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Est-ce que la "télé-réalité" jette la dignité humaine?

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Par   •  11 Novembre 2013  •  Analyse sectorielle  •  1 236 Mots (5 Pages)  •  967 Vues

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Texte extrait du Journal du juriste, n°30, 23 mars 2004.

La « télé-réalité » porte-t-elle atteinte à la dignité humaine ? de Pierre-François Docquir

Des émissions de « télé-réalité » offrent à leurs spectateurs des scènes où les participants sont placés dans des situations que certains jugent humiliantes, voire dégradantes. La dignité humaine, en tant que valeur fondamentale protégée par le droit, ne s’oppose-t-elle pas à l’organisation de pareils spectacles ? Sous son voile, ne risque-t-on pas au contraire de porter atteinte à la liberté d’individus dont les actes ne causent nul dommage à autrui ?

Dans ce qu’on pourrait sans doute rapprocher d’une version moderne- et heureusement édulcorée- des jeux du cirque de l’antiquité romaine, des émissions de « télé-réalité » proposent presque quotidiennement le spectacle de candidats soumis à de bien étranges et désagréables traitements. Illustration particulièrement marquante de ce phénomène, une émission allemande invitait récemment le public à désigner, parmi une dizaine de participants, la personne qui devrait subir l’épreuve du jour* : plus de 6 millions de téléspectateurs ont ainsi assisté à l’enfermement d’un jeune homme dans une cage de verre envahie par 30.000 cafards. Le lendemain, leur choix se portait à nouveau sur le même souffre-douleur, qui choisit néanmoins d’abandonner l’émission.

Alors que le spectacle de la peur et de la souffrance captive manifestement une part du public, d’autres dénoncent ces émissions comme humiliantes, dégradantes et contraires à la dignité humaine. Or, celle-ci ne relève-t-elle pas des principes fondamentaux de l’ordre juridique ? Dans l’Etat de droit, certaines valeurs sont à ce point fondamentales qu’il n’est pas permis d’y renoncer : le meurtre, par exemple, demeure un acte inadmissible même si la victime y consent- ce qu’illustre dans l’actualité récente, la condamnation, en Allemagne, d’un homme qui s’était livré au cannibalisme sur une victime consentante*. Le droit à la vie, inscrit dans l’article 2 de la Convention européenne des droits de l’Homme (C.E.D.H.), ne confère pas, selon la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’Homme, le droit de choisir la mort plutôt que la vie*.

Une « victime » peut-elle consentir à un traitement contraire à la dignité humaine ?

S’agissant d’émissions de télévision, le consentement de participants en quête d’argent et de gloire autorise-t-il tous les excès ? Au contraire, l’interdiction absolue des traitements dégradants (art.3, C.E.D.H.) ne s’oppose-t-elle pas à l’organisation de programmes télévisés où les participants subissent des traitements dégradants ? La Cour européenne des droits de l’Homme définit l’acte dégradant comme celui qui cause à la personne qui le subit, à ses propres yeux ou au regard d’autrui, une humiliation ou un avilissement atteignant un seuil minimum de gravité, les qualifications de traitements inhumains ou de torture étant réservés aux actes qui présentent un caractère plus grave quant au degré de souffrance provoqué.

Dans la mesure où un individu participe de son plein gré à l’activité litigieuse, l’article 3 ne paraîtrait pas être d’application. Pour autant, le public choqué ou troublé par le spectacle, pourrait le juger contraire à la dignité humaine. Pareille considération peut-elle en justifier l’interdiction ? Divers points de repères jurisprudentiels peuvent baliser la réflexion.

Dignité humaine ou épanouissement individuel ?

Condamnés pour avoir infligé, dans le cadre de pratiques sado-masochistes au sein d’un groupe d’adultes consentants, des blessures résultant par exemple de flagellations ou de brûlures, plusieurs ressortissants britanniques soutenaient devant la Cour européenne des droits de l’Homme que pareilles activités relevaient strictement de leur vie privée, chacun devant demeurer libre de disposer de son propre corps. Les juges européens affirmèrent à cette occasion que l’Etat peut légitimement ériger en infraction toute pratique qui entraîne des dommages corporels, fussent-ils commis dans un but de jouissance sexuelle*. La Cour

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