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Dissertation SES: Socialisation Secondaire/primmaire

Note de Recherches : Dissertation SES: Socialisation Secondaire/primmaire. Recherche parmi 298 000+ dissertations

Par   •  29 Janvier 2014  •  8 499 Mots (34 Pages)  •  1 260 Vues

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La question de l’identité est au cœur des questionnements dans le champ de l’orientation et du conseil qui est le nôtre. En ce début du 21e siècle, la mondialisation des échanges, l’explosion technologique, l’immédiateté de l’information ont bouleversé aussi bien les économies modernes que la vie quotidienne des individus, les styles de vie, les relations familiales et sociales, et les modes de penser et de se penser. Pour Giddens (2007), notre « modernité radicale », qu’il désigne aussi comme « modernité réfléchie », contraint l’individu à se construire tout au long de sa vie par un récit continu sur soi-même, à maîtriser l’anticipation de son avenir et l’intégration de son passé dans ce récit de soi qui constitue son identité personnelle : ni la tradition, ni la nature ne déterminent pour lui son style de vie. Dans le domaine de l’orientation, cette individualisation des conduites et des décisions a pour contexte un monde du travail en pleine mutation avec un haut degré de brassage des emplois et de risque de précarisation. Les parcours scolaires et professionnels sont à la fois plus ouverts, plus complexes et plus incertains et les transitions sont multipliées et déstandardisées. Réfléchir à son orientation devient alors un questionnement individuel tout au long de la vie, une réflexion sur soi dans un contexte en changement, et la psychologie de l’orientation devient une psychologie de l’identité.

2Cette évolution confronte les praticiens du conseil à la désuétude de tout un ensemble de modèles qui leur étaient familiers. Sont ainsi devenus caduques tour à tour les modèles qui ont dominé la psychologie de l’orientation au 20e siècle et qui supposaient une relative stabilité des emplois : ce sont entre autres les modèles fondés sur l’adéquation personne-environnement et sur la fiabilité du pronostic d’adaptation en fonction des aptitudes ou des profils de personnalité, et les modèles éducatifs reposant sur l’idéalité du projet professionnel à long terme et sur son éducabilité au cours de l’adolescence notamment. Dans les débats actuels sur les pratiques sociales de l’aide à l’orientation, des chercheurs européens et anglo-saxons se rejoignent sur leur finalité (cf. Guichard & Huteau, 2006) : comment aider le sujet – adolescent ou adulte – à conduire une activité réflexive et critique de construction de soi dans des contextes d’orientation et de travail dont ne doivent être occultés ni l’incertitude, ni les pièges, ni les contraintes.

1 C’est le titre d’un Colloque de Cerisy organisé par Dubet et Wieviorka autour de l’œuvre de Tourai (...)

3Dans ce numéro spécial sur les théories de l’identité, notre contribution consiste en un examen de l’évolution de la dialectique individu-contexte dans les conceptions sociologiques et psychologiques de l’identité et de ses implications dans le champ du conseil et de l’orientation. L’identité est habituellement entendue dans les sciences humaines comme un processus interactif à deux versants inséparables : le versant subjectif d’une définition intime de soi pour soi et le versant social d’une définition statutaire de soi pour et par autrui. Si la sociologie et la psychologie l’abordent de façon différente, le thème de l’identité contraint l’une et l’autre à conceptualiser le pôle de la dialectique sujet-contexte qui n’est pas le sien : celui du sujet pour la première, celui du contexte pour la seconde. « Penser le sujet »1 pour la sociologie n’est pas allé de soi et a supposé des ruptures avec la sociologie classique. Quant à l’identité, de notion secondaire, sinon quasiment absente ou non-pertinente, elle est devenue un concept central en sociologie aujourd’hui puisque, selon Kaufmann, l’identité est « un problème de société aux dimensions considérables [...] et sans doute la forme que tend à prendre désormais la question sociale » (2007a, p. 52). Symétriquement, pourrait-on dire, la psychologie s’est trouvée démunie, conceptuellement et méthodologiquement, face à la notion de contexte qu’elle a souvent considérée de façon très globale, voire syncrétique. Nous verrons en premier lieu que les théories sociologiques vont d’une conception de l’identité comme simple reflet de l’habitus dans la théorie de Bourdieu jusqu’à une conception de l’identité comme réflexion et « invention de soi » dans celle de Kaufmann ; nous verrons ensuite que les théories psychologiques de l’identité intègrent et clarifient progressivement le concept de contexte. Nous relèverons au fur et à mesure de ces analyses les propositions qui peuvent s’avérer pertinentes pour les problématiques du conseil et de l’orientation telles qu’elles se présentent aujourd’hui.

L’avènement des théories de l’identité en sociologie : de la décentration à « l’invention de soi »

Les prémisses : habitus et désajustements

4Pour jalonner le cheminement sociologique de l’identité, nous évoquerons, pour commencer, Bourdieu, non pas qu’il ait proposé une théorie de l’identité, mais en raison de l’efficacité de sa théorie de l’habitus pour une première approche de la dialectique individu-contexte. L’habitus, selon Bourdieu (1980), est l’ensemble des dispositions incorporées par l’individu au fil du temps et déterminées par ses positions dans les divers champs sociaux, un « champ social » étant lui-même un ensemble structuré de positions, de hiérarchies, et de rapports historiquement constitués entre les individus et les objets sociaux. L’identité de l’individu lui est donc octroyée par le cadre social, structure structurante dans laquelle il est inscrit. C’est en tous cas la lecture qui peut être faite de la première élaboration, strictement déterministe, du concept d’habitus : dans cette acception, l’identité ne peut être conçue comme un processus de réflexion autonome, mais comme le reflet des habitus incorporés, une identification à une position sociale et à des schèmes de perception, d’appréciation et d’action qui lui sont associés et qui définissent les conduites. Les individus se socialisent, incorporant des manières d’être, de sentir, de penser, d’agir d’un groupe, ses postures corporelles, ses croyances intimes, sa vision du monde et ses intentions d’avenir dans une « complicité infraconsciente, infralinguistique » (1994, p. 154).

5Le concept d’habitus a cependant évolué dans la théorisation de Bourdieu, ce qui fait dire à Kaufmann (2004/2007b) qu’il y a deux théories successives de l’habitus chez Bourdieu. Il infléchit en effet sa définition

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