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Fiche de Lecture : La domination policière : Une violence industrielle de Mathieu Rigoust

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Par   •  19 Février 2018  •  Fiche de lecture  •  3 885 Mots (16 Pages)  •  956 Vues

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Fiche de lecture - Science Politique

        « Un État est d’autant plus fort qu’il peut conserver en lui ce qui vit et agit contre lui ». Paul Valéry pose ici les fondements de l’objectif de l’État en matière de maintien de l’ordre social et politique. Aujourd’hui, de par notamment le mythe du contractualisme, l’ordre social est considéré comme naturel, conforme aux attentes de la majorité. De plus, les organes coercitifs de l’État tels que la Police sont majoritairement considérés comme nécessaire au bon fonctionnement de la société et à la protection de la population. Pourtant, les nombreux jeunes racisés des quartiers populaires tués récemment par la Police ou encore la mise en place de Zones à Défendre (ZAD) en marge de la société montrent bien qu’il y a une rupture avec cette conception idyllique de l’État.

        Afin de questionner ces enjeux -mais aussi pour se doter des outils pour combattre cette domination étatique-, nous étudierons conjointement La domination policière : Une violence industrielle de Mathieu Rigouste ainsi que deux cours de Michel Foucault au Collège de France que sont Sécurité, Territoire, Population et Naissance de la biopolitique. Les visions que nous nous apprêtons à croiser ne relèvent pas de la même discipline. En effet, si le livre de Mathieu Rigouste relève plutôt de la sociologie politique, les cours de Michel Foucault sont essentiellement philosophiques. Il s’agira alors de mettre en évidence les concepts issus des multiples exemples liés aux stratégies et aux généalogies policières du premier tout en s’extirpant de la dimension abstraite de l’évolution dans la stratégie de domination étatique du second pour bâtir une véritable théorie politique du rôle et de la stratégie de l’Etat dans le contrôle et la domination de la population sur laquelle il exerce son pouvoir. Ces deux approches et visions du pouvoir étatique ne sont pas contradictoires mais traitent bien de deux types de pouvoir. Il me semblait en effet plus intéressant d’esquisser la possibilité d’une analyse complémentaire plutôt qu’une dissertation contradictoire sur deux visions totalement opposées d’un fait politico-social.

        Alors, tout l’enjeu est de déterminer dans quelles mesures l’autocontrôle prend aujourd’hui le pas sur la société coercitive dans l’objectif d’exercer sa domination et de légitimer un ordre politico-socialo-économico-raciale ? Enfin, nous nous demanderons si l’échec relatif de l’effacement libéral de l’Etat et de sa stratégie de contrôle coercitif n’implique pas une rupture de ce système et la naissance d’organisations alternatives. Ces contestations impliqueraient alors la nécessité de la répression, formant un cercle vicieux tendant vers une rupture totale entre société et Etat.

I- L’individualisation libérale fondant la biopolitique comme le principal facteur de légitimation permettant un effacement des fonctions régaliennes

        A- L’Etat, pouvoir pastoral, maintien sa domination par une société disciplinaire

1) Le contrôle disciplinaire et sécuritaire

Michel Foucault met en évidence l’existence de nombreuse institutions dont le rôle est d’assurer la discipline. Cette discipline a pour objectif de rendre l’individu conforme à l’idéal bureaucratico-politique ainsi qu’aux mœurs et aux coutumes de la société. Alors pour Foucault, cette société disciplinaire secrète une « machinerie de contrôle ». Parmi ces institutions, Foucault aborde l’importance du système scolaire. En effet, il écrit que « l’école-bâtiment doit être un opérateur de dressage ». La fonction de ces institutions est donc de produire des corps et des sujets dociles. Foucault décrit aussi le pouvoir exercé à travers l’architecture qui devient une fonction essentielle de la société de contrôle afin s’exerce une surveillance continue par le regard disciplinaire qui légitime sa position hiérarchique. Il écrit : « L’appareil disciplinaire parfait permettrait à un seul regard de tout voir en permanence. Un point central serait à la fois source de lumière éclairant toutes choses, et lieu de convergence pour tout ce qui doit être su : œil parfait auquel rien n’échappe et centre vers lequel tous les regards sont tournés. ». Le pouvoir étatique allie alors sécurité et discipline pour contrôler la population et asseoir sa domination sans usage de la force.

2) Le maintien d’une forme de pouvoir pastoral par la gouvernementalité

« Le pouvoir pastoral dans sa typologie, dans son organisation, dans son mode de fonctionnement [...] est sans doute quelque chose dont nous ne sommes pas toujours affranchis », nous dit Foucault. En effet, il décrit un héritage du modèle pastoral où le fait de prendre soin de sa population permet de la mener et de la contrôler. Pour cela, il introduit le concept de gouvernementalité. « Par gouvernementalité, j'entends l'ensemble constitué par les institutions, les procédures, analyses et réflexions, les calculs et les tactiques qui permettent d'exercer cette forme bien spécifique, quoique très complexe de pouvoir qui a pour cible principale la population, pour forme majeure de savoir l'économie politique, pour instrument essentiel les dispositifs de sécurité. Deuxièmement, par "gouvernementalité", j'entends la tendance, la ligne de force qui, dans tout l'Occident, n'a pas cessé de conduire, et depuis fort longtemps, vers la prééminence de ce type de "gouvernement" sur tous les autres : souveraineté, discipline, et qui a amené, d'une part, le développement de toute une série d'appareils spécifiques de gouvernement, et, d'autre part, le développement de tout une série de savoirs. » Telle est alors cette stratégie du pouvoir qui s’adresse directement à l’individu et qui tend à un retrait de plus en plus conséquent du contrôle coercitif étatique.

        B- Le pouvoir, par la biopolitique dans le cadre libéral, tend vers l’autocontrainte par l’individuation

1) Définir le cadre posé par Foucault : la biopolitique

Il s’agit dans un premier temps, pour comprendre les mécanismes de légitimation qui se jouent dans nos sociétés modernes, de définir le cadre d’analyse que pose Michel Foucault. Pour lui, avec l’avènement du libéralisme, se développe la biopolitique. Celle-ci correspond à « l’ensemble des mécanismes par lesquels ce qui, dans l’espèce humaine, constitue ses traits biologiques fondamentaux va pouvoir entrer à l’intérieur d’une politique, d’une stratégie politique, d’une stratégie générale du pouvoir ». Alors, la biopolitique implique « l’étude de la rationalisation de la pratique gouvernementale dans l’exercice de la souveraineté politique ». Ainsi, Foucault va déconstruire la conception généralement partagée que la normal est loi de la nature. La norme est perçue comme une évidence, une référence, quelque chose qui va de soi. Il va alors s’atteler à montrer que la norme n’existe que pour agir tel un mécanisme de subjectivisation afin de produire des individus contrôlables par le régime disciplinaire. Foucault, en décrivant la biopolitique comme une stratégie, va introduire mettre à jour le mécanisme correctif qui accompagne la norme. Pour lui, « Le Normal s’établit comme principe de coercition dans I'enseignement avec I'instauration d'une éducation standardisée et l’établissement des écoles normales ; il s’établit dans I'effort pour organiser un corps médical et un encadrement hospitalier de la nation susceptibles de faire fonctionner des normes générales ; il s’établit dans la régulation des produits industriels. Comme la surveillance et avec elle, la normalisation devient un des grands instruments du pouvoir à la fin de l’âge classique. »

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