Commentaire Micromégas, Voltaire
Chronologie : Commentaire Micromégas, Voltaire. Recherche parmi 300 000+ dissertationsPar Noro BRISSAC • 4 Janvier 2023 • Chronologie • 4 500 Mots (18 Pages) • 471 Vues
Introduction
La littérature est parfois un moyen de vulgariser des connaissances scientifiques. C'est
le cas, notamment, du texte que nous allons étudier. En effet, Voltaire, au XVIIIe siècle,
est l'inventeur d'un nouveau genre littéraire : le conte philosophique (1) qui va lui
permettre d'instruire ses lecteurs, de mettre à leur portée des connaissances, tout en les
divertissant.
Le texte que nous allons commenter en est un bon exemple. Il s'agit d'un extrait du
chapitre II du conte philosophique Micromégas, oeuvre publiée en 1752 et destinée
d'abord à distraire le roi de Prusse, Frédéric II. C’est un ouvrage représentatif de l'esprit
des Lumières. Voltaire s'amuse ici à vulgariser les idées de relativité et d'infini dans un récit
divertissant qui invite le lecteur à réfléchir sur sa place dans l'univers et sur les maux
causés par les êtres humains à leurs semblables. En effet, grâce au procédé littéraire du
regard étranger, qu'on appelle aussi le procédé de l'oeil neuf (détour par la vision
d'un étranger pour mieux voir et critiquer notre société), le conte présente la découverte
de la planète Terre par un être venu d'une planète proche de l'étoile Sirius, et par son
compagnon, le secrétaire de l'Académie des sciences de Saturne. Micromégas, le
personnage éponyme (2), est un être de trente-deux kilomètres de haut. C’est un jeune
savant parlant mille langues, vivant plusieurs milliers d’années et habitant une planète
proche de l’étoile nommée Sirius. A la suite de travaux scientifiques condamnés par les
fanatiques religieux de son pays, il est contraint de s'exiler. Il décide alors d'entreprendre
un voyage dans l'espace dans le but de de "se former l'esprit et le coeur". C’est alors qu’il
voyage dans notre système solaire en espérant découvrir un monde meilleur. À son
arrivée sur Saturne, le Sirien se moque d’abord de la petite taille des habitants, qui ne
mesurent que deux kilomètres de haut. Il perd néanmoins ce sentiment de supériorité en
s’apercevant « qu’un être pensant peut fort bien n’être pas ridicule pour n’avoir que six
mille pieds de haut » (= 2 km) et se lie d’amitié avec le secrétaire de l’Académie des
Sciences, désabusé par les femmes et la bêtise de son propre monde, qui deviendra son
compagnon de voyage. Le passage du chapitre II que nous avons à étudier se présente
comme une conversation entre les deux extraterrestres au sujet de leur condition. Ils
vont se plaindre l'un et l'autre du nombre de sens dont ils disposent et du nombre
d'années qu'ils ont à vivre. Nombres à chaque fois formidablement élevés par rapport
aux hommes, ce qui conduit à une réflexion sur le relativisme.
Nous allons montrer comment Voltaire présente dans ce dialogue amusant des
idées philosophiques importantes.
Dans un premier temps, nous soulignerons la façon dont Voltaire, après avoir
annoncé le sujet de la conversation, la variété de la nature, va mettre avec humour
l'accent sur la nécessité de s'instruire plutôt que de se plaire à entendre des comparaisons.
Puis, dans un deuxième temps, nous étudierons comment la réflexion sur la finitude (=
les limites) se concentre sur la question du nombre de sens dont disposent les
protagonistes. Enfin, dans un troisième temps, nous analyserons le deuxième thème
abordé : la question de la brièveté de la vie.
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I) Une conversation amusante qui commence mal. Le refus de parler de la nature
en poète : s'instruire plutôt que se divertir (l.1-10)
A) Un dialogue amusant entre deux extraterrestres
Nous allons montrer dans un premier temps ce que la conversation entre les
personnages peut avoir d'amusant. D'abord, il est important de rappeler que ce passage
du conte philosophique est un dialogue entre deux savants philosophes de deux
planètes différentes. A ce moment du récit, les Terriens n'ont pas encore été découverts
(ils le seront au chapitre IV). On remarquera d'emblée que ce dialogue a lieu dans une
situation très particulière : le Sirien est couché pour converser avec le Saturnien : "après
que Son Excellence se fut couchée (...)" (l.1). Il y a là un comique de situation dû à la
disproportion des tailles. De plus, les paroles du Saturnien vont être interrompues trois
fois par le Sirien. On parle alors de comique de répétition. De plus, ce qui contribue au
comique dans ce dialogue, à amuser le lecteur, c'est que les deux interlocuteurs ne sont
pas sur la même longueur d'onde au départ. La conversation s'engage mal dans un
premier temps, bien que le Saturnien essaie d'aller dans le
...