L’incipit de L’Etranger d'Albert Camus

L’incipit de L’Etranger est l’un des plus célèbres du roman français. Avec cet incipit, le lecteur sait qu'il va avoir affaire à une voix par la focalisation interne, et à un narrateur vivant et racontant son histoire. Ce « je » camusien représente un homme dont l'identité n'est jamais claire et cela devient ambiguë. En effet, Meursault est étonnant, étrange, difficilement saisissable, c'est quelqu'un d'une banalité déroutante.

Le roman commence par « Aujourd’hui, maman est morte. » mais il n’y a pas de moments antérieurs à l'histoire, pas vraiment d’avant, le passé est dans le flou. Par exemple, on annonce l'enterrement de sa mère mais on ne sait pas de quoi elle est morte. L'avenir va jusqu'à demain voire après-demain, il est extrêmement limité. Le lecteur a le sentiment d'une quasi-simultanéité de la narration et de son contenu. Meursault raconte les faits les uns après les autres comme dans un journal, le récit est chronologique. Suite à l’annonce de la mort de sa mère, nous pouvons remarquer que les sentiments de Meursault sont très vagues. Il n’est pas dit qu’il est triste mais il n’est pas dit non plus que cela ne le tourmente pas. Meursault marque un extrême détachement à l'égard de la mort de sa mère. L'expression du télégramme est l'expression de ce détachement. Lorsque l'on est avant l'enterrement de sa mère, c'est comme si elle n'était pas morte pour lui. Il réagit surtout de manière très pratique, très ordonnée, soucieux du bon déroulement des choses: "Je prendrai l'autobus à 2 heures et j'arriverai dans l'après-midi. Ainsi, je pourrai veiller et je rentrerai demain soir." Pour tout ce qui est concret et tangible, il réagit de manière maniaque et rigoureuse. Il n’exprime pas de sentiment non plus : il continue sa vie habituelle (il va manger, s'endort dans l'autobus) et se révèle plus sensible à la chaleur et aux odeurs qu'à la mort de sa mère. De la sorte, le lecteur est tout de suite précipité dans le roman car il vit le quotidien de Meursault.

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