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La peur : présentation générale

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Par   •  5 Mars 2023  •  Cours  •  4 180 Mots (17 Pages)  •  124 Vues

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LA PEUR : PRESENTATION GENERALE

I – DEFINITION ET PROBLEMATIQUES

1. La peur peut-elle être politique ?

Le nouveau thème de questions contemporaines ne porte pas sur un objet d’étude classique en sciences sociales (comme le furent « La religion », « L’école » ou « Le travail ») ou sur des enjeux éminemment politiques (« Les révolutions », « Les radicalités », « La démocratie »). En effet, il s’agira cette fois d’étudier une émotion, ce qui ne relève a priori pas du domaine de la science politique ou, plus largement, des sciences sociales. Décrire la peur revient en premier lieu à détailler des phénomènes physiologiques. La peur naît dans notre cerveau, et plus précisément au niveau de l’amygdale. Lorsque nous percevons un danger, celle-ci stimule l’hypothalamus qui va, à son tour, activer nos voies nerveuses et sanguines. Le corps se trouve alors mobilisé pour réagir : le rythme cardiaque s’accélère et les muscles se tendent. La mobilisation des organes augmente la chaleur corporelle, ce qui provoque transpiration, frissons ou encore humidification des mains1. C’est la raison pour laquelle tant d’expressions courantes relient la peur à des marqueurs corporels. Nous avons « la peur au ventre », la peur vient « nous glacer le sang » ou nous donne des « sueurs froides ». Cependant, cette rapide description de la peur relève de la biologie, et non des sciences sociales. Peut-être devons-nous alors nous intéresser à ce qui crée la peur chez l’individu. Pourtant, une nouvelle difficulté apparaît : toute peur doit-elle faire l’objet d’une attention particulière ? L’arachnophobie, l’agoraphobie, la claustrophobie, ou encore l’émétophobie sont des peurs - parfois des peurs paniques - qui relèvent davantage de la pathologie que du champ d’étude des sciences sociales. Phénomène biologique, psychologique, voire pathologique, la peur ne semble donc pas liée au politique. Pourtant, elle apparaît très vite lorsqu’il s’agit de décrire des régimes autoritaires, tyranniques ou dictatoriaux. D’une intensité plus forte encore, les régimes totalitaires instaurent une véritable atmosphère de terreur, et chacun peut se sentir menacé non seulement par le pouvoir en place mais également par tous ceux qui l’entourent. C’est cette idée que soulève Georges Orwell dans son roman 1984 dans lequel il décrit le contrôle exercé par l’Etat mais aussi par la population elle-même :

« Presque tous les enfants étaient maintenant horribles. (...) Ils adoraient le parti et tout ce qui s’y rapportait : les chansons, les processions, les bannières, les randonnées en bandes, les exercices avec des fusils factices, l’aboiement des slogans, le culte de Big Brother. C’était pour eux comme un jeu magnifique. Toute leur férocité était extériorisée contre les ennemis de l’État, contre les étrangers, les traîtres, les saboteurs, les criminels par la pensée. Il était presque normal que des gens de plus de trente ans aient peur de leurs propres enfants. Et ils avaient raison. Il se passait en effet rarement une semaine sans qu’un paragraphe du Times ne relatât comment un petit mouchard quelconque – « enfant héros », disait-on – avait, en écoutant aux portes, entendu une remarque compromettante et dénoncé ses parents à la Police de la Pensée. »

Georges Orwell, 1984, Gallimard, Paris. 1950

Le lien entre peur et pouvoir politique constitue un point d’entrée évident dans ce thème. La peur doit-elle cependant être uniquement analysée à travers le prisme du pouvoir dictatorial ? Peut-on la retrouver dans une démocratie ? Si les institutions présentes dans une démocratie (la police, la justice etc.) peuvent inspirer une forme de crainte chez les citoyens2, l’Etat de droit doit garantir une protection aux individus par la loi contre le pouvoir et ses excès. En démocratie, ceux qui exercent le pouvoir politique ne sont donc en principe pas censés inspirer la peur chez les citoyens. Où peut-on donc trouver la peur dans un régime démocratique ? Il est d’abord possible de la trouver dans les discours des hommes et femmes politiques. Prenons à titre d’exemple le discours d’investiture à la présidence des Etats-Unis de Franklin Roosevelt en 1933 : « Permettez-moi d’affirmer ma ferme conviction que la seule chose dont nous devons avoir peur est la peur elle-même – l’indéfinissable, la déraisonnable, l’injustifiable terreur qui paralyse les efforts nécessaires pour convertir la déroute en marche en avant ». Cette citation s’inscrit dans un contexte bien particulier : Le pays est plongé dans la Grande Dépression, une crise économique débutée en 1929 qui s’est traduite par une chute du Produit Intérieur Brut et une explosion du chômage. Repousser la peur permet ensuite à F. Roosevelt d’annoncer les grandes lignes du « New Deal », un vaste plan de dépenses publiques ayant pour but de relancer l’activité économique.

Dans cette citation, il est question de la peur du peuple et non celle du représentant politique. Cela renvoie ainsi à un imaginaire très fort : la peur n’est jamais du côté de celui qui gouverne. C’est ce que rappelle Renaud Payre dans l’introduction à l’ouvrage L’exercice de la peur. Usages politiques d’une émotion : « Si l’émotion de la foule fait advenir un collectif et lui donne une consistance, l’émotion du gouvernant est forcément compensée par une forme de tranquillité affichée. Il se gouverne pour mieux gouverner »3. Pourquoi la peur n’est-elle pas celle du gouvernant ? Car il s’agit d’une émotion que l’on perçoit de façon négative. La peur nous fait trembler et nous paralyse et c’est tout l’inverse de l’image que souhaite transmettre le pouvoir politique. Il voudra davantage se présenter comme étant lucide, serein, confiant, et si la peur devait le traverser, il s’affichera davantage comme étant « prudent » ou « précautionneux ».

Etudier la place de la peur en démocratie ne doit cependant pas être limitée à l’analyse des discours d’hommes et femmes politiques. Il convient dès lors de chercher à identifier ce qui nous fait peur et pourquoi. Le « nous » est ici important car il ne s’agit plus seulement d’une peur, d’un individu, mais bien d’un sentiment qui peut être largement partagé au sein de la société. Toujours dans l’introduction à l’ouvrage L’exercice de la peur, Renaud Payre rappelle que « la colère, l’indignation, la peur, la joie sont autant d’états affectifs, d’expériences subjectives, éprouvés individuellement mais qui peuvent concerner le collectif et, de ce fait, la politique ». C’est donc parce qu’elle engage le collectif que la peur devient un sujet politique, appelant à la prise de décisions.

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