L'épistolaire

La Rochefoucault disait « pour plaire aux autres, il faut parler de ce qu’ils aiment, de ce qui les touche ». Or communiquer n’est pas une chose facile. Il y a parfois un écart entre ce que l’on a voulu dire et ce que l’autre comprend. De plus nous ne sommes pas dans le même état d’esprit selon avec qui nous sommes et où nous sommes. Nous employons le même procédé à l’écrit, nous changeons de style en fonction de de l’interlocuteur. Nous pouvons dès lors nous demander dans quelle mesure l’art épistolaire, qu’il s’agisse de lettres authentiques ou fictives permet il une construction de l’image de soi, à la fois adaptée au destinataire et choisie par l’épistolier ?.

La lettre est un moyen de dialoguer à distance ; nous pouvons donc prendre le temps de choisir les mots ,de les peser jusqu’à obtenir ce que nous estimons conforme à ce que nous voulons ? Sommes nous toujours sincères ? Le lecteur peut il se fier à ce qu’il lit ? Et comment contrôler ce qu’il interprétera ?

Ainsi l’épistolier choisit l’image qu’il envoie de lui. Or cette image peut varier selon la visée de sa lettre. Enfin cette communication entre deux personnes n’est ni sincère ni spontanée.

L’épistolier qui rédige une lettre envoie à son destinataire une image qu’il a choisi. En effet, par un jeu de miroir, l’épistolier choisit, dans la lettre , le reflet de sa personnalité qu’il va partager. L’épistolier lorsqu’il débute un échange a la possibilité de choisir le sujet qu’il va évoquer. Il peut  exprimer ses idées, ses pensées, son avis sur un sujet et ainsi les faire partager au destinataire.

L’image transmise ne sera pas la même lorsque l’on déclare sa flamme, prend des nouvelles d’un ami, écrit une lettre de motivation ou de remerciement ou pour demander une remise de majoration parce que l’on a payé en retard sa taxe d’habitation ?

L’épistolier a la possibilité de choisir les mots. Il exprimer ses goûts, son avis, ses idées. « Verba volant, scripta manent »Cette citation selon laquelle les paroles s’envolent et les écrits restent, invite à une grande prudence lors de la rédaction d’un texte. En effet, les paroles dites peuvent être rapidement oubliées ou facilement démenties tandis que les paroles écrites reviennent des documents incontestables . Avant d’exprimer son opinion ou ses sentiments, il réfléchit à la meilleure façon de manier la langue, de s’exprimer pour être certains d’être compris par son destinataire. L’épistolier peut aussi utiliser des niveaux et des registres de langage différents en fonction de son destinataire. Ainsi Cécile de Volanges,  écrit de manière naturelle et spontanée, décontractée pour échanger avec son amie Sophie alors qu’elle réfléchit bien pour construire l’image d’elle qu’elle transmettra dans la lettre d’amour à Danceny.

L’épistolier pourrait se tromper dans sa lettre ou trouver que celle ci est mauvaise et qu’elle ne correspond pas à l’image qu’il veut véhiculer. Alors il peut tout à fait s’il le désire la recommencer à de multiples reprises afin qu’elle corresponde au reflet qu’il a choisi de donner à voir et considérer qu’elle sera achevée lorsqu’il ne mla reprendra plus pour construire l’image qu’il souhaite donner de lui.

Une lettre est donc rédigée dans des termes choisis par son auteur qui envoie et lui permet de s’exprimer. L’epistolier envoie une image de lui différente en fonction du but de sa lettre.

L’epistolier peut utiliser la lettre pour divers usages. De ce fait la construction de l’image qu’il envoie sera différente en fonction de la visée de la lettre et de son destinataire. Il peut choisir une lettre pour déclarer son amour à une personne. Il va ainsi construire une image positive, séduisante, parcellaire et cette image sera construite par rapport à l’intêret que le « je » porte au «tu ». Dans les lettres portugaises de Guillerargues, Mariane dans la première lettre se dévoile avec une brulante sensualité ainsi elle regette l’absence de celui qu’elle aime « Cette absence, à laquelle ma douleur, tout ingénieuse qu’elle est, ne peut donner un nom assez funeste, me privera donc pour toujours de regarder ces yeux dans lesquels je voyais tant d’amour, et qui me faisaient connaitre des mouvements qui me comblaient de joie. »

...