Étude du poème L'Albatros de Charles Baudelaire

Baudelaire, "L'albatros"

Les Fleurs du Mal, 1857, est un recueil de poèmes qui fait partie de la nouvelle poésie qui fit scandale. Il y a de la continuité avec le courant romantique, on retrouve les mêmes thématiques, le mal de vivre qui, chez Baudelaire, s'amplifie et devient le Spleen, on a un refuge de l'artiste dans la poésie du Beau. Nous verrons comment Baudelaire, dans l'Albatros, oppose l'Idéal au Spleen, met en scène une vision pessimiste de la société dans laquelle le poète ne trouve pas sa place.

La première lecture de l'Albatros se fait comme une petite histoire au décor maritime, un navire et ses hommes d'équipage traversent les océans, et pour passer le temps ils s'amusent avec des albatros.

On est bien face à un type de texte poétique. Cependant, dans les 3 premiers quatrains il y a des traces d'un schéma narratif, propre aux types de textes narratifs.

Le narrateur a un point de vue externe, il ne s'implique pas dans les deux premiers quatrains, il n'y a pas d'implication de l'émetteur, pas de lyrisme. Dans le troisième quatrain il y a un discours avec présence d'un style direct, on le sait grâce à la présence de "ce" qui est un adjectif démonstratif déictique, il est propre à une situation de communication orale, comme lorsque l'on cherche à nous montrer quelque chose. Il y aussi une exclamation qui se répète 3 fois, ce qui nous amène à un caractère insistant. On a un type exclamatif propre au discours oral et au registre oratoire.

C'est de la poésie composée en alexandrins avec de nombreux groupes rythmiques dans chaque vers. On a un exemple dans le vers 1 qui se décompose, grâce à la ponctuation, en gradation 2/4/6, par 2 césures. Le rythme est plus propre à la prose, il est haché et vivant.

L'énonciation est propre au récit, la situation spatiale est établie. Ex: "Dans le ciel", "Sur le navire". On a un établissement du cadre temporel avec l'adverbe "souvent" qui donne un aspect itératif. Le poème débute donc sur un adverbe de temps qui marque la répétition, l'habitude, la lassitude. Le poème se présente donc à la 1ère lecture comme la naration d'une scène de la vie en mer, ce qui nous rappelle que durant sa vie, Baudelaire a voyagé dans les îles.

Au vers 13, une analogie, qui est une comparaison explicite avec l'outil de comparaison "s'emblable à", invite à réinterpréter la scène évoquée dans les 3 premiers quatrains qui est "Le poète est semblable au prince des nuées". Cette analogie opère le passage de l'anecdote à l'allégorie et invite à voir une nouvelle signification morale et philosophique.

"Prince des nuées" et "rois de l'azur" mettent en scène un albatros personnifié par une figure de style, la périphrase noble, poétique pour idéaliser l'image du poète. On a une caractérisation de l'albatros par des sentiments humains: "indolent", "maladroit", "honteux"... qui participent à la personnification de l'animal comme symbole du poète.

On peut lire ce poème sous un nouvel angle, à travers tout un réseau de symboles, c'est la poésie symboliste:

L'albatros est la symbole du poète.

L'équipage est le symbole de la société.

Le navire est le symbole de la terre.

Le gouffre est le symbole de la mort.

On peut relire le poème avec un nouvel oeil, faire une fouille plus complète et approfondie de l'étude avec ce nouveau point de vue qui est de voir ce que chaque symbole fait passer comme message.

L'oiseau et le poète on en commun la plume, l'outil de liberté. La plume de l'albatros l'aide à voler, celle du poète lui permet d'écrire. Pour tous les deux, c'est le seul moyen d'être libre, de vivre un idéal.

"Vastes" est un adjectif qui caractérise l'animal et le poète par une connotation d'ampleur, c'est-à-dire que c'est la capacité d'expansion, ici pour le poète l'expansion est exprimée par une figure de l'hyperbole et des adjectifs qualificatifs, qui prend la place qu'il lui faut dans son univers idéal, comme par exemple dans le texte le ciel est l'espace de liberté, tout comme la feuille. "Oiseaux des mers" est une périphrase. On a une universalité par le pluriel avec "des mers" qui montre un pouvoir sur le monde. Dans la symbolique traditionnelle, l'oiseau représente les états spirituels et supérieurs de l'être: il est celui qui détient la connaissance spirituelle.

On a une supériorité physique avec l'oiseau qui est au-dessus de tout, le poète est donc témoin de la société, il dénonce les travers humains. "Se rit" et "hante" montrent la supériorité du poète dans son domaine.

Le poème est composé de quatres quatrains et de vers en alexandrins qui montrent l'ampleur et la noblesse du rythme, c'est-à-dire la pureté de la forme. Le mot Poète est écrit avec une majuscule, ce qui signifie une idéalisation du monde des poètes, et de la noblesse du monde de l'esprit.

Il y a des péeiphrases nobles qui montrent l'appartenance du poète à un autre univers, celui de la noblesse d'âme, avec dans le texte les mots "roi" et "prince"; et celui d'un univers de couleur et d'abstrait avec "nuées" et "azur". "Prince des nuées" est une allusion à l'expression "Prince des poètes" qui est une distinction attribuée aux poètes courtisants du XVIème siècle comme Ronsard par exemple. Baudelaire s'inscrit donc dans la lignée des grands poètes.

"Ses ailes de géant" est une anacoluthe, qui est une figure de style créant une rupture grammaticale avec le vers précédent. Cela nous donne un effet de surprise et qui montre la liberté du poète de pouvoir exprimer les mots sans se plier aux exigences syntaxiques, donc aux exigences sociales.

Cependant, malgré cet idéal poétique, le poète ne peut s'épanouir complètement: la société lui pèse, elle cherche à l'empêcher de s'exprimer, par sa dureté et

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