Analyse de L'Huître de Francis Ponge
Commentaire de texte : Analyse de L'Huître de Francis Ponge. Recherche parmi 300 000+ dissertationsPar Jean Harang • 6 Juin 2017 • Commentaire de texte • 1 614 Mots (7 Pages) • 2 844 Vues
Francis Ponge, Le Parti pris de choses, « L’huître ».
Pour l’introduction, voyez notamment les citations de Ponge.
- Une description – définition de l’huître.
- Le monde de l’huître et de l’écriture.
- Une description – définition de l’huître.
La forme même du poème semble représenter l’objet même : deux parties et un petit paragraphe pour la perle :
A. Trois paragraphes qui correspondent à 3 points de vue différents :
1. Vision extérieure, description de l’écaille, de l’ « apparence », à l’aide d’une comparaison avec le galet, et évocation de la résistance qu’elle oppose au dégustateur / voyeur.
2. vision de l’intérieur de l’huître, évocation des entrailles, d’un microcosme.
3. focalisation sur la perle, rare, bien précieux.
- Deux § correspondant aux deux parties de l’écaille et aux deux étapes de la description : l’extérieur puis l’intérieur, puis la perle. Une progression mimée par celle du texte, extérieur, ouverture difficile – intérieur, perle. Progression du poème = progression de la vision et de l’expérience d’ouverture. Mais ce schéma bipartite trouve un écho dans la perpétuelle oscillation entre vision méliorative et dépréciative de l’huître.
B. Une entrée en matière négative :
- Une comparaison au détriment de l’huître : le galet est plus régulier, « plus rugueuse », « moins unie » : négations apportée à des adjectifs qui désignent des qualités ; et cadence mineure : de moins en moins de syllabes dans les propositions pour parler de l’huître : 9 / 8 (9 si « e » muet d’ « apparence » émis) / 6 (7 si « e » muet d’ « une » émis)/ 6. => le galet représente un objet plus facile à décrire, plus commode à étudier sans doute.
- La clôture de cette énumération de qualités déniées présente un paradoxe avec « brillamment blanchâtre » qui inaugure deux réseaux lexicaux antithétiques : la blancheur sale ou floue, et le blanc brillant, nimbé de lumière. Ce réseau est relayée par les termes de « ronds blancs » devenus des « halos », c'est-à-dire de la lumière floue, diffuse, mais plus plaisante sans doute. L’évocation neutre laisse la place à une comparaison qui intègre la lumière et annonce le firmament, nom polysémique (cf. définitions ci-dessous). La blancheur brillante est présente également dans la nacre, qui tapisse les parois intérieures de l’écaille, et dans la perle, rare et précieuse. Ces réseaux mélioratifs ouvrent une première ligne de significations.
C. Mais à ces évocations de matière précieuse s’opposent les qualificatifs de couleur péjoratifs, poursuivant une ligne péjorative inaugurée dès la comparaison dépréciative de la première phrase.. Le suffixe péjoratif ou l’adverbe qui signifie la réticence de l’objet à s’ouvrir. Il est en effet présent dans « blanchâtre », et se retrouve dans « opiniâtrement » puis dans « verdâtre » et « noirâtre » qui s’oppose au caractère délicat de la « dentelle » qu'il qualifie. L’objet est ainsi évoqué de façon peut valorisante, y compris après ouverture. On remarque que l’accent circonflexe est lui-même appelé par le nom de l’huître elle-même.
- Ces réseaux sont accompagnés de réseaux sonores en écho : il y a une rime intérieure en « are » et « acre » et « âtre » qui court tout au long du poème, ainsi que les sonorités gutturales (qui appartiennent au gosier) liées au travail de l’ouverture, en [k] : « creux », « couteau », « curieux », « cassent », « coupent », « coups qu’on », « marquent » => qui miment l’évocation de l’ouverture du mollusque, particulièrement difficile et inutile (pour les coups donnés, peu susceptibles de favoriser l’ouverture du mollusque)... Le « travail est grossier, ce qui dévalorise le lecteur, le mangeur d’huître, & le poète même qui l’a ouverte, forcée… une ouverture particulièrement difficile, voire douloureuse : une synecdoque personnifie les doigts (« curieux ») et le couteau (« peu franc »), instruments de l’ouverture forcée, à l’aide du procédé de l’ hypallage. On a pu y voir l’image d’un viol… c'est une hypothèse…
- Un objet qui ne se laisse pas ouvrir ni « faire » facilement, ni donc décrire… et subit une description d’abord négative de la part du poète… mais est-ce vraiment le cas ? Préciosité attachée à l’huître : dans quelques cas il y a la possibilité d’une perle : donc il faut sauver l’huître, car elle est tout un monde.
- Le monde de l’huître et de l’écriture :
La découverte de la perle à l’intérieur de l’huître apparaît à plus d’un titre comme un résultat miraculeux, au terme d’une évocation qui associe en permanence admiration et répulsion.
A. L’intérieur : un « monde », caractérisé par l’abondance et le mélange : « à boire et à manger » pris au sens littéral, mai aussi figuré : grand désordre et abondance de choses disparates. Le « firmament » solide, transparent, site des étoiles fixes, condense ici les réseaux d’images mélioratives du début du poème. On notera la double mention du mot (italiques et parenthèse qui invitent à chercher la définition) pour en souligner l’importance. La glissade de la partie haute de l’huître dans la partie basse est montrée par un jeu d’échos lexicaux et sonores et en particulier l’allitération en [s], ce qui ouvre résolument l’objet à un autre type d’évocations et confère à la phrase une cadence rythmée et harmonieuse. Les « cieux » renvoient également au firmament et à son acception courante de voûte céleste.
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