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Archéologie gallo-romaine : chronologie de la taille de pierre

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Par   •  24 Janvier 2018  •  Cours  •  5 575 Mots (23 Pages)  •  642 Vues

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Université de Bourgogne-Franche-Comté

2017-2018 – Sciences Humaines – Histoire de l'Art et archéologie

Productions artisanales – TD 1 (2h) – Pierre-Antoine Lamy

Approche chronologique de la taille de pierre

        À la conquête romaine, l'artisanat de la pierre n'est pas un phénomène totalement nouveau dans les Gaules, car elle connaît des manifestations qui bien antérieures. Il est par ailleurs important de mettre ces données en relation avec un cadre plus large : celui de l'exploitation de la pierre, de la Protohistoire au Bas-Empire. Commençons par quelques repères historiques sur la pierre de construction.

I. L'exploitation de la pierre à bâtir en Gaule : repères historiques

        Avec la conquête romaine s'est développé un important besoin en matériaux de construction pérennes. Fondations de villes nouvelles et monumentalisations ont conduit à l'ouverture de carrières. Un exemple précoce et célèbre est celui de la construction des remparts honorifiques d'Augustodunum. Le seul chantier de la nouvelle capitale éduenne a dû conduire à une consommation de pierre sans précédent qui s'est certainement reflétée dans les volumes extraits en carrières.

        Toutefois, même à la fin du Ier s. avant notre ère, l'exploitation de la pierre n'est pas un phénomène nouveau. Les contacts anciens avec les populations helléniques avaient déjà favorisé l'introduction de modes de construction et de techniques propres au travail de la pierre[1]. Ainsi, sur la côte méditerranéenne de la Gaule, et dès la fin du VIIe s. av. J.-C., les Grecs ont exploité des carrières pour approvisionner leurs villes ; dans certains cas, les Romains ont même repris l'extraction[2]. Il s'agit alors des premières exploitations en Gaule, et pendant près de cinq siècles, il ne semble pas que les populations locales ou plus lointaines aient cherché à imiter leurs nouveaux voisins. Plus tard, durant la Tène D, les besoins en pierre de construction vont connaître un net développement au sein des établissements gaulois, et notamment dans l'habitat. On en a pendant longtemps douté, mais le phénomène est désormais évident avant même la conquête césarienne, comme l'atteste l'emploi de moellons dans certaines habitations d'Alésia[3]. Hors de la Bourgogne, un même constat peut être opéré, tout en gardant à l'esprit le peu de comparaisons possibles entre volumes extraits et consommés avant et après la conquête. Marseille et la Narbonnaise font figure de pionnières en matière de consommation de pierre de taille dans les habitations. Ici encore, on invoque habituellement l'installation précoce des Phocéens et leurs contacts ininterrompus avec le monde hellénistique[4]. Plus marquant peut-être, l'érection des fortifications de type murus celticus a sans doute impliqué un approvisionnement organisé et important, du point de vue des moyens déployés comme des volumes de matière première dégagés. Les remparts de Vertault[5], bien que difficiles à dater précisément, doivent précéder ou suivre de peu la fin de l'indépendance. Il en va de même pour les fortifications d'Alésia[6], datables de la deuxième moitié du Ier s. av. J.-C. Les remparts de Bibracte sont plus anciens, car la première étape de fortification peut aujourd'hui être datée de la fin du IIe s. av. J.-C.[7].  Les enceintes de Vernon (Eure) et de Saverne (Bas-Rhin) sont érigées à la même époque[8]. Pourtant, et malgré ces preuves d'une consommation accrue en pierre à bâtir en Gaule durant La Tène finale, une idée tenace depuis C. Jullian est que les Gaulois se contentaient d'exploiter soit des pans rocheux détachés naturellement, soit des dépôts facilement accessibles[9]. Il est peu vraisemblable que tous ces sites fortifiés aient eu à proximité des gisements superficiels suffisamment importants pour fournir toute la matière première. Les preuves manquent encore, mais leur absence ne doit pas être prise comme le signe indubitable de l'incapacité des Gaulois à exploiter la pierre en carrières, même sous des formes différentes de celles des Grecs et des Romains. Il existe en effet des alternatives aux exploitations à ciel ouvert et en bancs, ou souterraines et en galeries. La transformation d'un pan de falaise en front de taille, par exemple, nécessite un outillage et une logistique fondamentalement peu différents de ceux d'une exploitation en bancs. En outre, il faut rappeler la fragilité des vestiges laissés par une carrière ancienne.

