Les tables de concordances dans les manuscrits arméniens
Mémoire : Les tables de concordances dans les manuscrits arméniens. Recherche parmi 300 000+ dissertationsPar dohanessian • 13 Octobre 2017 • Mémoire • 2 486 Mots (10 Pages) • 769 Vues
LES TABLES DE CONCORDANCES DANS LES MANUSCRITS ARMENIENS
Les tables de concordances (Խորան, khoran en arménien) sont des tables qui sont présentes en début de chaque évangile de manuscrit.
Elles permettent au lecteur d’arriver à lire les évangiles correctement, à connaître la correspondance entre les différents passages des évangiles. Ainsi, elles permettent de lier des passages d’évangiles similaires d’un évangéliste à un autre.
Par exemple, les passages communs aux quatre évangiles, ou les passages communs à Mathieu, Marc et Luc.
Il est à noter que ces tables ont été créées parce qu’il n’existait point encore une classification de la Bible telle qu’on la connaît aujourd’hui. En effet, il n’y avait alors pas de « chapitres » et les textes de la Bible n’étaient pas divisés en plusieurs parties.
Le système simplifié des tables de concordances a été inventé par Eusèbe, évêque de Césarée, au début du IVème siècle après J.-C.
C’est par une lettre à son ami Carpien qu’il explique comment utiliser ces tables. Il explique ainsi qu’il a divisé les textes en chapitres en les numérotant, et qu’il a créé des concordances au sein de tableaux (au nombre de dix). Cette lettre est d’ailleurs toujours représentée en début de manuscrit.
Nous allons nous intéresser dans notre approche à la façon dont ont été utilisées les tables de concordances dans l’art arménien. En effet, si d’un point de vue totalement néophyte il nous apparaît que toutes les tables de concordances sont identiques, nous allons voir que par une recherche plus approfondie nombreuses différences et particularités apparaissent.
Ainsi, les enluminures marginales des tables ne sont pas dénudées de sens et de symbolismes. Il en est de même en ce qui concerne les cadres qui entourent les tables.
Pareillement, l’organisation des tables peut différer d’une représentation à une autre, non sans un but précis.
Enfin, d’un point de vue plus technique, nous allons voir qu’une table de concordance n’est pas le fruit d’une seule personne mais de nombreuses autres concentrées sur des tâches différentes.
- Représentation des tables de concordances dans l’art arménien
Tout d’abord, afin de faciliter la compréhension, il est utile de montrer à quoi ressemble une table de concordances.
Celle-ci est presque toujours encadrée, et ornée d’enluminures dîtes marginales.
Elle est aussi divisée en plusieurs parties, lesquelles renvoient à des correspondances entre les évangiles.[pic 1]
Ces canons sont les passages d’évangiles communs :
- aux quatre évangiles
- à Mathieu, Marc et Luc
- à Mathieu, Luc et Jean
- à Mathieu, Marc et Jean
- à Mathieu et Luc
- à Mathieu et Marc
- à Mathieu et Jean
- à Mathieu et Luc
- à Luc et Jean
Puis un dernier canon pour les passages propres à chaque évangéliste.
[pic 2][pic 3]
- La lettre d’Eusèbe à Carpien
Nous ne pouvons traiter des tables de concordances sans parler un minimum de la lettre d’Eusèbe.
Cette lettre est reproduite et précède les tables de concordances. Souvent, on peut y voir des enluminures marginales qui symbolisent le savoir (oiseaux), ainsi que des arbres de vie. Parfois même le portrait d’Eusèbe est représenté, comme nous pouvons le voir ci-contre (Evangile de Targmanchats, Matenadaran 2743).
- Les enluminures marginales
Il est courant de penser que les enluminures marginales ne sont que des dessins anodins, ayant pour but qu’une unique décoration.
Or il en est tout le contraire. Chaque ornement, chaque détail qui le compose est pensé, réfléchi, et a un sens lié à la lecture et à la compréhension.
Ainsi, parmi les enluminures courantes on peut noter :
- le paon qui représente le Testament, le savoir
- les animaux sans tête qui représentent le sacrifice[1]
- l’arbre qui représente l’arbre de vie du jardin d’Eden
Parmi les nombreuses représentations d’oiseaux de races différentes, on peut trouver des oiseaux qui se passent d’un à l’autre des brindilles : c’est la transmission de la foi, du savoir.
Il y a aussi d’autres enluminures plus particulières qui ont un sens précis. Elles ornent bien souvent des manuscrits qui sont destinés à des personnes autres que les hommes de foi (nobles, princes, rois, intellectuels). Ainsi, parmi ces enluminures particulières, on peut trouver :
- des représentions de paysans (pêcheurs, vendeurs d’eau)
- des représentations d’hommes religieux
- des représentations du folklore local (musiciens, danseurs)
Ces représentations soulignent le fait que la foi appartient aux habitants et aux hommes religieux. Elles sont toutes présentes dans l’Evangile de Haghpat de l’an 1211 (Mat. 6288). Ces enluminures sont aussi une marque d’une certaine identité cilicienne.
Nous pouvons également noter parfois la présence de palmiers, symbole de justice céleste et de grenadiers, symbolisant la bonté des prophètes.
Parfois même, différentes créatures imaginaires sont représentées. Elles témoignent d’anciennes croyances païennes, ou permettent encore une interprétation métaphorique.
Enfin, on peut rencontrer des écrits ornant les tables. C’est le cas par exemple encore dans l’Evangile de Haghpat où des prières sont inscrites au-dessus des tables. Dans ce cas, les prières marquent la disparition du « livre-objet ». Ainsi, le livre n’est non plus un simple objet, mais est utilisé comme un ustensile, quelque chose que l’on utilise couramment.
Mais les enluminures ne sont pas seulement marginales, elles sont également centrées sur les tables de concordances : ce sont les encadrements.
- Les encadrements
Pareillement aux enluminures marginales, les encadrements ont diverses formes, sens et raisons.
Ainsi, même si pour la plupart dans l’art arménien les tables de concordances sont encadrées par des piliers, il existe beaucoup de différences de représentation.
L’encadrement peut par exemple prendre la forme d’une église, d’un palais.
S’il s’agit d’une église, le cadre supérieur des tables est en forme de dôme, parfois même orné d’une croix, rappelant le toit des églises.
S’il s’agit d’un palais, le cadre est souvent plus touffu, et le cadre supérieur à une forme arrondie.
De même, l’on retrouve souvent des liens entre les édifices religieux contemporains ou passés, et les représentations architecturales des tables de canons. Des liens peuvent également exister entre ces représentations et le Jérusalem céleste[2].
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