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Phèdre et la tragédie classique

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Par   •  19 Novembre 2012  •  Commentaire de texte  •  2 495 Mots (10 Pages)  •  1 845 Vues

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Phèdre

Phèdre et La tragédie classique

La tragédie que nous appelons "classique" apparaît vers 1630. Une première génération, celle de Corneille, est bientôt supplantée par celle de Racine. C'est un genre extrêmement codifié : une pièce de théâtre en cinq actes et en vers, alexandrins à rime plate. Elle obéit à la fameuse "règle des trois unités" : l'unité d'action tout d'abord, qui suppose une intrigue principale à laquelle peuvent être liées de manière étroite des intrigues secondaires. Dans Phèdre, le personnage d'Aricie est un ajout par rapport à la fable. L'amour des deux jeunes gens, contrarié par la volonté du père (puisqu'Aricie est issue d'une famille ennemie), appartiendrait davantage au registre de la comédie, où les jeunes gens finissent par l'emporter sur les barbons. Cet amour ne pourrait se réaliser qu'en dehors de la scène tragique : la fuite, loin de Trézène, est envisagée à la scène 1 de l'acte V.

"Fuyez vos ennemis et suivez votre époux.

Libres dans nos malheurs, puisque le ciel l'ordonne,

Le don de notre foi ne dépend de personne." (vers 1388-1390)

Mais on n'échappe pas ainsi à la tragédie, la mort d'Hippolyte vient briser ce rêve, et vient rappeler qu'il n'est pas d'issue. D'autre part, le sentiment qui unit les jeunes gens vient contraster fortement avec la passion qu'éprouve Phèdre. La douceur s'oppose à la violence, et l'harmonie à la destruction. Ainsi, l'intrigue secondaire sert l'intrigue principale de deux manières : d'abord, d'un point de vue dramatique, puisque Phèdre apprenant les sentiments d'Hippolyte pour Aricie renonce à détromper Thésée, ensuite sur le plan symbolique, puisque l'amour tendre met davantage en valeur la démesure de l'amour-passion.

L'unité de temps, ensuite : par un souci de vraisemblance, mais aussi de concentration de l'action, la durée fictive de l'intrigue tend à se rapprocher au plus près de la durée reelle de la représentation. Ainsi, la tragédie classique se déroule souvent sur le mode de l'urgence, et même du "trop tard" : dès le début de la pièce, Hippolyte a pris la décision de quitter Trézène, ce sont d'ailleurs les premiers mots de la pièce. Dès sa première apparition, Phèdre a résolu de mourir, et le déroulement de l'intrigue ne fera que retarder et tout à la fois confirmer cette annonce initiale. Enfin, l'unité de lieu dépend étroitement des deux premières : en effet, la durée maximale de l'intrigue, vingt-quatre heures, limite les déplacements dans l'espace, et la concentration temporelle, qui sert le suspens et l'impression d'urgence, est renforcée par la sensation d'enfermement souvent provoquée par l'unité de lieu. On le voit, ces règles qui peuvent au premier abord sembler arbitraires sont en fait au service d'une plus grande intensité dramatique dans le déroulement de la crise.

Enfin, le poète tragique obéit aux exigences de la vraisemblance et de la bienséance. Vraisemblance, parce qu'on ne croit qu'à ce qui est vraisemblable, et que l'adhésion du spectateur à ce qu'il voit est à ce prix. Les caractères des personnages obéissent à une certaine logique interne. Par exemple, toutes les actions d'Oenone sont subordonnées à sa fidélité absolue à sa maîtresse, même si son dévouement s'avère en réalité catastrophique. Quant à la bienséance, elle concourt à la dignité du genre tragique en même temps qu'à son efficacité. Il n'est pas question d'évoquer sur scène des réalités basses ou vulgaires, ni de représenter des actions horribles ou déplacées comme des meurtres. Pourtant, la tragédie est loin d'être un genre mièvre et édulcorée : la lecture du récit de Théramène montrera que l'on évoque par le langage poétique, le supplice d'Hippolyte et l'horreur de son corps démembré, ou la passion dévorante de Phèdre avec toute la force et la violence nécessaires. Finalement, la suggestion prouve son efficacité.

La tragédie s'ouvre sur une crise : dans Phèdre, cette crise est à la fois politique, puisque le roi a disparu, et passionnelle puisque Phèdre aime désespérément son beau-fils. Le faux bruit de la mort de Thésée, en offrant un instant à Phèdre une issue, ne sert qu'à rendre la situation plus inextricable encore lorsque l'on apprendra le retour de Thésée : entre temps, Phèdre aura avoué à Hippolyte son amour, et se trouvera engagée dans un processus infernal dont elle ne pourra se dégager; entre temps, Aricie a rêvé être libre.

Tragique et tragédie

Comme on vient de le voir, la tragédie est un genre littéraire rigoureusement codifié. Il ne faut pas en déduire que toutes les tragédies sont forcément tragiques, ni que le tragique n'existe que dans les tragédies. Le tragiqe ne se confond pas non plus avec une fin malheureuse : certaines tragédies de Corneille se terminent bien, Mithridate de Racine également, d'une certaine manière, et personne ne meurt dans Bérénice.

La faute est l'un des ressorts du tragique : Phèdre se sait coupable et lutte en vain contre sa passion. Thésée se laisse emporter par la colère et attire sur son fils la malédiction divine, qu'il ne pourra ensuite enrayer.Hippolyte, farouche et rebelle à l'amour, est puni de son orgueil, même si ce ressort est moins développé chez Racine que chez Euripide. Quant à Oenone, son dévouement aveugle, excessif à sa maîtresse la conduit à la perdre en voulant la sauver.

La notion de tragique fait également apparaître celle de fatalité. Les personnages sont entraînés dans une logique qui les dépasse. Pour Phèdre, la fatalité a le visage de Vénus, "tout entière à sa proie attachée", et prend la forme de la passion. Une malédiction héréditaire pèse sur l'héroïne. Le verbe latin patior, d'où nous vient ce mot, signifie subir et en effet, Phèdre se présente tout au long de la pièce comme une victime, qui subit malgré elle une loi qui la dépasse et la détruit. Sa passivité est exprimée à plusieurs reprises, lorsqu'elle s'en remet entièrement à Oenone. Cette impression de fatalité est renforcée par le fait que le sujet de la pièce est emprunté à la mythologie : les personnages

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