Cyrano De Bergerac, Critique Spectacle

« Ah ! Messieurs, quel nez que ce nez-là ! ». Pour la première fois depuis plus de trente ans, le nez le plus illustre de France, monte sur la scène de la Comédie-Française, pour nous présenter un Cyrano de Bergerac qui ne manque pas de panache !

Denis Polalydès met en exergue pour la première fois sa fine baguette de metteur en scène, qu’il exerce sur une pièce qui ne se lassera jamais des planches. C’est donc un soir de janvier 2006, salle Richelieu, que se déploie la verve incandescente de Cyrano, interprétée par Michel Vuillermoz. Il donne notamment la réplique à Françoise Gillard, qui incarne la charmante Roxane, éprise du jeune et beau Christian dont Eric Ruf tient le rôle en plus de signer la scénographie de la pièce. Les décors, eux, sont confectionnés par l’atelier de la Comédie-Française.

La pièce de Rostand est un concentré de plusieurs genres théâtraux, représentatifs d’une époque, tels que le baroque et le symbolisme. Ainsi pouvons-nous nous interroger sur la manière dont s’articule la mise en tension de plusieurs époques, et sur l’intérêt que cela apporte à la pièce.

Au XVIIème siècle le mot « baroque », utilisé au sens figuré, désigne quelqu’un/quelque chose de « bizarre, d’extravagant, d’irrégulier ». Qu’y-a-t-il de plus, bizarre, de plus extravagant et d’irrégulier que le nez de Cyrano ? Mais ce genre théâtral a notamment comme spécificité de représenter des éléments antithétiques. Et le personnage principal incarne totalement ce dualisme présent en chacun de nous. Laid et sublime, l’un et l’autre représentés à leur paroxysme.

Mais les clins d’œil au XVIIème siècle ne s’arrêtent pas là. Lorsque Montfleury monte sur la scénette afin d’interpréter la Clorise à l’acte 1, son costume de velours, sa fraise et son maquillage sont autant d’éléments caractéristiques de cette époque. Le talentueux couturier Christian Lacroix, chargé de la création des costumes, est d’ailleurs célèbre pour ses influences baroques. Tout au long de la pièce se confondent alors des costumes et des accessoires anachroniques. Si bien que les bottes de Cyrano, les pourpoints, les fraises, rencontrent en un même espace, costumes de dandys, ou d’aviatrice. Tout cela est fait avec une grande finesse, ne dérogeant en aucun cas à la compréhension de la pièce.

La mise en abyme du premier acte acquiert une nouvelle dimension, grâce à l’écran suspendu, permettant au public d’assister à ce qui était fardé auparavant. Aussi apercevons-nous Roxane lorsque Christian s’écrit « C’est elle ! ». Denis Polalydès, bien qu’en incorporant un élément moderne à la pièce, ne la dénature pas pour autant, puisqu’il reste fidèle aux didascalies de l’auteur.

D’autre part, le metteur en scène, accompagné de son scénographe, ont donnés une ampleur symboliste à la représentation. Eric Ruf conçoit, non sans talent, un siège d’Arras aux allures du célèbre tableau de Géricault, Le radeau de la méduse, afin de signifier aux spectateurs que les cadets de Gascogne sont en perdition. Vont-ils connaître le même destin que les passagers du radeau ? Les coquelicots apaisent cette frayeur et nous inspire un sentiment d’espoir. Les lumières, bougies et ampoules (XVII, XIX), ont une importance capitale. En

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