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Modeste Proposition De Jonathan Swift

Mémoire : Modeste Proposition De Jonathan Swift. Recherche parmi 298 000+ dissertations

Par   •  24 Novembre 2012  •  3 505 Mots (15 Pages)  •  6 735 Vues

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Modeste proposition pour empêcher les enfants d’être à la charge de leurs parents ou de leur pays et pour les rendre utiles au public

Ecrivain irlandais, auteur des « Voyages de Gulliver » (1726), le philosophe Jonathan Swift, sensible à la misère de son pays – au XVIIIème siècle, l’Irlande est frappée par la famine, conséquence de la crise de la pomme de terre – se livre à la défense de es contrées avec des discours où domine la satire politique et religieuse. Swift ne s’attaque cependant pas qu’à la politique du pays, ses satires dénoncent également l’exploitation des paysans, ayant pour but principal de sortir ceux-ci de leur passivité et les inciter à la révolte. Ses dénonciations sont à leur apogée en 1729 quand il écrit la « Modeste proposition », par laquelle l’auteur propose que les pauvres vendent leurs enfants âgés d’un an à ceux qui auront le moyen de s’offrir ce «met délicieux, nutritif et sain ». Cette proposition provocante dénonce l’égoïsme, l’inhumanité et l’injustice de l’économie politique : si les pauvres sont dévorés, au sens figuré, par le gouvernement, les politiques et les riches, autant proposer qu’ils le soient aussi au sens propre. Sur quoi repose l’efficacité de son discours ? Nous verrons d’abord qu’il s‘agit d’un apologue, ensuite nous nous intéresserons aux nombreuses dénonciations de l’auteur, (et enfin nous verrons que le philosophe Swift ressemble beaucoup au philosophe Voltaire ; les Lumières ont-ils tous la même vision, pessimiste, du monde ?).

L’apologue est généralement un court récit à visée argumentative, qui combine donc deux types de discours : le discours narratif et argumentatif. Cependant, est-ce réellement le cas ici ? Il ne s’agit pas d’un court récit – le discours s’étend sur 33 paragraphes, dont certains de 23lignes –, mais l’argumentation est très virulente, notamment grâce à des procédés uniques à l’apologue.

D’abord, cette proposition inconcevable s’appuie sur des fondements irréfutables; il nous faut donc avant tout analyser l’énonciation, l’introduction du discours de Swift qui, comme tout réel apologue, annonce les problèmes qu’il faudra résoudre. La « Modeste proposition » s’ouvre sur un constat, celui de la misère humaine que l’on peut voir sur des routes peuplées de misérables mendiants, tourmentés par la faim et par le froid. La figure allégorique de cette misère est une femme, suivie de ses nombreux enfants « mendiantes, suivies de trois, quatre ou six enfants, tous en guenilles importunant le passant de leurs mains tendues » (par. 1). Cette misère est omniprésente tout au long du discours de Swift et s’étend sans limite sur l’ensemble du pays comme le suggèrent les cinq indications de lieux, montrant d’abord l’Irlande dans son étendue, « cette grande ville », « les campagnes » ; puis dans l’espace restreint de ses rues et de ses habitations, « les rues, les routes et le seuil des masures ». Il est impossible d’échapper au spectacle affligeant de cette pauvreté, que « chacun s‘accorde à reconnaître » (par.2). Le décor est dès lors donné, comment mettre fin à ce problème ? L’évocation d’un « moyen équitable, simple et onéreux » (par.2) donne le ton. C’est ce contraste entre l’ampleur d’un phénomène social désastreux – « chaque jour apporte son lot de mort et de corruption, par le froid, la faim, la crasse et la vermine » (par.19) –, et la désignation d’une solution peu coûteuse et simple qui organise l’ensemble de cette « modeste proposition ». Tout en créant un effet d’attente sur la nature de sa proposition – qui ne sera qu’explicitement donnée au paragraphe 9 –, Swift justifie par tous les moyens possibles le bien fondé de ses recommandations, notamment en détaillant la démarche qui l’a conduit jusque là ; ce que Swift nomme son « projet » (par.5) fait l’objet d’une démonstration rigoureuse qui s’appui sur des calculs – champ lexical du calcul : je déduis (par.6), chiffre (par.6), je retranche (répété deux fois dans le paragraphe 6), tenir compte, il reste donc… L’auteur se base sur des chiffres concrets, rendant ces arguments irrévocables : « étant généralement admis que la population de ce royaume s’élève à un million et demi d’âmes, je déduis qu’il y a environ deux cent milles couples dont la femme est reproductrice » (par.6). Il nous faut maintenant nous approfondir sur ce que désire prouver l’auteur ; l’argument essentiel est que l’enfant pauvre est un fardeau pour ses parents comme pour la société. Les champs lexicaux de la nécessité et de la contrainte – présents tout au long du paragraphe 2 – recouvrent cette idée. Ainsi, les mères « sont forcées de passer leur temps à arpenter le pavé, à mendier la pitance de leurs nourrissons sans défense » (par.1). Le ton ironique est ici déjà discernable ; ce ne sont pas les politiques qui contraignent les mères à mendier, mais des enfants « sans défense », dont le nombre croissant « constitue dans le déplorable état présent du royaume une très grande charge supplémentaire » (par.2). Une fois de plus, il nous est impossible de réfuter sa thèse car son discours est organisé autour d’une logique indéniable, articulée sur le mode de la gradation : on passe de l’opinion exprimée « je pense » (par.2), « mon intention » (par.3), « pour ma part » (par.4), à la certitude : « j’y ai toujours trouvé » (par.4), « il est vrai » (par.4), « telle est donc la question » ( par.6), « qui m’a assuré » (par.6), « j’ai calculé » (par.11)… Cette certitude transparaît également quand Swift suggère que d’autres avant lui n’ont pas été capables d’apporter de solutions ; il présente donc son discours comme le fruit de réflexions longuement mûries « j’ai consacré plusieurs années à réfléchir à ce sujet capital, à examiner avec attention les différents projets des autres penseurs, et j’y ai toujours trouvé de grossières erreurs de calcul » (par.4). Il en appelle même à l’argument d’autorité « un américain très avisé que j’ai connu à Londres m’a assuré… » (par.9) ; ce procédé est de nouveau utilisé au paragraphe 17 « une personne de qualité, un véritable patriote dont je tiens les vertus en haute estime… » : les références sont imprécises, accentuant la tonalité ironique du texte. Enfin, cette autorité atteint son sommet quand Swift feint de dénoncer d’autres propositions que le cannibalisme pour résoudre la question de la pauvreté en répétant le même schéma syntaxique : « d’imposer, de refuser, de rejeter, de remédier, d’implanter, d’apprendre, d’abandonner, de cesser, de faire preuve, d’insuffler…

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