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Francis Ponge

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Par   •  2 Janvier 2021  •  Cours  •  3 643 Mots (15 Pages)  •  916 Vues

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Notes supplémentaires sur Ponge

Mouvement littéraire

A contre-courant

Ponge privilégie le monde extérieur, en particulier les objets les plus humbles, auxquels il entend redonner une légitimité poétique. Francis Ponge ouvre alors une voie jusqu’alors peu empruntée en entamant un long « voyage dans l’épaisseur des choses ».

I. Sortir du manège poétique

1. Un recueil à double fond

Une durée importante sépare la rédaction des premiers poèmes du Parti pris des choses 1924 de leur publication 1942. Ponge rédige essentiellement les poèmes du recueil durant les années 30 et publie son recueil durant l’Occupation.

Commençons par remonter aux années 1920 pur comprendre l’impulsion première de la nouvelle manière d’envisager l’écriture et la question du langage poétique. Découvrant l’impropriété foncière du langage à exprimer une pensée encore informulée et l’usure du médium langagier par son usage quotidien, Ponge renoue avec l’ambition mallarméenne de restituer à la poésie la pureté de ses matériaux. L’impossibilité de s’exprimer et de palier l’écart entre les mots et la pensée, vécue comme une impasse, se résout chez Ponge par une révolution du regard. « Il s’agit pour moi de faire parler les choses puisque je n’ai pas réussi à parler moi-même, c’est à dire à me justifier moi-même par définitions et par proverbes. » écrit-il en 1928.

Le poète se fait dès lors porte-parole de ce « monde muet » sur lequel l’homme n’a cessé d’étendre sa domination. Avant de devenir un recueil, « le parti pris des choses » et donc d’abord une nouvelle manière d’être au monde.

Le premier poème du recueil « Pluie » constitue un véritable manifeste de la poétique pongienne :  la pluie est une vaste « horlogerie » examinée selon la forme, le bruit et le rythme de chacun de ses mécanismes.

2. La rhétorique conte l’esthétique

La volonté de se démarquer de ses prédécesseurs comme de ses contemporains s’exprime chez Ponge par une inactualité délibérée, gage d’universalité et par un retour paradoxal à une forme de poésie didactique qui vise à convaincre son lecteur. Le Parti pris des choses se présente donc à plusieurs égards comme une rupture avec la poésie lyrique. Ponge aspire dès 1933 à créer « une seule cosmogonie », une explication de la création -ou de la recréation- du monde, sur le modèle antique de De natura rerum (De la nature) de Lucrèce. Plutôt que de s’en remettre aux sentiments d’un moi limité, le poète préfère se laisser envahir par les choses pour découvrir, à leur contact, des sentiments nouveaux.

Contemplation des objets les moins poétiques : le cageot, l’huître, le morceau de viande... « Inutile de partir, prescrit Ponge, se transférer aux choses, qui vous comblent d’impressions nouvelles, vous proposent un million de qualités inédites. »

Ponge trouve des exemples de rigueur et d’humilité chez les poètes classiques qu’il admire : La Fontaine, Boileau, Malherbe.

Ponge choisit la figure de l’artisan (et non celle du poète inspiré par les dieux, la nature ou l’inconscient) en prise directe avec la matière : s’il faut ouvrir des trappes, c’est bien plus à l’intérieur des choses et des mots dont le dictionnaire permet d’explorer la profondeur sémantique, qu’à l’intérieur d’un inconscient ouvert à tout vent.

 Pour rénover le monde des objets, le poète doit cependant forger de nouvelles armes. C’est ainsi que Ponge choisit, pour « résister aux paroles » (faciles), de réhabiliter la rhétorique -art de convaincre par les moyens de l’éloquence-en inventant une nouvelle forme poétique qui emprunte ses ressources à la fois à la prose, à la musique et aux discours savants. Les « descriptions-définitions-objets-d’art-littéraire » dont Le Parti pris des choses offre les modèles les plus aboutis se présentent donc, selon le vœu de l’auteur, comme un « dictionnaire phénoménologique », autrement dit une histoire naturelle qui, au lieu de s’en tenir au visible, doit permettre au lecteur d’éprouver à son tour, simultanément ou alternativement, « l’épaisseur des choses » et « l’épaisseur des mots ». Il n’y a pas de système de règles a priori, Ponge s’en remet à la spécificité de chaque chose et ainsi définir la forme que chacune d’elle exige, il s’offre la possibilité d’en changer pour chaque poème.

II. Renouveler la langue, renouveler le monde

1. Des mots et des choses

Le poète s’attache aux choses : à peine un tiers des textes du recueil est consacré à des êtres animés et l’humain est bien souvent en proie à une automatisation qui le rapproche de l’objet.

La« contemplation et la« nomination » qui président à l’élaboration des textes du recueil suggèrent une indissoluble complémentarité des choses et des mots. Il décrit ainsi sa méthode : « le parti pris des choses » et « le compte tenu des mots ». Les textes du Parti pris des choses miment cette espèce d’effeuillement qui consiste à gagner progressivement la profondeur de la chose à partir de sa surface. La surface peut être tantôt la définition du mot, son étymologie, ses consonances, sa graphie tantôt les sensations suscitées par la chose elle-même. L’objet est souvent transformé en archétype « le/la ». la réflexion de Ponge sur le langage rappelle  la théorie soutenue par le personnage éponyme du dialogue de Platon, Cratyle, théorie selon laquelle il existerait une correspondance entre la graphie, le son d’un mot et ce qu’il désigne.

2. Du dictionnaire au livre-monde : les ambitions du recueil

Ponge n’a cessé de le rappeler, le Littré, dictionnaire publié en 1872, constitue son premier outil de travail, non seulement parce qu’il permet de remonter jusqu’à la racine des mots mais aussi parce qu’il constitue un rempart contre le « lyrisme patheux » -adjectif forgé à partir de « pâteux » et « pathos », associant la poésie du sentiment à un engluement- du siècle précédent. Ponge songea à publier le recueil « avec des dessins genre Larousse illustré ». Il y a comme un désir de « reprendre tout depuis le début » qui préside à l’écriture du recueil // ambition démiurgique du poète d’opérer une nouvelle création au seul moyen du Verbe, et en considérant « toutes les choses comme inconnues ».

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