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Analyse linéaire Scène 2, Cendrillon, Joël Pommerat

Commentaire de texte : Analyse linéaire Scène 2, Cendrillon, Joël Pommerat. Recherche parmi 299 000+ dissertations

Par   •  12 Mai 2024  •  Commentaire de texte  •  1 407 Mots (6 Pages)  •  50 Vues

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Après le prologue qui pose le pacte de réception du spectacle par un public encouragé à ouvrir perception et imaginaire, la deuxième scène tient lieu d’exposition. Le conte débute cruellement par une fin, celle de la mère, qui plonge l’héroïne dans le «très grand malheur» annoncé juste auparavant. La composition de la scène utilise la répétition et l’amplification : les trois vaines tentatives de la mère pour annoncer à son enfant sa mort prochaine provoquent la promesse funeste de la très jeune fille de ne pas la laisser mourir. L’héroïne interprète les événements à sa manière, en contradiction avec les paroles de la mère et le récit de la narratrice. Cette scène où plusieurs voix se mêlent et se contredisent pose le problème de l’interprétation des mots et des dangers de l’imagination, thème majeur de la pièce.

Comment le malentendu entre la mère et la fille révèle-t-il une crise de la communication ?

En quoi ce malentendu initial entre la mère et la fille annonce-t-il les enjeux de la pièce ?

Comment le quiproquo autour de l’annonce de la mort de la mère déclenche-t-il le malentendu à l’origine de la pièce ?

Une scène d’exposition théâtrale qui réinvente le conte :

Des personnages archétypiques. Les personnages correspondent aux archétypes du conte : la très jeune fille, la mère, le père ne sont pas nommés mais désignés par leur fonction dans la famille et caractérisés par un seul trait : la faiblesse de la mère alitée à la voix inaudible, l’effacement du père qui ne parle pas, l’imagination galopante de la très jeune fille. La jeunesse de l’héroïne, soulignée par l’adverbe d’intensité « très », suggère qu’elle est trop jeune pour vivre l’épreuve de la mort de la mère.

Le rôle de la narratrice. La présence de la voix de la narratrice dont le corps n’apparaît pas rappelle l’origine orale du conte auquel elle emprunte la formule introductive « un jour » (comme « il était une fois… »). Narratrice extérieure à l’histoire, sans interaction avec les personnages, elle prend en charge le récit au passé en reliant différents moments fragmentaires de l’histoire. Elle ajoute une épaisseur temporelle par l’usage des temps du passé : l’imparfait itératif souligne la durée de la maladie, le passé simple signale la brutalité de la mort.

Un motif emblématique. Le motif de la mort de la mère est un invariant dans toutes les versions orales du conte de Cendrillon. La scène d’adieu dans la chambre de la mourante dans la pièce réécrite par Pommerat se réfère directement au traitement de ce motif chez les frères Grimm. Mais le thème du malentendu inventé par Pommerat transforme l’histoire originelle du conte, qui tournera autour du deuil et de l’imagination.

Multiplicité des points de vue et malentendu :

L’accès aux pensées cachées de la très jeune fille. L’alternance, originale au théâtre, de dialogue et de récit évite l’univocité du conte (raconté d’une seule voix). La voix de la narratrice décrypte les réactions et les paroles de la très jeune fille, donnant accès à ses pensées secrètes, comme le lecteur d’un roman accède aux pensées des personnages. La narratrice insiste sur l’incapacité de la jeune fille à affronter cette situation traumatisante malgré ses efforts : elle « se sentait obligée de faire comme si elle avait très bien compris ».

Des paroles inaudibles ou incompréhensibles. L’ambiguïté du dialogue est soulignée dans le premier échange, les paroles de la mère, omises dans le texte, sont inaudibles sur scène et donc incompréhensibles pour la très jeune fille, qui s’exclame : « J’entends pas…! Quoi ? » Dans un deuxième échange, les paroles de la mère sont transcrites dans le texte. Mais la mère, après avoir annoncé sa mort de manière directe « je vais bientôt mourir », répète des euphémismes « je vais m’en aller » qui brouillent le sens. C’est un dialogue de sourds. Dans un troisième échange, la très jeune fille prétend répéter les derniers mots inaudibles et non transcrits de la mère. Mais elle les invente et attribue à la mère l’exigence d’une promesse néfaste : « quand je ne serai plus là, il ne faudra jamais que tu cesses de penser à moi ».

Un spectateur témoin du malentendu. Le rôle du spectateur est particulièrement important dans cette scène, puisqu’il décrypte le malentendu. La double énonciation théâtrale place le spectateur en destinataire ultime des répliques de la mère, dont il rectifie la signification avec l’aide du surtitrage. Le spectateur est ce témoin à qui il est demandé de recevoir une autre version, contemporaine, de Cendrillon.

Une réécriture contemporaine et complexe du conte

Un personnage actuel. Joël Pommerat donne du conte une version proche de nous en l’actualisant. Le cadre temporel est flou et la narratrice raconte au passé, mais les dialogues ancrent l’histoire dans notre époque. La très jeune fille s’exprime comme une adolescente d’aujourd’hui avec familiarité : « Ça fait des semaines que t’es couchée ! Tu dois en avoir marre, non ? » demande-t-elle à sa mère sans lui témoigner de déférence. L’oralité est inscrite dans le texte 

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