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Par   •  20 Janvier 2016  •  Fiche  •  2 130 Mots (9 Pages)  •  630 Vues

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Le présent article s’appuie sur deux études récentes dont l’une est à paraître.1 Il propose toutefois, de façon spécifique, une approche évolutive du « métier » de journaliste dans la presse quotidienne. La réflexion s’appuie sur les discours des contemporains qu’elle confronte aux « pratiques » des milieux journalistiques. Les profondes mutations, notamment techniques, qui marquent le monde de la presse au cours de la période évoquée jouent en effet un rôle majeur dans la définition du métier « d’écrire au quotidien », en voie de professionnalisation, et dans la construction identitaire de ceux qui l’exercent.

2Avec la tribune des Chambres et celle du barreau, les salles de rédactions constituent l’un des trois « lieux de parole » du régime parlementaire. « Rédacteurs » ou « gens de lettres », selon la terminologie qui désigne le plus souvent les « journalistes » avant 1830, ont la mission de rendre publics les débats de la Cité. Ils doivent s’acquitter de leur tâche avec éloquence et brio, de préférence en polémistes. Du point de vue stylistique, les métaphores guerrières abondent : il s’agit de manier la plume comme jadis les chevaliers l’épée.2 La tradition du duel s’est d’ailleurs longtemps maintenue dans les milieux de presse.3

3Mais, dès avant 1830, des auteurs opposent « l’art », ce domaine réservé à quelques happy few en quête de distinction s’adressant à un public d’élite, et la « littérature mercantile » journalistique dédiée aux « masses », travaillées par un « besoin de lecture et d’instruction».4 En 1840, Honoré de Balzac se désole que le nom de « Publiciste… jadis attribué aux grands écrivains comme Grotius… Montesquieu…» désigne désormais « les écrivassiers qui font de la politique. Et parmi eux, « le Journaliste ».5

4Pour les plus conservateurs, les journalistes - qui se vantent de « vulgariser » et promeuvent « la démocratie » - tuent « les écrivains », au risque de rabaisser « le principe de l’intelligence ». Le « despotisme de la presse », lit-on encore dans les années 1860, a anéanti toute autre forme de publicité. 6

5Émile de Girardin, lorsqu’il fonde La Presse en 1836, est l’un des premiers à inverser l’argumentaire. Et de saluer, au contraire, le rôle du journaliste qui commente le présent, réfléchit à l’avenir et, à ce titre, veut se rendre intelligible dans l’intérêt général. Même si la lecture de La Presse révèle en vérité un style toujours complexe, des phrases longues, une sorte de « code herméneutique », son directeur-fondateur n’en reste pas moins l’un des premiers à s’opposer à la fois au style artiste et au « journalisme d’idées ».7 Le Siècle d’Armand Dutacq, organe concurrent fondé la même année et sur les mêmes bases, met davantage ce type de principes en pratique. De centre-gauche, son quotidien va chercher à plaire à un public petit-bourgeois, anticlérical et exclu du suffrage censitaire.8 Au final, autant Girardin que Dutacq exigent de leurs rédacteurs qu’ils adaptent leur message au lectorat afin, ajoutent les critiques acerbes, … de vendre toujours plus et de plaire à leurs actionnaires !

6C’est à partir de cette date – en partie symbolique - que les contemporains parlent de « littérature industrielle » à propos de la presse quotidienne, selon le mot de Sainte-Beuve (dans La Revue des deux Mondes, 1er septembre 1839).9

7Dans les faits, le distinguo n’est pourtant pas clair entre l’un et l’autre genre. Balzac et Sainte-Beuve (parmi d’autres contempteurs…), ont tous pratiqué le journalisme en professionnels, qui rédacteur, qui entrepreneur de presse. Au cours des premières décennies du siècle, ce sont souvent les mêmes « gendelettres » qui publient des œuvres (voire des œuvrettes) et remplissent les colonnes des quotidiens. La fiction se mêle alors au compte rendu de « l’actualité », d’ailleurs bien relative (il faut quatre jours à un « quotidien » pour parvenir de Paris à Marseille avant 1850). Inversement, des « informations » véridiques sont insérées dans la trame des récits de type romans-feuilletons10.Moïse (dit Polydore) Millaud, avec Le Petit Journal qu’il crée en 1863, porte à son apogée le fait divers dont les descriptions empruntent à des formes d’écriture typiquement littéraires.

8Les propos méprisants à l’encontre de « l’écrivain au quotidien » restent cependant la norme avant 1880. Dans leur célébration de l’homme de lettres, créateur solitaire, beaucoup dénigrent le journaliste « fonctionnaire », attaché à une rédaction. Marc Martin a montré combien ce discrédit, « étonnant quand on voit l’importance de l’industrie (de la presse) », doit à « l’écart entre la position des journalistes dans la société et les aspirations de la France bourgeoise du milieu du XIXème siècle ». Grande est alors la valorisation des arts et des lettres, particulièrement dans la presse où l’actualité culturelle occupe une place de premier plan. Les lois sur la propriété littéraire et artistique (lois du 13-19-01 1793 et 19-24-07 1893) confèrent un statut « respectable » aux hommes de lettres qui, dès 1838 – soit plus de quarante ans avant les journalistes – se sont regroupés en une Société des Gens de lettres (devenue Chambre professionnelle en 1865). Une Union internationale pour la protection des œuvres littéraires et artistiques voit par ailleurs le jour à Berne en 1886.

9Le développement des quotidiens conduit à une structuration bien plus forte encore du métier, mais dans le sens d’une « militarisation des relations de travail » au sein des rédactions.11 Un rédacteur en chef (poste apparu sous la Restauration) dirige, parfois d’une main de fer, une équipe de journalistes aux fonctions de plus en plus spécialisées. Quant à la haute direction des quotidiens, elle prend la forme à Paris et dans les grandes villes (au plus tard à partir des années 1850), de sociétés de type capitaliste. En province, par contre, les journaux restent essentiellement des entreprises familiales jusque dans les années 1880.

10En substance, un « milieu journalistique » existe dès la Monarchie de Juillet, même s’il faut attendre le début des années 1860 pour que les dictionnaires acceptent que le terme « journalisme », selon un « néologisme récent », définisse « l’état du journaliste ». On reconnaît de la sorte l’existence d’un groupe social. Mais pas encore celle d’une profession à proprement parler

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