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À quelles fins le théâtre peut-il utiliser la violence ?

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Par   •  2 Mars 2022  •  Dissertation  •  2 514 Mots (11 Pages)  •  392 Vues

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Hugo, dans sa Préface de Cromwell, pose les fondements d’une théorie du drame romantique, et rapporte ces propos de Voltaire, qui condamne les tragédies de la Grèce antique pour leur excès de violence : « Les Grecs ont hasardé des spectacles […] révoltants pour nous. Hippolyte, brisé par sa chute, vient compter ses blessures et pousser des cris douloureux. Philoctète tombe dans ses accès de souffrance ; un sang noir coule de sa plaie. Œdipe, couvert du sang qui dégoutte encore du reste de ses yeux qu’il vient d’arracher, se plaint des dieux et des hommes. On entend les cris de Clytemnestre que son propre fils égorge, et Électre crie sur le théâtre : "Frappez, ne l’épargnez pas, elle n’a pas épargné notre père." Prométhée est attaché sur un rocher avec des clous qu’on lui enfonce dans l’estomac et dans les bras. Les Furies répondent à l’ombre sanglante de Clytemnestre par des hurlements sans aucune articulation ». Trouvez-vous, comme Voltaire, que la représentation de la violence au théâtre soit toujours « révoltante » ? À quelles fins le théâtre peut-il d’après vous utiliser la violence ?

A l’origine, le théâtre est très violent dans les pièces de théâtre grecques et même latines. Cela sera repris plus tard, par exemple par les Jésuites au XVIIème siècle comme père Caussin ou père Cellot. Dans leurs textes comme De Eloquentia sacra et humana ou Tragœdiae sacrae de père Caussin , la violence est extrêmement visible et représentée, comme lorsque les personnages sont tués sur scène et que des «jets de sang» ou des «fontaines de sang» sont décrits. Ici, c’est la violence physique qui est représentée par des assassinats ou même des viols, mais dans ces pièces de théâtre il y a aussi d’autres types de violences telle que la violence morale comme les injures, le mépris ou les moqueries. Pourtant, Voltaire décrit cette violence, et plus en particulier celle utilisée dans les pièces de théâtre grecques, comme « révoltante ». Voltaire s’interroge sur l’utilité de cette violence utilisée selon lui avec excès.

Quel est le but de la violence dans le théâtre et quelles sont les intentions des dramaturges utilisant la violence dans leurs textes? Comment la violence stimule-t-elle l’attention du spectateur et lui fait-elle ressentir des sensations?

Nous verrons d’abord que la violence peut être utilisée par le dramaturge afin d’amplifier les émotions du spectateur. Mais nous insisterons ensuite sur l’aspect choquant de la violence qui a un grand impact sur le public. Enfin, nous montrerons que la violence peut aussi être utilisée pour faire avancer la pièce, à travers des coups de théâtre brutaux ou des dilemmes qui font souffrir le personnage concerné.

La violence peut d’abord être utilisée pour amplifier les émotions que le spectateur éprouve pour les personnages comme de l’empathie, de la sympathie ou même de l’antipathie. En effet, que ce soit à travers des situations tragiques ou des dilemmes cornéliens qui s’abattent sur les personnages, les dramaturges tentent souvent de toucher leur auditoire afin de les engager davantage dans la pièce et pour qu’ils s’attachent aux personnages. C’est ainsi que dans la scène 3 de l’acte II de Britannicus le public développe de l’empathie pour Junie qui se fait oppresser par Néron désirant la forcer à renoncer à son amour pour Britannicus, dans le but de lui-même se marier avec elle. En effet, l'empereur annonce qu'il répudie sa femme et qu'il prendra pour épouse Junie. Néron lui accorde de voir une dernière fois Britannicus à la condition qu'elle feigne l'indifférence. Si elle refuse, Britannicus sera déporté. La violence morale est donc utilisée dans le but de faire ressentir une atmosphère tendue qui augmente l’intérêt du public pour la pièce tout en développant chez lui de l’empathie pour Junie.

L’antipathie, elle, peut être ressentie par le spectateur lorsqu’un personnage se comporte de manière narcissique comme Monsieur de Pourceaugnac dans la scène 3 de l’acte III de Monsieur de Pourceaugnac. En effet, Monsieur de Pourceaugnac, un personnage inspiré d’un hôte de Jean de La Fontaine et de Molière lors de leurs voyages dans le Limousin, se prend tellement au sérieux qu’il n’arrive pas à concevoir que les autres se moquent de lui. Ce dernier subit de la violence morale comme des moqueries et des insultes, ce qui fait rire le public qui n’a absolument pas pitié du personnage, et même au contraire trouve qu’il est détestable. Il se comporte sans humilité ce qui fait que le spectateur a de l’antipathie pour Monsieur de Pourceaugnac.

Le spectateur peut aussi ressentir de l’empathie et de la sympathie à cause de la violence verbale en remarquant des emplois de mots, des interjections ou même d’interruptions, et du mépris présent dans les conversations, ce qui les rend brutales. C’est ainsi dans la scène 5 de l’acte III de Ruy Blas, lors d’une conversation entre Ruy Blas et Don Salluste où ce dernier fait sa réapparition et expose à Ruy Blas son plan de se venger de la reine. Il critique les décisions qu’a prises Ruy Blas en tant que ministre. Ruy Blas tente de se justifier mais Don Salluste n’a aucun intérêt pour ce que Ruy Blas lui dit et va même jusqu’à l’interrompre plusieurs fois et à lui demander de répéter. En effet il dit « Vous disiez ? » et « Faites-moi le plaisir de refermer la croisée » après de longues tirades de Ruy Blas, et les didascalies le concernant sont : « qui jouait avec un couteau d’ivoire sur la table, se retourne à demi », « froidement », « interrompant Ruy Blas » , tandis que Ruy Blas est « brisé et d’une voix éteinte », « exaspéré » et il chancelle et le regarde « avec épouvante ». Cela montre l’opposition entre les deux personnages, un paraissant être tranquille et l’autre qui s’exaspère profondément. De plus, les didascalies « avec effort » pour Ruy Blas et « nonchalamment » pour Don Salluste, ainsi que « il s’assied dans un fauteuil, et Ruy Blas reste debout » et « Il se couvre. Ruy Blas reste tête nue » soulignent cette opposition entre le comportement des deux personnages. Cela décourage complètement Ruy Blas qui ne parvient même pas à s’exprimer. Cela permet de dégager des traits de personnalité des deux personnages et la relation qu’ils entretiennent et que Don Salluste impose un rapport de supériorité entre lui et Ruy Blas. En effet, Don Salluste profite de cette conversation pour rappeler à Ruy Blas qu’il n’est pas un vrai noble mais un simple valet qui lui a juré obéissance. Le public est pris d’empathie

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