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Noblesse et défense de l’orthodoxie (XIIIème-XVIIème siècles)

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Par   •  23 Avril 2023  •  Compte rendu  •  1 161 Mots (5 Pages)  •  136 Vues

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COLLOQUE

     
Noblesse et défense de l’orthodoxie (XIIIème-XVIIème siècles)
Rennes le 12 et 13 décembre 2008  


[pic 1]


L’optique générale du colloque a d’abord été définie par un des membres du comité d’organisation, Ariane Boltanski, de l’université Rennes II.
Ces deux journées ont eu pour objet d’analyser l’engagement noble laïc (et non ecclésiastique) dans la défense de l’occident chrétien du 13
ème au 17ème siècle. L’orthodoxie, qui est pourtant un sujet peu évoqué par les historiens n’a pas été le thème central de cette rencontre. Ni la définition, ni l’étude des discours et pratiques des institutions ecclésiales sur l’orthodoxie, qui ont constitué d’ailleurs d’autres projets de recherche antérieurs (entrepris notamment par l‘ Ecole française de Rome), n’a été faite ici.  Il s’agissait d’étudier la nature et le ressort de l’engagement des nobles dans la défense de la foi en mesurant les constantes et variations à travers le temps et l’espace, en prenant évidemment en compte la grande diversité des groupes nobiliaires. L’objectif était d’amener des médiévistes et modernistes de différents pays à travailler ensemble sur cette question, au delà de la rupture chronologique en comparant leurs méthodes, leurs historiographies…
Il fallait ici se demander comment se définissait le processus de défense de l’orthodoxie et comment mettait-on un terme à celui-ci. Est-ce qu’il se mettait en place uniquement lors des « moments de crise » ou existait-t-il des pratiques de défense (sociales et politiques) en dehors de ces moments ?
Dans un deuxième temps, il fallait voir quelles étaient les formes tenus par l’engagement nobiliaire. S’agissait-il d’une pratique sociale ? D’un mode d’expression dévotionnel ? En quoi s’associait-il avec une transformation générale des formes de piété ? Apparaissait-il comme un engagement individuel ou collectif ? Répondait-il à une logique partisane, familiale, statutaire, géographique… ?
Ensuite, il était nécessaire de s’interroger sur les motivations de la défense de la foi et plus précisément sur le degré d’explicitation par ses agents eux-mêmes ou par leurs analystes. Il était à propos de tenter de montrer la temporalité de ces degrés de justification entre temps de l’action et temps de la mémoire. La réalité du lien entre groupes nobles et pouvoir souverain, dans les cas où les groupes nobiliaires eux-mêmes ont entrepris une défense de l’orthodoxie devait être évoquée : l’engagement se faisait-il à coté du pouvoir ou contre lui ?
Le colloque a été organisé en trois parties thématiques.

                                                                               



La troisième intervention a été celle de Pavel Soukup, chercheur à l’Université de Prague, qui a abordé la question du discours nobiliaire autour de la foi à l’époque du hussisme au XVème siècle. Cet exposé a eu pour contexte les querelles de religion qui tourmentent le royaume tchèque au début du XVème siècle, suite à la propagation de la doctrine de Wyclef. Malgré l’exécution de Jan Hus sur le bûcher lors du concile de Constance, les hussites se renforcent à Prague et parmi les nobles. Le roi de Bohème Sigismond qui se pose en tant que défenseur de la foi catholique entreprend alors une croisade contre les hussites et assiège Prague en 1420. Il y subit une cinglante défaite malgré une supériorité numérique des croisés. Voyant en cela les signes de la faveur divine, l’attitude des nobles hussites se radicalisent : ils entreprennent une contre offensive immédiate afin d’élargir leur domaine sur les catholiques favorables à Sigismond et fondent une ligue des villes hussites. La diète qui se tiendra à Tchaslaw en juin 1431 ainsi que les quatre articles dits de Prague, témoignent de la volonté de ces représentants de la noblesse de défendre la doctrine orthodoxe contre le souverain qui l’enfreint. Cependant, cette motivation religieuse n’aura pas la même intensité chez chacun, et certains représentants de la noblesse ne voient pas cette guerre d’un même œil : un des articles de Prague, prévoyant la déposition de Sigismond du trône, sera un des points de friction de la noblesse hussite qui se divisera désormais entre radicaux et modérés. Si pour certains nobles, la lutte contre l’hétérodoxie doit être menée jusqu'au tarissement de sa source, pour d’autres, bien qu’elle leurs permette d’arracher quelques terres au roi Bohème, il n’est guère question de trahir le serment de fidélité qu’ils lui ont prêté en 1419.
La question de la noblesse anti-hussite a aussi été traitée. Les électeurs qui n’avaient pas assistés à la diète de Tchaslaw  vouaient eux aussi une haine tenace aux hérétiques hussites. La guerre sainte contre eux était perçue comme un « tournoi spirituel » qui pouvait conduire au degré suprême de la chevalerie. Sigismond essaya alors de concrétiser cette rhétorique idéaliste en tentant de les rallier à sa croisade. Mais malgré quelques attaques des électeurs rhénans qui avaient précédemment résistés contre les hussites au printemps 1421, la lutte anti hussites fut négligée par les nobles. L’intérêt corporatif cristallisait en fait la conscience nobiliaire dans les associations interrégionales et la guerre sainte fut en réalité un échec.



Ces remarquables contributions nous ont montrées la richesse et la difficulté de la problématique qui est celle de l’engagement de la noblesse laïque dans la défense de l’orthodoxie du XIIIème au XVIIème siècle. On a pu le voir, la noblesse et l’orthodoxie, loin d’être « des blocs de granits », s’entremêlent constamment dans un mouvement de fusion qui revêt des formes multiples et variées.
Quelque soit le jugement que l’Eglise porte sur leur propre orthodoxie, les nobles se perçoivent tous comme des défenseurs de la foi, et seule l’intensité de cet engagement semble différer selon les cas.  
On a pu voir également qu’il est impossible, de distinguer ce qui relève de la motivation politique et religieuse dans la défense de la foi. Ces deux concepts ne sont en effet ni distingués ni utilisés à cette époque : ce que nous décririons volontiers comme une action politique est toujours teintée d’une motivation religieuse sous-jacente, étant donné que la conscience de chaque individu de cette société entièrement chrétienne est déterminée par la foi. Inversement, on a pu observer dans la plupart des communications que la défense de la foi sert largement de prétexte pour des ambitions politiques : l’exemple de la transformation d’affrontements civils en procès religieux couverts par le duc de Bourgogne lors de la Grande Vauderie d’Arras illustre assez bien ce point.
Une des conclusions essentielle de ce colloque est de voir comment les monarchies sont parvenues à faire du noble défenseur de l’orthodoxie, un magistrat encadré dans cette même tâche par le pouvoir royal : les interventions sur le processus de confessionnalisation l’ont assez bien montré.

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