        

        En l'absence de données de terrain solides, il faudra donc se borner à constater que l'ouverture de carrières dans les Trois Gaules est un phénomène qui n'existe indubitablement qu'à partir de la conquête romaine[10]. Ce constat peut par ailleurs s'opérer dans l'ensemble des provinces occidentales, dans le triangle compris entre le Danube, la Bretagne et la Lusitanie ; systématiquement, l'implantation romaine entraîne un essor inédit de la consommation en pierre[11]. Sur le Rhin, l'extraction devient particulièrement importante à partir du règne des Flaviens, après les constructions en pierre sous Claude de Novaesium, Vetera et Bonna ; plus largement, ce constat doit être étendu au nord-est de la Gaule[12].

        L'essor de l'exploitation de la pierre n'est pas spontané, mais participe aussi d'une ambition impériale. D’une façon générale, on connaît assez bien l’investissement de l'empereur, et ce dès l’époque julio-claudienne, dans la gestion des carrières les plus réputées, à l’image des carrières de marbre de Carrare, de Paros, de Pannonie ou encore de Simitthus (Chemtou)[13]. Auguste lui-même pourrait être à l'origine de cette politique de contrôle[14]. Après lui, les carrières les plus importantes de l’Empire entrent progressivement dans le patrimonium Caesaris[15]. On sait par ailleurs, toujours dans le cadre de carrières impériales, que les légions pouvaient intervenir directement dans l’extraction ; ce fut le cas dans les carrières de Brohl, sur le Rhin, exploitées par des légionnaires avant 70 de notre ère[16]. L'époque hadrianique voit aussi une nouvelle hausse de la demande en marbres, ce qui a pour conséquence l'ouverture de nouvelles carrières contrôlées par l'État[17], à l'image de la carrière de Saint-Béat[18]. Mais l’action directe d’un fonctionnaire impérial n’est pas l’unique cas de figure ; il se peut, comme un certain nombre de mines relevant du fiscus, que la carrière appartenant au patrimonium Caesaris soit indirectement exploitée par des fermiers. La question est alors de déterminer leurs droits et différents fermages, et la répartition de la vente de la production entre les domaines privé et public. Pour les carrières de moindres importances que celles citées précédemment, et notamment les carrières des Gaules, on doit considérer que c'est au travers de ce système qu'elles étaient contrôlées par des villes ou par des  particuliers. Enfin, il est plus intéressant encore de constater des basculements dans la gestion des carrières, comme dans celles de Locuon (Morbihan), de La Lie et de Saint-Boil (Saône-et-Loire) : ouvertes en vue d'un chantier important, l'exploitation, dans un premier temps assurée en partie par l'armée, a été reprise ensuite par des équipes plus réduites et pour un approvisionnement plus modeste[19]. Ce phénomène est attesté pour la carrière de Saint-Boil à la fin de la période antonine[20]. Au IIIe s., les besoins en pierre de construction ont été moindres, mais la production de sarcophages a connu un développement sans précédent qui a perduré au cours du siècle suivant[21]. Toutefois, du règne de Gallien à celui d'Aurélien, la construction de fortifications a nécessité une importante quantité de matériaux ; si beaucoup sont des remplois, des blocs ont été taillés pour l'occasion, et des carrières ont connu une nouvelle exploitation durant un temps[22]. On le voit en particulier pour le seul cas du castrum de Sens, où nombre de blocs sont des membra disjecta de monuments démontés précédemment, mais des blocs ont aussi été extraits « de frais » pour compléter l'appareil monumental.

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