Anouilh, Le chêne et le roseau
Commentaire de texte : Anouilh, Le chêne et le roseau. Recherche parmi 300 000+ dissertationsPar supervielle • 15 Mars 2019 • Commentaire de texte • 1 768 Mots (8 Pages) • 1 013 Vues
LA 3 ANOUILH, « Le chêne et le roseau »
Intro
Donner qq éléments biographiques [à chercher…]
Anouilh est surtout connu comme dramaturge. Sa célèbre pièce de théâtre Antigone est la réécriture d’une tragédie antique. Il a cependant aussi pratiqué la réécriture de fables. La Fontaine avait repris les apologues d’Esope, Anouilh a repris certaines fables de La Fontaine.
« Le Chêne et le roseau », fable célèbre qui clôt le livre I des Fables de 1668, met en scène deux personnages qui mesurent leurs forces. Cependant, la réécriture ne se contente pas d’imiter, elle est aussi une œuvre originale : Anouilh a éprouvé le besoin de donner une nouvelle signification au texte de La Fontaine, dans le contexte de l’après-guerre.
Pbq : comment cette réécriture modifie-t-elle la fable de La Fontaine ?
I Une réécriture : Anouilh conserve de nombreux éléments constitutifs de la fable de La Fontaine
1) Deux personnages symboliques opposés
- reprise du titre, sans modification : désignation simple des deux protagonistes
- deux végétaux personnifiés : ils parlent (vb de parole v. 1, 7, 20, 31= registre merveilleux), le chêne « sourit ». ..
- opposition : chêne symbolise la force, le roseau la faiblesse. Comme chez La F, c’est à travers leur discours que le lecteur les découvre. ex : « nous autres, petites gens » v. 11
2) Un récit vif :
qui reprend la structure de la fable de La F :
- d’abord un long dialogue vivant entre les végétaux, au style direct (v. 1-15) Le vers 1, qui introduit le dialogue est identique à celui de La F!
- éléments perturbateur : tempête, fait irruption dès la fin du discours du roseau, dramatisée : vb présent de narration (rend plus actuelle l’action), chp lex de la tempête très présent : « le vent se lève … l’orage gronde.. souffle profond dévaste » v. 16-17
- dénouement identique : roseau indemne, chêne terrassé : « Jette le chêne .. par terre » v. 19 ; « Le géant… mille morts » v. 28. (La grande périphrase finale de La F «Celui de qui la tête au ciel était voisine / Et dont les pieds… » est reprise sobrement par le substantif « le géant »)
3) Une fable rendue plaisante par sa versification
- usage de deux mètres (= types de vers): alexandrin et octosyllabe qui alternent sur la page pour éviter la monotonie.
- Le passage du vers long au vers bref crée un changement de rythme ex : « Plier, plier toujours, n’est-ce pas déjà trop (12) [2/4//6] / Le pli de l’humaine nature ? (8)» Ce raccourcissement (de 12 à 8 syllabes) met en valeur cette caractéristique de l’homme (le pli = la soumission) que veut dénoncer le chêne.
- Peu d’enjambements (vs La F), mais un rejet à remarquer : « sa haine / Satisfaite » v. 25-26 qui met en valeur le contentement mesquin du roseau, comme si la versification aidait à dénoncer cette méchanceté.
- rimes : schéma varié : embrassées (v. 1-4), croisées (5-8), suivies (11-12) et parfois complexe : cf 7 derniers vers : ABABCCB (croisées et embrassées autour du vers 28 qui sert de pivot)
4) Anouilh fait des références explicites à la fable de La F (ou à son hypotexte = texte source)
- « cette fable » : déterminant démonstratif qui désigne la fable de 1668
- référence à la fonction didactique des apologues : « la morale », « apprendre aux marmots »
- « comme la 1ère fois » (= comme dans la fable de la F) : désigne l’hypotexte
- voc archaïsant qui imite la langue du XVIIe: « voire », « compère », inversion « humaine nature »
II Une transformation : Anouilh se démarque de LA F
1) La critique de la morale de La F
- dès le début du texte : v. 2-7 le chêne ouvre le dialogue par cette critique.
- lexique péjoratif : « lassé, détestable, bien légers » + niveau de langue familier « marmots » pour dévaloriser (avec humour !) la célèbre fable classique.
- répétition de « plier » (vb ou substantif 3x) v. 5-6 suivi de l’adverbe de temps « toujours » : le chêne dénonce un comportement de soumission qui l’insupporte. Anouilh joue avec la polysémie « plier » (= se soumettre) / « pli » (=habitude) pour mettre en valeur ce défaut propre à l’homme. L’ambition du chêne (porte-parole du fabuliste) serait d’effacer ce « pli » ! Anouilh dénigre donc la leçon véhiculée par la fable de La F, mais aussi sa transmission, hélas trop efficace, puisque les fables étaient en partie destinées à instruire les enfants, et que des générations d’élèves ont appris « Le Chêne et le roseau » dans la version de La F… ! Il se bat donc contre une leçon qui est pernicieuse, nuisible (comme le souligne la rime entre « fable » et « détestable ») car elle ne fait que renforcer une faiblesse humaine (la docilité, la lâcheté).
2) une modification de structure
- une répartition différente du dialogue : 4 répliques, plus longues pour le roseau (9 vers, v. 7-15 + 5 vers, v. 20-24) que pour le chêne (5 vers + 1). La prise de parole du roseau est donc nettement plus importante : il est loquace, tandis que le chêne est plus mesuré. Et c’est lui qui a le dernier mot.
- pas de péripéties ni de suspense : la résolution intervient dès le v. 19 : « jette le chêne (…) par terre ». Il n’y a donc pas d’attente de l’issue, comme chez LA F
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