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Lecture Analytique D'un Extrait De La Lettre 81 Des Liaisons Dangereuses De Laclos

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Par   •  25 Septembre 2014  •  3 739 Mots (15 Pages)  •  3 532 Vues

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Lecture analytique → Mme de Merteuil, une héroïne de la dissimulation (Extrait des Liaisons dangereuses, Choderlos de Laclos, 1782, Lettre 81)

Texte-Support : Extrait de la lettre 81 des Liaisons dangereuses : lettre dans laquelle Mme de Merteuil raconte comment elle s’est forgé un masque de « Mais moi, qu'ai-je de commun» à « succéda celui de le goûter». (Choderlos de Laclos-1782).

Problématique :

-En quoi dans une société où la femme est assujettie à l’homme le personnage de Madame de Merteuil apparaît-il ici comme une figure de l’émancipation féminine au XVIIIe siècle ?

Introduction :

Les liaisons dangereuses est un roman épistolaire dans lequel diverses intrigues s’entrecroisent. Par le biais des lettres échangées-reçues chaque personnage prend la parole et devient narrateur et commentateur des différentes intrigues. Au fil des correspondances, le lecteur assiste au progrès des manœuvres et conquêtes des deux libertins le vicomte de Valmont et la marquise de Merteuil qui s’emploient à pervertir des femmes innocentes et chastes. Si Valmont veut séduire Mme de Tourvel, c’est précisément parce qu’elle est mariée, très dévote et vertueuse. Cécile de Volanges est une jeune fille ingénue de quinze ans, à peine sortie du couvent à qui la marquise de Merteuil veut faire perdre sa virginité avant qu’elle n’épouse Gercourt, un de ses anciens amants, dont elle souhaite ainsi se venger. Mme de Merteuil est louée par tous les nobles pour sa vertu, mais l’un d’entre-eux, Prévan, a mis en doute cette sagesse. Mis au défi de séduire Mme de Merteuil, il s’est engagé à la séduire et à tout raconter. L’honneur social et la réputation de la marquise sont en jeu, d’autant plus dangereusement que Prévan est « infiniment adroit ». Dans la lettre 70 Valmont a prévenu la marquise du piège qui allait lui être tendu : « surtout défendez-vous de Prévan ». La marquise entreprend alors de séduire le séducteur et de faire sa proie de celui qui se croit le chasseur. La partie est dangereuse pour la marquise puisqu’il lui faut à la fois sauvegarder sa réputation sociale tout en se jouant de Prévan. Comme Valmont vient à nouveau de manifester son inquiétude de la voir devenir une victime de Prévan et de lui renouveler des conseils de prudence, agacée par ses multiples mises en garde, piquée dans son amour-propre, vexée d’être à ce point sous-estimée, la marquise réagit avec vivacité et lui dévoile tous les rouages de son fonctionnement. Elle abat ses cartes, révèle par quelles armes elle se sait capable d’être maîtresse de la situation. L'extrait proposé se situe au milieu du roman : la lettre 81, envoyée par la Marquise de Merteuil au Vicomte de Valmont, son ex-amant et complice, présente un autoportrait de la libertine, dans lequel elle explique son évolution et son apprentissage du machiavélisme.

Ce texte est fondamental car il donne la clé du caractère de l’un des personnages principaux des Liaisons dangereuses, celui de la marquise de Merteuil une femme singulière qui s’affirme par la dissimulation et le calcul. Pareille attitude peut sembler immorale mais dans une société où la femme est assujettie à l’homme est-il illégitime pour une femme d’avancer masquée? En quoi le personnage de Madame de Merteuil apparaît-il ici comme une figure de l’émancipation féminine au XVIIIe siècle ? C’est ce que nous vérifierons en nous attachant dans un premier temps à étudier le long et exigeant apprentissage que s’impose Mme de Merteuil et qui lui permettra de se façonner un masque. Puis nous analyserons les motifs de révolte qui ont pu conduire la marquise à devenir la femme qu’elle est.

Lecture analytique :

I. Le récit d’une éducation : de l’observation à l’action

a) Une construction de soi par soi et en opposition aux autres :

-Ce que narre Mme de Merteuil à Valmont est le récit d’un apprentissage qu’elle a fait sur elle-même pour devenir la femme qu’elle est aujourd’hui, une femme qui s’est forgée et façonnée toute seule au point qu’elle peut proclamer dès la fin du 1er paragraphe « je puis dire que je suis mon ouvrage» (l4-5).

-Elle s’est prise elle-même comme matériau, un matériau qu’elle a travaillé, comme l’indiquent des expressions comme « je me suis travaillée » (l16) ou « ce travail sur moi-même » (l25)

-Sa lettre traduit une volonté indéfectible de se forger une éducation qui doit lui permettre d’atteindre à une parfaite maîtrise de soi afin de conquérir la liberté et d’échapper à toute domination, notamment masculine.

-La puissance du « je » est d’ailleurs remarquable dès ce 1er paragraphe (« Moi », « je », « m’ », « me », « mes », « mon »), un « je » qui affiche à la fois un orgueil immense et un sentiment de supériorité, un « je » conscient qu’il est différent des autres et notamment de la majorité des femmes. D’où l’omniprésence de la 1° personne dans le texte : non seulement le pronom personnel « moi » est mis en exergue (détachement par virgule) mais il est en outre le 2° mot du texte.

-Notons que ce « moi » est précédé d’un terme d’opposition « mais » qui d’emblée la présente comme un modèle unique. Elle est celle qui s’est donné sa propre éducation et a refusé de se laisser fondre dans le moule destiné aux femmes.

-Tout au long du 1er paragraphe, elle revendique sa différence d’avec les autres femmes et affirme combien elle s’est construite en opposition à elles. La question rhétorique « qu'ai-je de commun » renie tout sentiment d'appartenance, d'identification avec ses semblables et le déterminant démonstratif « ces » dans « ces femmes » (l1) a une valeur dépréciative qui traduit une volonté de mise à distance entre elle et les autres.

- Elle se présente comme une créatrice de principes : « je les ai créés » (l4) et ils « ne sont pas comme ceux des autres femmes » (l.3) : ses valeurs, les fondements de sa personne sont différents.

-Si elle est aujourd’hui maître de sa vie, c’est parce qu’elle a œuvré pour cela en se forgeant une éducation personnelle et elle ne doit ce qu'elle est devenue qu'à elle-même.

b) Les étapes de l’apprentissage : de l’observation à l’action :

On distingue plusieurs étapes dans cette construction de soi. Pour atteindre à la maîtrise de soi, la marquise de Merteuil fait

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