et pourraient donc manquer d'originalité ; dans un second temps, nous remarquerons qu'en réalité, chaque réécriture présente des écarts par rapports au modèle ; puis finalement, nous découvrirons qu'en vérité, chaque réécriture est une recréation du mythe qui renouvelle le modèle initial et permet une pérennité.
En apparence, les réécritures s'inspirent d'un modèle, et cela porte à croire qu'elles pourraient manquer d'originalité. En quoi consiste une réécriture ? Réécrire, c'est donner une nouvelle version d'un texte déjà écrit, c'est écrire une nouvelle fois. La définition elle-même laisse paraître une redondance. En effet, en littérature, tout le monde copie tout le monde, tout texte est pétri de références culturelles. Une œuvre n'existe jamais seule. Tout texte est à mettre en relation avec d'autres textes ou avec la culture environnante dans laquelle l'auteur aura cherché son modèle. Plusieurs formes de réécriture existent. Il y a par exemple l'allusion, c'est à dire que dans un texte se trouvent des propos qui évoquent un autre texte sans le mentionner. Par exemple, l'histoire Deux acteurs pour un rôle, parue dans les Récits fantastiques de Théophile Gaultier en 1841, fait allusion à l'écrit de Gérard de Nerval Amours de Vienne, dans La Revue de Paris, parue quelques mois avant. En effet, Gaultier fait référence au « jardin impérial », aux « grandes allées » et aux « rosiers » qu'a décrit Nerval. La parodie est une autre forme de réécriture, qui est un imitation comique et satirique, comme par exemple le film Robin des Bois, la véritable histoire, réalisé par Anthony Marciano et sorti en avril 2015, qui reprend le célèbre mythe de Robin des Bois. Le plagiat est également une forme de réécriture, mais il est de nos jours illégal, car il s'agit d'une reprise intégrale de texte, qu'un auteur s'approprie, sans mentionner l'origine du texte, ses sources. Alfred de Musset, dans un passage de sa pièce On ne saurait penser à tout, de 1849, fait le plagiat d'un passage de la pièce Le Distrait écrite par Carmontelle en 1768. La citation, quant à elle, rapporte les mots ou les phrases d'un texte tout en mentionnant l'origine de celui-ci. Le pastiche, beaucoup moins proche du texte que la citation ou le plagiat, consiste à imiter le style d'un auteur, sans intention ironique, et qui ne vise pas le plagiat. Nous pouvons ici citer Jean de La Fontaine, dans sa fable Le Lion et le Chasseur, qui admet avoir pastiché Le Pâtre et le Lion, une fable d'Ésope, un écrivain grec à qui on attribue l'origine du genre littéraire de la fable. Il existes de nombreuses autres formes de réécriture, telles que l'emprunt, la traduction, la transposition générique, l'intertextualité ; mais malgré ces diverses possibilités, une réécriture peut manquer d'originalité. Les auteurs Classiques imitaient de façon consciente les Anciens, la part de création originale était une exception. Effectivement, réécrire un texte, même des siècles plus tard, ne suppose pas forcément une modernisation du texte. De plus, une réécriture nécessite un respect des éléments fondateurs d'un texte, des invariants d'un mythe.
La réécriture pourrait manquer d'originalité en faisant apparaître des éléments centraux identiques à ceux du texte d'origine. S'inspirer d'un texte peut suggérer un copiage sans éléments novateurs. En effet, les réécritures des mythes notamment, supposent une constante d’éléments, appelés les invariants, qui régissent la construction de la réécriture. Par exemple, dans toutes les réécritures de Don Juan, le personnage éponyme est un séducteur de la haute société, qui multiplie les séductions et conquêtes féminines. Il incarne l'homme de la démesure, qui défie la morale et la religion. Il se confronte au sacré, qui est incarné soit par la statue du commandeur, soit par une religieuse, ou encore par le pauvre. Avec tous ces invariants, nous pouvons nous demander comment une réécriture peut ne pas être lassante, comment l'auteur peut surprendre le lecteur. Un écrivain est avant tout un lecteur ; il est nourri de littérature. Donc lorsqu'un auteur décide de prendre la plume, il est déjà imprégné des textes, des histoires, des styles de ceux qui l'ont précédé : c'est à lui de chercher comment innover. En effet, comme le dit Pelletier du Mans dans son ouvrage Art poétique et français paru en 1555 : « Par seule imitation rien ne se fait grand ». Une réécriture doit aller au-delà de la répétition pour se distinguer. La Bruyère dans son ouvrage Caractères, énonce : « Tout est dit, et l'on vient trop tard depuis plus de sept mille ans qu'il y a des hommes et qui pensent. Sur ce qui concerne les mœurs, le plus beau et le meilleur est enlevé ; l'on ne fait que glaner après les anciens et les habiles d'entre les modernes. ». Il ne faut cependant pas croire que tout le meilleur est derrière soi, et plutôt être positif, car de nombreux auteurs nous prouvent que réécrire peut être original. Dans, Théorie d'ensemble (1968), Philippe Sollers écrit « Tout texte se situe à la jonction de plusieurs textes, dont il est à la fois la relecture, l'accentuation, la condensation, le déplacement... ». En effet, il explique que les textes réécrits ne sont pas une copie servile du modèle originel, mais par diverses manières s'en détachent.
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