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Distinction contrat d'entreprise contrat de vente

Dissertation : Distinction contrat d'entreprise contrat de vente. Recherche parmi 299 000+ dissertations

Par   •  9 Novembre 2015  •  Dissertation  •  3 396 Mots (14 Pages)  •  6 222 Vues

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Séance 1 : La vente et le contrat d’entreprise

Commentaire d’arrêt : Chambre civile 3, 2 juillet 2008, n°06-20946

L’exemple que la 3ème chambre de cassation nous offre, en matière d’application du critère de spécificité permettant la distinction du contrat de vente et d’entreprise, vient préciser la frontière complexe entre ces deux contrats.

En l’espèce la société Cogemip, agissant au nom et pour le compte de la région Midi Pyrénées, a confié les gros-œuvres de la construction d’un lycée à un groupement d’entreprises solidaires constitué des sociétés Maisons Espace Baldessari et Axis Midi Pyrénées. Cette dernière a commandé des matériaux à la SEAC Guiraud frères demeurés impayés. La SEAC assigne alors la société Cogemip en indemnisation de ses préjudices en application du statut de sous-traitant institué par la loi du 31 décembre 1975.

L’application de ces dispositions permet en effet une action directe en paiement auprès du maître d’œuvre de l’entrepreneur défaillant (article 12), confirmée par la théorie de la chaine de contrat reconnue par la jurisprudence (Ass. Plén. 7 fév. 1986). Cette action suppose la qualification d’un contrat d’entreprise (article 1er), voilà donc la source du litige de notre espèce.

Alors que la Cour d’appel de Toulouse a qualifié le contrat de vente en invalidant les prétentions de la SEAC Guiraud frères, cette dernière forme un pourvoi en cassation.

La SEAC met en avant la spécificité des poutrelles qu’elle a fabriqué pour convenir au chantier, comme le souligne le rapport du bureau d’étude, SOCOTEC. Spécificité qui permet au regard de la jurisprudence de l’article 1787 du code civil la qualification du contrat d’entreprise entre SEAC Guiraud frère et Axis Midi Pyrénées.

La 3ème chambre civile a du s’interroger une nouvelle fois sur la nature et le degré de spécificité de l’ouvrage permettant la qualification du contrat en cause.

Instituée de sa compétence souveraine en matière de qualification juridique, la Haute cour a finalement confirmé la position d’appel en rejetant la qualification de contrat d’entreprise pour y préférer la vente. En effet, les juges se sont fondés sur le rapport du bureau Veritas, dont il ressortait que les matériaux fabriqués répondaient à une standardisation, tant dans leur nature que dans leur conception.

Si l’arrêt du 2 juillet 2008 peut sembler être qu’une nième application du critère de spécificité (I),  la Cour de cassation adopte une approche nouvelle à ce critère par cette décision (II).

I. Une réaffirmation du critère de spécificité

L’arrêt d’espèce montre une application du critère de distinction du contrat d’entreprise et de vente (B), critère issu d’une longue histoire jurisprudentielle (A).

  1. Du critère économique au critère spécifique

L’histoire de la vente et du louage d’ouvrage, aujourd’hui plus communément appelé contrat d’entreprise, sont intiment liées. On oppose généralement vente et louage d’ouvrage sur leur objet respectif, une chose et un service. La vente porte par principe sur la fourniture d’un bien, d’un vendeur à un acheteur, et trouve son fondement dans l’article 1582 du code civil. Le contrat d’entreprise lui porte sur un service exécuté par un entrepreneur en indépendance vis à vis d’un maître d’œuvre. On peut y voir dans l’article 1710 du Code civil le fondement de ce contrat, même si ces dispositions englobent une réalité plus large.

Si seulement la pratique était aussi cartésienne. Malheureusement, bien souvent la distinction entre contrat de vente et d’entreprise est plus que délicate. En effet, ces deux outils contractuels se confondent parfois et la prestation du fabricant peut relever d’un caractère mixte, comme le montre l’ambivalence de l’expression « service après-vente ». Ainsi la création d’un bien (service) pour un client s’accompagne souvent de sa livraison (vente). Une bonne qualification juridique du contrat est cruciale car elle fait dépendre le régime juridique applicable : celui de la vente ou celui du louage d’ouvrage qui diffèrent sur de nombreux aspects (détermination du prix, transfert de propriété, etc.). C’est exactement le point de litige en l’espèce, l’application du statut de la sous-traitance permet à la SEAC Guiraud frères de se faire payer les matériaux auprès de la société Cogemip. Pour bénéficier de ce statut, la SEAC doit démontrer l’existence d’un contrat d’entreprise entre elle et la société Axis Midi Pyrénées, elle-même sous-traitant de la société Cogemip. Le paiement de ces factures dépend donc juste de la qualification du contrat lien les sociétés.

Il n’y pas d’interrogation sur cette qualification lorsque la chose existe matériellement, il s’agit alors de la fourniture d’un bien, c’est à dire une vente. Il va de même quand la chose existe et qu’il suffit seulement de la réparer ou de l’entretenir, c’est un pur service qui met d’office les parties dans le cadre du contrat d’entreprise. Les litiges surviennent lorsqu’il est question de la fourniture d’une chose future et que celui qui la fabrique en possède les matériaux.

L’article 1130 alinéa 1er du code civil dispose que les choses futures peuvent faire l’objet d’une obligation (à condition qu’elles soient dans le commerce, article 1128 et 1598 du code civil). Pour les biens immeubles la jurisprudence de longue date applique le principe accesorium sequitur principale (théorie de l’accessoire) afin de distinguer entre contrat d’entreprise et contrat de vente. Il n’est pas à propos de rentrer plus dans l’explication car en l’espèce il s’agit d’un contrat portant sur des poutrelles, c’est-à-dire sur des biens meubles. Sur ces derniers la jurisprudence et la doctrine n’ont pas été aussi limpides.

Initialement en droit romain, comme le rappelle Pothier, « lorsque l’ouvrier fournit la matière, c’est un contrat de vente ». Cette position a été suivie par la doctrine du XIXème, dont Planiol faisait figure de représentant, alors même que l’article 1787 du code civil de 1804 prévoyait que ce cas (« il fournira aussi la matière ») relevait du louage d’ouvrage. La doctrine voyait dans cette disposition une solution de fond (responsabilité de l’ouvrier en cas de perte des matériaux), dévoilant par là une inversion de cette doctrine envers la qualification de contrat d’entreprise.

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