L'espace dans Fin de partie
Étude de cas : L'espace dans Fin de partie. Recherche parmi 300 000+ dissertationsPar Elomire • 12 Avril 2021 • Étude de cas • 1 582 Mots (7 Pages) • 538 Vues
L’espace dans Fin de partie
Introduction
Dans un court essai intitulé L’Espace vide, le metteur en scène Peter Brook dit : « Je peux prendre n'importe quel espace vide et l'appeler une scène. Quelqu'un traverse cet espace vide pendant que quelqu'un d'autre l'observe, et c'est suffisant pour que l'acte théâtral soit amorcé. ». Au commencement du théâtre il y aurait donc, deux choses fondamentales : un espace (et non un décor) et quelqu’un (un corps et non un personnage) pour parcourir cet espace. Même si le titre de Fin de partie place la pièce au cœur d’enjeux temporels, l’espace est une donnée essentielle au spectacle prévu par Beckett. Les nombreuses didascalies et autres indications spatiales du texte en témoignent. L’occupation de la scène par les personnages et les objets de la pièce est une donnée fondamentale de tout spectacle théâtral. Dans le théâtre de Samuel Beckett, la précision du texte à l’égard des données spatiales prévoit bien que l’espace ait un langage propre à lui, qu’il parle et qu’il signifie. La lecture - ou le spectacle - de la pièce procure un grand effet d’angoisse auquel la fonction spatiale contribue. L’aire de jeu s’y transforme en une cellule insupportable où une machinerie automatique a lieu. Mais cet espace qui exprime, autant que les personnages, les intentions de Beckett, est paradoxal : Il est le lieu d’un enfermement angoissant mais aussi celui d’un jeu et d’une familiarité quotidienne pour les personnages. Il n’est peut-être pas la cage infernale qu’il paraît être. Il est la demeure réconfortante et protectrice de la famille étrange et pitoyable que composent les personnages de la pièce. Cet espace signifiant de Fin de Partie est-il donc bien un lieu de réclusion pour ses personnages ?
Certes / Il est vrai que la disposition scénique et le comportement des Hommes sur cette scène provoquent un fort sentiment d’emprisonnement des personnages. Mais/Cependant l’espace représenté dans la pièce est un espace vécu au quotidien, qui réconforte et qui accueille ces personnages pitoyables. En fait, cet espace théâtral propose une réflexion du monde extérieur au spectacle : il est métaphorique de nos espaces familiers.
I. L’intérieur d’une prison
a – Un enfermement physique dans le décor
Les déplacements des personnages ou au contraire leur immobilité sont des éléments cruciaux dans Fin de Partie. Ils dégagent un sentiment d’enfermement qui provient d’abord de la réalité physique de la scène. L’occupation de l’espace, prévu par Beckett est dominé par cet enfermement concret et physique : la scène se passe dans une pièce unique, sans meuble, la lumière est grise, la pièce est circonscrite par deux fenêtres (occultées par des rideaux), une porte (cuisine), deux poubelles (dans lesquelles vivent Nagg et Nell).
b- Un enfermement symbolique dans une routine millimétrée
Hamm est situé au centre de la pièce, il en est l’axe, le point central. A partir de Hamm, chaque personnage va prendre sa place : c’est là que l’espace est défini. La géométrie est révélatrice : en changement de place Hamm compromet l’espace fragile. Cependant Clov génère de l’espace : s’il part, il y a un effondrement du monde qui mène à la mort. Hamm est au centre de la scène et Clov gravite autour de lui. Il interroge constamment Clov sur son emplacement « où es-tu ? ». Le personnage de Hamm est quasi immobile : ses mouvements sont réduits au strict minimum, c’est un espace figé dans lequel il peut à peine bouger.
c - Un espace insuffisant et angoissant
La géométrie de la scène marque une insuffisance de l’espace. Il n’y a aucune perspective. Les fenêtres ne s’ouvrent pas sur les sens visuels, auditifs, sensitifs. Aucune sensation ne vient de l’extérieur. L’espace « cuisine » est l’espace propre de Clov (son nid, voir sa niche) C’est une prison dans la prison. De même les poubelles des Nagg et Nell sont des mises en abyme de l’enfermement. Le fauteuil de Hamm, au milieu de la scène en est une aussi.
Dans la cuisine, Clov ne parvient pas à retrouver ce qu’il cherche. Du début à la fin de la pièce Clov est de plus en plus contrarié, tendu. Il ressort de la cuisine sans solution, il va y chercher des objets et revient avec d’autres. Le buffet est une source d’angoisse dont la clé est détenue par Hamm. Le seul personnage mobile de la pièce donne l’impression de tourner en rond. Il crée un espace pendulaire – ou circulaire - de déplacement dans lequel se répètent les mêmes insuffisances.
II. La scène comme un refuge
a – Le confort familier
L’extérieur est considéré comme un espace virtuel. Les mentions de l’extérieur signifient l’enfermement de la scène. Mais l’extérieur n’apparait pas non plus comme une échappatoire, une possibilité de sortie. Hamm dit « Nous sommes dans un trou ». Cet endroit est une tanière, un refuge pour cette famille inadaptée au monde extérieur. C’est un asile. Au sens de lieu de paix, mais aussi de maison de fou.
C’est aussi une cours de miracles : un lieu où se retrouvaient dans les grandes villes de la France médiévale, les fous, les hors-la-loi, les mendiants et les handicapés.
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