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Le Sublime Aujourd'hui

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Par   •  29 Mai 2013  •  Cours  •  10 118 Mots (41 Pages)  •  1 526 Vues

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LE SUBLIME AUJOURD'HUI : D'UN DISCOURS SUR LE POUVOIR DE L'ART ET DE LA LITTÉRATURE, ET DE SA POSSIBLE RÉÉCRITURE

Les références au sublime sont fréquentes dans le discours philosophique et critique tout à fait contemporain. Ces références ne sont pas homogènes. Elles ont cependant des raisons d'être. Celles-ci ne se lisent pas tant dans l'adéquation de ces références à la création artistique et littéraire du XXe siècle que dans la fonction de ces références : le sublime devient un moyen de disposer ou de ne pas disposer un pouvoir de l'œuvre et de reconnaître que celle-ci dispose ou ne dispose pas, par elle-même, sa propre pertinence. Le sublime serait alors cette référence qui permettrait d'interroger le statut de l'art et de la littérature du XXe siècle, suivant des cadres usuels d'interrogation, mais aussi suivant ce que l'art et la littérature instituent symboliquement. La référence au sublime est le moyen de mesurer ce moment instituant et de le caractériser diversement. Il ne s'agit pas ici de valider les caractérisations contemporaines du sublime, ni de les intepréter, mais de les réécrire suivant leurs implications et de tenir ces implications pour les moyens de préciser le statut de la littérature au XXe siècle, particulièrement selon son jeu avec le commun et suivant le moment de l'instituant symbolique[1]. Les illustrations de ces discours contemporains sur le sublime qui sont ici retenues font système suivant des jeux d'oppositions internes à ce système. Ces oppositions permettent de marquer les contradictions implicites de la pensée contemporaine du sublime et d'indiquer, par là, au prix d'une réécriture, ce que cette pensée désigne à travers sa référence au sublime.

I. DE QUELQUES DISCOURS CONTEMPORAINS SUR LE SUBLIME ET DE LEURS INCONSÉQUENCES

Le discours contemporain sur le sublime est un discours qui veut savoir l'incohérence du traité de Longin[2]. Cela dispose la difficulté à traiter de manière cohérente du sublime. Cela autorise les variations sur le sublime, quelle que soit la constance des rappels de Burke, de Kant, de Hegel. Cette difficulté de la cohérence se lit dans les variations de la définition ou de l'identification des pratiques du sublime chez un même auteur. Ainsi Jean-François Lyotard[3] identifie le sublime, en termes d'histoire de l'art contemporain, tantôt au postmodernisme, tantôt au modernisme, comme il privilégie tantôt la notion de présentation de l'imprésentable, tantôt la notation de la présentation du temps sous l'aspect du maintenant. Ces variations paraissent tout aussi constantes dans l'interprétation qui est fait de l'archéologie — Burke et Kant et, à un moindre de degré Hegel, et encore plus rarement Schiller — de la pensée contemporaine du sublime. Cette archéologie paraît souvent un moyen de réécrire, chez tel auteur, des données de sa réflexion antérieures aux premières références qu'il fait au sublime. Chez Jean-François Lyotard, l'identification du sublime au « Il arrive », à l'événement de l'œuvre, semble être la suite de telle indication de Discours, figure : « Tout art est re-présentatif […] : dans ce sens qu'il est renversant, qu'il renverse les rapports de l'inconscient et du préconscient, qu'il procède à des insertions du second dans le cadre du premier. Ce dernier recrée la différence de l'événement (nous soulignons). »[4] Chez Paul De Man[5], le sublime, qui est identifié, à partir de Kant, à un jeu du performatif contre le cognitif, apparaît comme une réécriture des arguments de Blindness and Insight et de Allegories of reading, autrement dit comme le dessin, en grande partie arbitraire, de l'attribution d'un antécédent proprement philosophique à la lecture du performatif et à l'affirmation du défaut de perspective cognitive du discours — particulièrement littéraire. Chez Theodor Adorno[6], la référence au sublime fait suite à une réflexion sur l'énigmatique de l'œuvre d'art à l'époque moderne ; elle apparaît comme le moyen de restituer à cet énigmatique une propriété de contenu. Ce contenu contredit la forme de l'œuvre : la référence au sublime, à la fois kantien et hegelien, permet de caractériser cette discordance. Chez Fredric Jameson[7], la tardive référence au sublime permet de réécrire la notion d'allégorie et de préciser l'utopie lors même que la notion de possible, reçue de Luckács, est devenue inopérante. Dans ce qui est, chez un philosophe analytique, Stanley Cavell[8], une réécriture, fort paradoxale chez un philosophe analytique, des thèses de la déconstruction, alors placées sous le signe du scepticisme, le sublime est le moyen de donner, à partir d'une philosophie exemplaire de la connaissance, celle de Kant, une caractérisation du défaut de fondation du langage.

Dans le contexte contemporain, il y a bien des manières de caractériser les équivoques que font de tels jeux d'archéologie, de tels jeux de références. Ces jeux traduisent un abandon du nietzschéisme — le sublime défini comme événement, par quoi il y a certainement un renvoi à Heidegger, défait l'hypothèse d'un pouvoir d'action supérieur du sujet. Ces jeux marquent encore l'abandon ou l'amoindrissement d'une pure référence marxiste — Theodor Adorno et Fredric Jameson — puisque, dans l'hypothèse du sublime, l'aliénation cesse d'être pensée en termes de dépossession et devient affrontement avec l'infini du pouvoir. Ces jeux, chez Jean-François Lyotard et chez Paul De Man, traduisent enfin un refus de la norme et de la règle : hors de la norme et de la règle artistiques, la référence au sublime permet de désigner un un principe, de la même manière que l'idée morale de Kant permet de justifier une pragmatique de la moralité sans que cette idée fasse préciser une règle morale. De façon similaire, le performatif exclut la visée cognitive du langage et reste cependant le moyen de reconnaître une pragmatique du langage — un certain jeu réglé du langage.

Dans ce même contexte contemporain, il y a bien des manières de donner un arrière-fond à ces définitions. Cela peut être un arrière-fond heidegerrien — il faudrait ainsi jouer avec la passibilité qui caractériserait le sujet qui perçoit et ressent l'effet du sublime, et la passiblité au sens et à l'ouverture du monde[9], qui sont des réécritures douces de l'ontique et de l'ontologique heideggeriens. Cela peut être un renvoi aux minimalismes artistiques.

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