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Le regard aveugle

Dissertation : Le regard aveugle. Recherche parmi 298 000+ dissertations

Par   •  24 Mars 2024  •  Dissertation  •  1 205 Mots (5 Pages)  •  40 Vues

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"Quand je marche, je me dissous dans le collectif"[1] - Lygia Clark

Si nous interprétons la phrase de Lygia Clark en fonction du texte d'Hubert Godard ‘Le regard aveugle’, nous pourrions dire que son expérience de "dissolution dans le collectif" en marchant consiste en une sensation que nous éprouvons lorsque nous passons de ce que Godard appelle un "regard objectif" à un "regard subjectif". Dans ce qui suit, je clarifierai les deux concepts afin de mieux comprendre son expérience corporelle et je donnerai des exemples où j'ai eu l'occasion d'expérimenter cette sensation dans ma pratique artistique.

Dans l'interview sur ‘Le regard aveugle’ Hubert Godard distingue deux types de regard : le regard objectif et le regard subjectif. Le regard objectif est focal, c'est le regard que nous utilisons pour identifier et nommer les objets que nous voyons. C'est un regard qui analyse, interprète et est associé au langage, chargé de donner un sens aux informations visuelles que nous recevons. Au niveau anatomique, cette vision se produit dans la région corticale qui remonte vers le cerveau, c'est un œil convexe, externe, qui se projette dans l'espace.

En revanche, le regard subjectif est périphérique, c'est-à-dire qu'il reçoit des informations sur les formes et les volumes, mais pas d'images concrètes. Il ne nous permet pas de savoir distinctement ce que nous voyons, ni de donner un sens à ce que nous recevons. Néanmoins, elle nous donne la possibilité de reconnaître des dangers spatiaux sans analyser l'image, comme si nous étions fondus dans le contexte. Bien qu'elle ne nous rende pas capables de concrétiser un objet ou un sujet, elle nous donne une conscience spatiale. Par exemple, ce serait la capacité que nous avons de détecter qu'une voiture arrive lorsque nous traversons un passage piéton, même si nous ne la regardons pas directement. Au niveau anatomique, il est situé dans la région sous-corticale qui fonctionne avec l'oreille interne (vestibulaire) au service de l'orientation spatiale. C'est pourquoi il nous permet également de contrôler notre posture. Il s'agit d'un œil concave, interne, qui reçoit des informations en provenance de l'espace. C'est ce que Godard appelle le "regard aveugle".

En réalité, ces deux regards fonctionnent souvent en même temps et nous passons de l'un à l'autre involontairement. Mais en tant que professionnels de la pratique et de la perception corporelles, nous devons être conscients que ces deux regards nous donnent deux types très spécifiques de tonicité corporelle et, par conséquent, deux qualités de mouvement très différentes. En tant que danseurs, nous pouvons les utiliser à notre avantage, selon le type de mouvement qui nous intéresse. Il est important de les connaître et de savoir comment les activer ou les omettre en fonction de nos intentions, car ils peuvent grandement bénéficier à notre expression corporelle. Cette capacité est appelée "hapticité du regard", c'est la possibilité de modulation entre l'œil concave et l'œil convexe. L'idéal est de savoir faire des allers-retours entre un regard objectif et un regard subjectif.

Pendant les cours de la matière Analyse du Mouvement, nous avons fait différentes pratiques où j'ai réalisé qu'il est possible de travailler sur le regard à partir de multiples perspectives. Je vais maintenant expliquer deux exercices de perception visuelle que nous avons faits dans le cours (l'un au premier semestre et l'autre au second) pour comprendre comment la théorie de Godard est ressentie dans le corps.

Au cours du premier semestre, nous avons fait un exercice en binôme. Une personne du couple devait prendre un objet facile à manipuler avec ses mains et l'autre personne devait suivre le mouvement de l'objet avec son regard. Ensuite, ils ont continué à suivre l'objet visuellement, en essayant de ne pas bouger la tête. Ces deux modalités mettent en pratique le regard focal et objectif, tandis que la dernière pratique consiste à appliquer un regard périphérique, subjectif, en essayant de ne pas perdre de vue l'objet dans le champ de vision, mais sans le suivre du regard, en ouvrant le regard à l'espace. J'ai été particulièrement frappée par cette dernière façon de prêter attention à l'objet sans le regarder directement, car il s'agit d'un type de concentration très intéressant. En défocalisant l'objet, tout ce qui m'entoure devient beaucoup plus présent, tous les détails de la pièce que je n'avais pas pu voir auparavant, ainsi que le reste de mes compagnons. J'avais l'impression de voir et de percevoir beaucoup plus et de manière beaucoup plus détaillée, à la fois l'objet et son environnement.

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