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Commentaire littéraire extrait Manon Lescaut

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Par   •  7 Novembre 2021  •  Commentaire de texte  •  1 807 Mots (8 Pages)  •  1 517 Vues

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Commentaire littéraire Manon Lescaut, page 231-232 :

Manon Lescaut de l’abbé Prévost, est un roman-mémoire publié en 1731 au sein du siècle des Lumières qui tirent leurs noms de leur lutte contre l’obscurantisme. Les lumières sont un mouvement philosophique du XVIIIe siècle qui tente de répandre la connaissance de tous. L’extrait étudié ici s’inscrit dans la continuité du roman après que les deux amants furent dévalisés par leurs propres domestiques. Il retrace ainsi les pensées du chevalier des Grieux face à la situation actuelle dans laquelle le couple se retrouve. Tandis que Manon joue les courtisanes auprès du « vieux voluptueux » M. de G.M, des Grieux se présente tel son frère afin de profiter du confort de la vie luxueuse de leur hôte tout en demeurant aux côtés de sa bien-aimée. Au sein de cette disposition malsaine, le protagoniste nous partage le déchirement qu’il subit entre ses aspirations au bonheur qu’il nourrit et la misérable réalité où son amour l’a conduit tout en explorant l’interminable conflit de sa raison face à la passion amoureuse qui l’anime. C’est au sein de cette introspection que le lecteur va pouvoir apercevoir de nouvelles facettes de ce personnage et découvrir ainsi un être déchiré qui s’interroge sur sa condition. Ce texte argumentatif représente ainsi un rôle-clé pour la compréhension du personnage par le public ainsi que pour le déroulement de l’histoire.

De prime abord nous pouvons affirmer que le texte ici étudié représente une véritable introspection du personnage sous forme d’une pause dans le récit. L’introduction de l’extrait « je m’assis, en rêvant » certifie d’un arrêt du développement des péripéties de ce personnage le temps de réaliser une analyse complète de sa situation de couple, mais surtout, personnelle. La réflexion rétrospective du chevalier « Par quel immense espace n'étais-je pas séparé de cet heureux état ! Je ne le voyais plus que de loin » indique également que des Grieux mesure avec lucidité ce qui le sépare de son passé, rappelé par les lieux de sa tendre enfance. Ce texte est fortement marqué d’une intransigeance sans faille envers lui-même lorsqu’il juge ses actes de façon extrêmement objective, à la limite de la cruauté, en allant même jusqu’à les qualifier d’une hyperbole marquant l’intensité de ce jugement sans concession : « si criminel » (l.11). Il s’estime continuellement responsable de son échec à concilier le bonheur et la vertu mais le ton est plus nostalgique que rabaissant car ce personnage n’a pas peur d’exprimer ses sentiments et d’ainsi assumer sa faiblesse. L’omniprésence du « je » appuie également sur cette dimension extrêmement individuelle du texte, ce qui nous fait comprendre aisément que l’enjeu de ce soliloque intérieur n’est autre que lui-même.

Le narrateur, qui n’est alors autre que le chevalier des Grieux, se retrouve face à un dilemme au cours de son discours. En considérant donc l’amour, « l’affection » et « les biens et la fortune » sur le même plan que ses valeurs morales, ses aspirations au bonheur sont bien loin de sa réalité. Le registre délibératif oppose le passé et le présent et renforce également l’opposition des deux voies qui s’offrent à des Grieux. Dans le « partage de sentiments » (l.2) vécu par ce dernier, les valeurs mises en jeu sont celles qui sont traditionnellement rattachées à l’aristocratie chrétienne : « l’honneur et la vertu », un mode de vie « tranquille et vertueux » dans la quête interminable de « l’estime des honnêtes gens ». De nombreux termes s’opposent au sein de l’inébranlable rythme binaire du texte (« tranquille », « vertueux », « misères », « désordres », « passion innocente », « criminel ») ce qui réaffirme ce balancier significatif du dilemme dans lequel il se trouve. Dans cet idéal optimiste, caractéristique de son époque, le narrateur y ajoute « l’amour » à contrario de Madame de Lafayette qui, dans son œuvre La Princesse de Clèves, n’accorde aucune place au bonheur et considère l’amour comme un danger. Les énumérations des biens consolidant l’aspiration au bonheur, laisse doucement place à l’accumulation des questions. Le discours direct et le discours indirect libre qui y sont mêlés mettent en évidence une certaine force de conviction. Ce dilemme, auquel le protagoniste est confronté, lui rappelle son ancienne vie et notamment son enfance auprès de son père, ce qui crée, en contraste avec sa situation d’usurpateur actuelle, une grande sensation de perte de repère chez ce dernier.

La souffrance morale est un des axes les plus présents dans ce texte. Des Grieux, en plus de se sentir enraciné dans cette disposition malsaine, semble être déboussolé et désorienté face au souvenir de son père, un homme affectueux et honnête qui lui avait offert une vie d’innocence (« vers la maison de mon père […] où j'avais vécu dans l'innocence » l.7, « Mon père, qui m'aimait si tendrement » l.15). Empli de ce manque de la figure paternelle, Des Grieux est en pleine perte de tous repères. Accompagnés du champ lexical de la nostalgie (« les pointes du remords », « regrets », « désirs »), le passé et le présent font entrevoir le bonheur enfui et l’impossibilité d’un retour en arrière. L’idéal décrit au début du texte apparaît alors comme un paradis perdu : une métaphore spatiale situe l’âge d’or comme un « heureux état » du côté donc de son enfance à Amiens et de l’église de Saint-Supplice à Paris, où il a brillé en tant que prédicateur. Le contraste entre sa vie d’« innocence » passée et celle de « criminel » actuelle est marquée et  présentée comme un « immense espace » où vient se loger les remords. C’est ainsi, comme un être extrêmement torturé, que nous apparait le narrateur de ce roman, épuisé par les aventures sournoises que sa passion pour cette femme lui fait traverser. Etant arrivé à un point de non-retour, cette introspection est aussi l’occasion pour lui d’exposer ses réminiscences afin que le lecteur puisse concevoir de façon plus précise, les raisons de la déchéance de cet homme, et comment ce dernier porte un regard critique et ironique sur sa condition.

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