Dissertation sur L'Île des esclaves - Marivaux

Revenu sur le devant de la scène sous l'impulsion du Grand Roi, le genre théâtral connaît, après une période de relative déconsidération, un regain d'intérêt au XVIIe siècle grâce aux comédies de Molière. Ces dernières, en grande partie inspirées par la commedia dell'arte donnent au valet un rôle essentiel : interlocuteur entre son maître et, le plus souvent, ses conquêtes amoureuses ; élément déclencheur d'intrigues... Près d'un demi-siècle plus tard, Marivaux reprend le rôle du valet en le renouvelant. La volonté de Marivaux de renouveler le genre du valet nous conduit donc à nous interroger sur le sens du mot "renouveler" : on définit communément le verbe'' renouveler" comme une action visant à donner un caractère neuf à quelque chose. En l'occurrence, l'action de renouveler dans les domaines de l'art signifie, selon la direction régionale des affaires culturelles, le fait de donner un aspect nouveau à une chose existante. Sur les bases de cette définition, il est nécessaire de se demander ce que peut posséder la figure du valet de Marivaux et que les valets de ses prédécesseurs ne possèdent pas Pour répondre à cette question, il nous importe de nous intéresser aux qualités du valet de Marivaux. Puis, la deuxième partie de notre travail sera consacrée à la mise en lumière de l'innovation que constitue un valet n'hésitant pas à faire passer son maître pour un ignorant, voire allant jusqu’à prendre le dessus sur ce dernier.

De prime abord, nous pouvons constater que Marivaux donne à ses valets des qualités qui n'étaient jusque-là pas l'apanage de ce personnage. En effet, au XVIIIème siècle, le valet des pièces françaises était inspiré des valets espagnol et italien. Or, ces derniers étaient réputés pour être la caricature du personnage balourd et maladroit dont Arlequin est, dans l'imaginaire collectif, le représentant le plus connu. Cependant, sous Marivaux, le valet acquiert des caractéristiques faisant de lui un personnage bien plus distingué que ce qu'il pouvait être au XVIe siècle, voire sous Molière. En effet, sous Marivaux le valet développe des qualités telles que la fidélité comme nous le montre le personnage de Dubois qui n'hésitera pas à revenir au service de son ancien maître pour l'aider à le sortir de ses problèmes sentimentaux. Cette fidélité du valet à son maître représente ici une véritable révolution dans la psychologie du valet. En effet, en faisant du valet un personnage fidèle à son maître, Marivaux se distingue d'un Molière qui, lui, n'hésite pas à créer des valets dont la dévotion ne semble pas être la vertu principale : le personnage de Scapin en est un des exemples les plus criants...

De surcroît, chez Marivaux le valet devient plus qu'un simple élément comique ; la maladresse du personnage disparaît et il acquiert une certaine rectitude morale. En effet, si l'on part du principe que l'appât du gain est une des meilleures voies pour mesurer le désintérêt d'un Homme, nous pouvons dire que le personnage de Dubois est animé d'une volonté sincère d'être utile. A titre d’exemple, ce dernier n'hésite pas, comme nous le montre la scène 2 de l'acte I, à se remettre au service de son maître pour l’aider à conquérir la femme qu’il aime... sans attendre de contreparties financières.

Enfin, jusqu'à Marivaux, il était de tradition que le valet ne soit que le "second" du maître. En effet, son rôle se limitait avant tout à assister son maître dans l'accomplissement de ces projets. Or, chez Marivaux, le valet se dote d'une certaine indépendance et, surtout, d'une véritable intelligence et sagacité pour parvenir à devenir le véritable maître d'œuvre des volontés du maître, quitte à lui dicter sa stratégie et à lui faire imposer ses vues. C'est encore le cas du valet Dubois qui dans la scène 2 du premier acte montre l'ascendant qu'il parvient à prendre sur son maître par l'attitude de ce dernier. Par exemple, dans cette scène, nous pouvons voir un Dorante inquiet et en position de quémandeur face à un Dubois lui dévoilant

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