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Commentaire d’arrêt : 21-12-2018 n° 402006, Sté Croë Suisse

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Par   •  12 Mai 2024  •  Commentaire d'arrêt  •  1 817 Mots (8 Pages)  •  21 Vues

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Commentaire d’arrêt : 21-12-2018 n° 402006, Sté Croë Suisse

La jurisprudence fiscale française est riche d'exemples où l'administration fiscale cherche à remettre en cause les choix de gestion des entreprises, notamment en matière d'évaluation des actifs et des opérations de cession. L'arrêt du Conseil d'État du 21 décembre 2018, Sté Croë Suisse, offre une illustration intéressante des critères utilisés par la juridiction administrative pour déterminer si un acte de cession constitue un acte anormal de gestion et pour évaluer la valeur vénale des titres cédés.

Dans les faits, une société résidente fiscale suisse, a cédé la totalité des actions de cette société, dont l'actif est principalement un bien immobilier à une personne physique résident fiscal russe. La plus-value réalisée lors de cette cession a été soumise à l'impôt sur les sociétés en France. L'administration fiscale française a contesté la valeur des actions cédées et réintégré dans le résultat imposable de la société l'écart entre le prix de cession et la valeur vénale qu'elle a déterminée.

La société cédante a demandé au tribunal administratif de Montreuil la décharge de ces impositions et des majorations correspondantes. Le tribunal a partiellement fait droit à cette demande en jugeant que l'administration n'était pas fondée à remettre en cause le prix au mètre carré retenu pour l'évaluation du bien immobilier. La cour administrative d'appel de Versailles a réformé ce jugement en rétablissant les cotisations d'impôt sur les sociétés et la contribution sociale, tout en déchargeant la société des retenues à la source. La société requérante a formé un pourvoi en cassation contre cet arrêt.

La société cédante soutenait que la cession des actions n'était pas un acte anormal de gestion et contestait l'évaluation de la valeur vénale des actions par l'administration fiscale. De plus, l'administration fiscale estimait que la cession avait été réalisée à un prix inférieur à la valeur vénale des actions et constituait un acte anormal de gestion. Le tribunal administratif a jugé que l'administration n'était pas fondée à remettre en cause le prix au mètre carré retenu pour l'évaluation du bien immobilier. La cour administrative d'appel de Versailles a confirmé l'évaluation de l'administration fiscale et rétabli les cotisations d'impôt sur les sociétés et la contribution sociale, tout en déchargeant la société des retenues à la source.

Le problème de droit posé dans cet arrêt est de savoir si la cession des actions par la société constitue un acte anormal de gestion, et si l'évaluation de la valeur vénale des actions cédées par l'administration fiscale est fondée qualifier cette cession d’acte anormal de gestion.

Le Conseil d'État a annulé l'arrêt de la cour administrative d'appel de Versailles en considérant qu'elle avait commis une erreur de droit en jugeant qu'il n'y avait pas lieu de tenir compte de l'illiquidité des titres cédés pour évaluer leur valeur vénale. Le Conseil d'État a donc estimé que la cour administrative d'appel avait incorrectement apprécié les critères d'évaluation de la valeur vénale des actions et n'avait pas correctement analysé la notion d'acte anormal de gestion.

La problématique générale émanent de l’arrêt est la suivante : Dans quelle mesure les critères permettant d'évaluer la valeur vénale des titres cédés dans le cadre d'une cession d'élément d'actif immobilisé permettent de qualifier un acte anormal de gestion ?

Le Conseil d’Etat pose l’hypothèse un acte anormal de gestion (I) en utilisant un procédé qui pose une présomption d’acte anormal de gestion (II).

  1. L’hypothèse d’un acte anormal de gestion

Le Conseil d’Etat émet l’hypothèse d’un acte anormal de gestion en validant le critère fondé sur la différence de valeur entre le prix de cession et la valeur réelle (A). Cette hypothèse est validée et a pour conséquent de faire d’alléger la charge de la preuve de l’administration fiscale (B).

  1. Le critère de différence entre la valeur réelle et le prix de cession

Le Conseil d’Etat (ci-après CE) rappelle la définition d’un acte anormal de gestion en affirmant : « Constitue un acte anormal de gestion l'acte par lequel une entreprise décide de s'appauvrir à des fins étrangères à son intérêt. ». Par la suite, le CE s’appuie sur le critère soulevé par l’administration fiscale : il s’agit de la différence de valeur entre le prix de cession et la valeur réelle du bien immobilier qui constitue l’actif immobilisé principal de la société et par conséquent estime que le prix de cession est trop inférieur à la valeur réelle du bien au regard de celui de l’actif immobilisé. Le CE confirme que ce critère peut permettre de qualifier un acte anormal de gestion.

La position du CE est défendable. L’acte anormal de gestion nécessite un appauvrissement contraire à l’intérêt social. Or, en l’espèce, il y’a bien un appauvrissement au regard de ce critère. Par-dessus tout, cet appauvrissement ne semble pas conforme à l’intérêt social. Par conséquent, le raisonnement du CE est de ce point de vue convaincant.

Il est toutefois possible de critiquer la prise en compte de ce critère. En effet, un actif immobilier est présent dans le patrimoine de la société. En l’espèce, il s’agit d’une cession de part social. Il ne s’agit pas d’une cession du patrimoine de la société. Par conséquent, il est aisé de remettre en doute ce critère. Ainsi, ce critère doit être effectué au regard de la valeur des parts sociaux même si in fine le patrimoine social aura une incidence sur le prix.

Et même dans l’éventualité où l’on admet qu’il est bien pensé de prendre en compte ce critère, il ne faut donc pas se limiter à celui-ci. De manière générale, il ne faut pas se limiter à l’actif de la société. Il faut également prendre en compte le passif de la société. Le CE semble s’aligner sur cette idée en expliquant qu’il fallait également prendre en compte l’illiquidité des titres. En effet, L'illiquidité des titres cédés fait référence à la difficulté ou à l'impossibilité de vendre rapidement ces titres (actions, obligations ou autres instruments financiers) sur le marché sans affecter significativement leur prix. L'illiquidité peut être due à divers facteurs, tels que le manque d'intérêt des investisseurs, la faible fréquence des transactions, la complexité des titres ou l'absence d'un marché secondaire bien établi pour ces titres. Ainsi, c’est à juste titre que le CE a affirmé qu’il fallait prendre ce critère en compte.

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