Commentaire CE 27 octobre 2017
Commentaire d'arrêt : Commentaire CE 27 octobre 2017. Recherche parmi 300 000+ dissertationsPar Ruben Esteves • 19 Février 2018 • Commentaire d'arrêt • 1 754 Mots (8 Pages) • 1 076 Vues
Commentaire d’arrêt : CE, 25 octobre 2017, Fédération morbihannnaise de la Libre Pensée et autres
“L’État républicain, c’est aussi la laïcité.” — Jacques Chirac. La laïcité est à la fois un idéal, un principe et une loi qui ne consiste pas à combattre les religions, mais à empêcher leur influence dabs le pouvoir politique et administratif. Néanmoins, le débat entre “laïcité” et “neutralité” est constant.
La décision du Conseil d’État, rendue le 25 octobre 2017, dite Fédération mirbihannaise de la Libre Pensée et autres, est relative à la séparation des Églises et de l’État, plus précisément le principe de neutralité religieuse.
En l’espèce, ladite fédération (requérant) a demandé au maire du village de Ploërmel de retirer un monument à caractère religieux de la place publique de la commune. Les requérants s’appuient sur le moyen suivant : le monument, une statue surmontée d’une arche et d’un signe ostentatoire chrétien, est contraire à l’article 28 de la loi du 9 décembre 1905 portant sur la séparation des Églises et de l’État, qui interdit d’apposer des signes ou emblèmes religieux sur les monuments ou emplacements publics. Le silence du maire vaut refus implicite pour la fédération.
Cette dernière demande au tribunal administratif de Rennes de sanctionner le refus du maire et de l’obliger à retirer le monument. Le tribunal fait droit aux demandes des requérants : il annule les décisions implicites du maire et l’enjoint à procéder au retrait de la statue dans un délai de six mois. Par la suite, la cour administrative d’appel annule le jugement de première instance et déboute les requérants de leur demande. Ceux-ci forment un pourvoir en cassation en demandant au Conseil d’État de se prononcer sur l’affaire. La question est de savoir si une délibération à caractère définitif peut contraindre le retrait d’un monument d’un emplacement public en raison du principe de neutralité religieuse.
D’une part, le Conseil d’État sanctionne la décision de la cour administrative d’appel concernant la contestation de la délibération du conseil municipal : la délibération avait pour but de définir l’emplacement du monument mais en aucun cas elle mentionnait les éléments ajoutés en surplomb, distincts de la statue. L’installation des ces éléments est l’objet d’une autre délibération qui n’a subit aucune mesure de publicité et donc le délai de recours n’a pas couru à son encontre. Ainsi, il annule la décision de la cour seul en ce qui porte sur les demandes des requérants de retirer les éléments qui surmontent la statue. D’une autre part, le Conseil confirme l’arrêt d’appel concernant le refus de retirer la statue : la délibération étant définitive et le délai couru, seul le retrait de la croix est ordonné.
Pour commenter cette décision, il faut se demander quelle est la position du juge quant au principe de neutralité religieuse ? Autrement dit, cette décision est-elle régulière et conforme aux principes et valeurs de la République ? De ce fait, il serait pertinent d’aborder l’interdépendance du principe de neutralité de religion et de l’ordre public (I) face à la position incertaine du Conseil d’État (II).
- La reconnaissance partielle du principe de neutralité religieuse intrinsèque à la puissance publique
Le Conseil d’Etat rappelle la portée du principe de laïcité, imposant aux personnes publiques de veiller à la neutralité des agents et services publics à l’égal des cultes (A) et d’assurer la liberté de conscience et de garantir le libre exercice des cultes (B).
- La (ré)affirmation du principe visé à l’article 28 de la loi de 1905 par le Conseil d’État
Notons que le Conseil constitutionnel a reconnu valeur constitutionnelle à ce principe de neutralité, consubstantiel au principe de laïcité proclamé par le premier alinéa de l’article 1er de la Constitution : “La France est une République indivisible, laïque, démocratique et sociale”
La décision du Conseil d’État est rendue au regard de l’article 2 de la loi du 9 décembre 1905 qui interdit “à l’avenir d’élever ou d’apposer aucun signe ou emblème religieux sur quelque emplacement public que ce soit, à l’exception des édifices servant au culte, des cimetières ainsi que des musées ou expositions.”
Cet article, claire et précis, ne présentant aucun caractère d’ambiguïté pouvant mener à de différentes interprétations par les juges, a pour objet d’assurer la neutralité des personnes publiques à l’égard des croyances ou cultes religieux.
Ainsi, la statue fait obstacle dans la mesure où elle est composée d’un signe religieux et a été érigée dans un emplacement publique : elle est representative d’une préférence religieuse d’une commune fortement marquée par la tradition catholique.
B) l’équilibre entre la protection de l’expression d’opinion et conviction religieuse et de l’intérêt général
Il convient de noter qu’en l’espèce, le Conseil d’État ne prendra en compte que les éléments ajoutés postérieurement qu’il considère de nature religieuse, notamment la croix. La question de l’arche ne se pose pas.
De ce fait, la statue et la croix ne sont pas envisagées comme un tout mais comme des éléments distincts. En confirmant partiellement l’arrêt rendu par la cour administrative d’appel, en ce qui concerne le refus de retirer la statue, le Conseil opère implicitement un rééquilibrage des notions de expression d’opinion et conviction religieuse, et expression de l’interêt général : la croix relèverait donc de la conviction religieuse, par sa taille ostentatoire, et la statue du pape Jean Paul II aurait plutôt un intérêt général.
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