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Arrêt CEDH Centros

Mémoire : Arrêt CEDH Centros. Recherche parmi 298 000+ dissertations

Par   •  5 Février 2012  •  2 405 Mots (10 Pages)  •  1 777 Vues

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Des ressortissants danois ont donné l'occasion à la Cour de justice des Communautés Européennes (CJCE, devenue CJUE) de se prononcer par un arrêt du 9 mars 1999 sur les questions de l'étendue de la liberté d'établissement et de la place de la fraude en droit communautaire.

Deux époux danois résidant au Danemark, ont constitué en Angleterre une private limited company (une société à responsabilité limitée [SARL]), celle-ci ayant son siège au domicile anglais d'un ami des époux. Le choix du lieu de constitution a uniquement été guidé par la souplesse de la législation anglaise qui n'exige aucun capital minimum et n'impose aucune condition quant à la libération du capital. C'est ainsi que le capital de la société qui s'élève à 100 Livres sterlings n'a pas été libéré.

De plus, la société n'exerce aucune activité commerciale au Royaume-Uni, Son seul intérêt était de permettre la constitution d'une succursale au Danemark, sans le capital minimum requis au Danemark pour la constitution d'une société. Le contournement de la législation danoise était d'autant plus évident que toute l'activité économique allait être réalisée au Danemark, par la succursale locale. Ce contournement étant pour elles synonyme de fraude aux règles locales de constitution des sociétés, les autorités danoises en charge du registre du commerce refusèrent d'immatriculer la succursale

Le litige s'élevant à propos du refus d'immatriculation de la succursale, la Haute juridiction danoise décide de surseoir à statuer et saisit la CJCE de la question préjudicielle suivante : le refus d'immatriculer une succursale d'une société légalement constituée dans un autre Etat membre est-il compatible avec les articles 52, 56 et 58 du Traité CE (actuels articles 43, 46 et 48 du Traité de Lisbonne [TFUE]) lorsque la société n'exerce aucune activité dans le pays de constitution et que la constitution a pour but unique d'éluder les règles nationales relatives au capital social de l'Etat dans lequel les associés désirent implanter la succursale ?

Dans cet arrêt, la Cour de Justice condamne le refus, tout en précisant bien que son appréciation se limite aux règles de constitution des sociétés. Les articles 52 et 58 du Traité interdisent, même dans les circonstances de l'espèce, à un Etat de refuser d'immatriculer une succursale d'une société valablement constituée dans un autre Etat membre. La liberté d'établissement ne peut donc pas être entravée en raison du choix par les fondateurs d'une loi plus souple que celle de l'Etat où est exercée la totalité de l'activité sociale. Cependant, la Cour de justice précise que cette interprétation n'empêche pas un Etat de « prendre toute mesure de nature à prévenir ou à sanctionner les fraudes, soit à l'égard de la société elle-même, soit à l'égard des associés qui chercheraient à échapper à leurs obligations vis-à-vis de créanciers privés ou publics » . Par ce qui ressemble à un obiter dictum, puisque la fraude ne reçoit pas application en l'occurrence, il apparaît que la Cour de justice pose le principe général de la fraude en droit communautaire.

La CJCE consacre donc le rejet de la fraude pour la constitution de la société en contournement de la loi nationale (I), créant en conséquence des opportunités importantes en matière de stratégie d'implantation des sociétés, ce qui ne manquera pas de renforcer la concurrence juridique entre les Etats membres pour attirer à eux les sociétés. Consciente des implications de la position adoptée, la Cour instaure des précisions quant à la protection des tiers et des créanciers en cas de fraude (II).

I) Le rejet de la fraude malgré le contournement de la loi nationale

La fraude est en l’espèce rejetée car le droit communautaire permet de choisir un lieu d'implantation, n'importe où dans l'UE, au mieux de ses intérêts (A). Ce choix doit être reconnu par les autres Etats, selon les modalités de l’article 58 (48 aujourd’hui) posant un principe de reconnaissance mutuelle des sociétés, et ce même si leur activité est délocalisée par rapport à leur siège social (B).

A. La consécration du libre choix du lieu de constitution des sociétés entrainant ainsi une mise en concurrence des législations nationales.

L'article 52 (43 aujourd’hui) donne la liberté du choix du lieu de création d'une société, donc de la loi que l'on préfère suivre. De fait, la concurrence législative devient une réalité. Dans l'arrêt du 9 mars 1999, la Cour de Justice exprime cette idée en légitimant le fait « pour un ressortissant d'un Etat membre, qui souhaite créer une société, de choisir de la constituer dans l'Etat membre dont les règles de droit des sociétés lui paraissent les moins contraignantes ».

Ainsi, une certaine compétition entre droits nationaux existe particulièrement au niveau de la constitution de sociétés et notamment de filiales. Les règles de constitution des sociétés demeurent en effet différenciées selon les Etats. La jurisprudence communautaire enseigne que les Etats membres préfèrent en général accueillir des sièges sociaux plutôt que de simples succursales. Les Etats peuvent ainsi profiter de l'absence d'harmonisation pour attirer les fondateurs de sociétés.

La difficulté vient en particulier des dispositions de l'article 11 de la directive 68/151, qui limite les causes de nullité. La question centrale soulevée par le présent arrêt est celle des sociétés fictives ou frauduleuses. Bien que la Cour de justice ait, dans son arrêt Marleasing du 13 novembre 1990, considéré que cet article ne laissait pas de place à une annulation pour cause illicite (en l'occurrence échapper aux poursuites des créanciers), et indiqué qu'il fallait ne regarder que l'objet social tel qu'il était décrit dans l'acte de constitution de la société, on peut estimer que la solution devrait être nuancée lorsque la clause même de l'objet social camoufle l'objet illicite de la société, et que sa rédaction trompeuse a été justement la manoeuvre caractéristique de la fraude. Du reste, l'arrêt commenté pourrait être interprété comme un infléchissement de la jurisprudence Marleasing. En effet, la Cour reconnaît qu'il y a une raison légitime au sens du droit communautaire pour lutter contre les constitutions frauduleuses de sociétés, surtout lorsqu'elles

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