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Le langage et la peinture

Dissertation : Le langage et la peinture. Recherche parmi 299 000+ dissertations

Par   •  12 Mai 2013  •  Dissertation  •  3 656 Mots (15 Pages)  •  781 Vues

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L’histoire de l’art semble indissociable de l’interrogation suivante : comment parler de la peinture ? Quel doit être le statut du discours sur l’art, c’est-à-dire de la parole qui prétend pouvoir livrer la signification, ou du moins rendre compte de la composition, de l’œuvre picturale ? Louis Marin, philosophe, spécialiste de l’âge classique et de la Renaissance italienne, considéré comme l’un des grands historiens de l’art avec Daniel Arasse, Hubert Damish et Georges Didi-Huberman, propose une voie particulière pour rendre compte du discours sur l’art qui mérite ici tout notre intérêt.

Pour Marin, l’analyse d’une œuvre, qu’elle soit d’ordre linguistique ou pictural, doit s’effectuer à partir du concept de représentation : il s’agit, dans sa pensée, de la notion la plus fondamentale. Notre recherche aura donc pour objectif principal d’établir la signification du concept clé de représentation et de mettre au jour à la fois ses possibilités et ses limites dans l’analyse de l’œuvre d’art. Nous irons encore plus loin en suggérant que l’intention fondamentale de Marin n’est pas uniquement de proposer le développement d’un outil de lecture des œuvres d’art, mais bien de parvenir à démontrer de quelle manière l’articulation entre le signe et l’image, entre le texte et le tableau, entre la pratique discursive et la pratique picturale, peut se résoudre à travers le concept même de représentation.

Pour commencer, nous devons insister sur le fait qu’il est essentiel, afin de saisir les implications philosophiques du projet général de Louis Marin, de garder à l’esprit que sa recherche vise en dernier lieu une réciprocité du signe et de l’image qui n’annule ou n’annexe aucun des deux termes, mais les fait coexister et plus encore évoluer ensemble. La question qui nous intéresse ici est celle de savoir à quel point il est possible de soutenir cette proposition ou de réaliser cette ambition d’une réconciliation de la peinture et du langage.

Il faut comprendre, sur ce point, que le projet de Marin s’inscrit dans l’horizon plus large du rapport, dans l’histoire de la pensée, entre le discours philosophique et l’art. D’une certaine manière, ce dernier cherche à dépasser les relations d’inclusion ou d’exclusion entre philosophie et art qu’ont proposées les philosophes du passé. Par relation d’inclusion, nous entendons l’annexion ou la subordination d’un des termes à l’autre. Par exemple, on peut penser ici au système hégélien dans lequel l’art finit par se résorber dans la philosophie, ou bien à la pensée nietzschéenne où le discours philosophique finit par se fondre dans l’art. En ce qui a trait aux rapports d’exclusion, l’exemple de la philosophie platonicienne nous montre bien le rejet de l’enseignement des poètes au profit de celui des philosophes. Dans cette optique, nous chercherons à évaluer si Marin parvient ou non à développer une théorie qui réconcilie, c’est-à-dire qui aboutit à une symétrie ou une harmonie, entre le discours sur l’art et l’art lui-même. Plus simplement encore, nous poserons la question suivante : réussit-il à fonder un discours de peinture, c’est-à-dire à proposer une lecture des œuvres d’art qui se présente comme une part intégrante de l’œuvre elle-même ?

Nous verrons que ce sera à la croisée des chemins entre les considérations de Marin sur le portrait du roi, sur le chiasme pouvoir de la représentation – représentation du pouvoir, sur la vérité de la peinture et sur la mise en abyme de la représentation, qu’il sera possible de dégager sa thèse centrale et d’en proposer une lecture critique. Dans un premier temps, nous nous proposons de mettre en lumière les assises conceptuelles de sa pensée en définissant la manière dont il conçoit le concept de représentation et en survolant la théorie du signe sur laquelle il s’appuie. Sur ce point, nous verrons qu’il soutient la thèse suivant laquelle l’image et parole possèdent une racine sémiotique commune qui permet la mise en relation du discours philosophique et de l’œuvre d’art.

Ensuite, il s’agira de discerner, à partir de ce que Marin désigne comme des « objets théoriques », soit des œuvres d’art textuelles ou picturales, de quelle manière se manifeste la représentation et surtout, quelles en sont les conditions de possibilité. À cet égard, nous mettrons en scène les exemples de l’histoire du roi de Pellisson, du tableau de Nicolas Poussin intitulé Les Bergers d’Arcadie, et des peintures du Caravage.

Enfin, nous interrogerons ce projet général en ce qui a trait à la possibilité de produire un discours pictural, c’est-à-dire non pas un discours sur la peinture, mais bien un discours de peinture. La distinction entre les deux est cruciale : Marin cherche à « écrire » le tableau, c’est-à-dire à le décrire en faisant ressortir un discours qui serait commandé par le tableau lui-même. Autrement dit, il se pose la question de savoir comment parler du tableau tout en préservant sa spécificité: comment peut-on éviter d’absorber l’œuvre picturale dans le langage ? Comment peut-on démontrer que le « dire » du tableau - le discours de l’œuvre – soit nécessaire, sans pour autant que cela laisse supposer que le tableau ait été auparavant incomplet ? Ces multiples interrogations culminent ainsi en une question générale qui orientera et délimitera la problématique de notre recherche: l’œuvre d’art s’offre-t-elle toujours au discours ? En d’autres termes, est-il possible, comme semble le suggérer Marin, de trouver un lieu de rencontre entre peinture et langage qui ne réduise aucun des deux termes ?

1. Une esquisse de la pensée de Louis Marin : la définition du concept de représentation et la théorie du signe

L’essentiel de la démonstration suivante ne peut être compris qu’à l’aune de la définition que propose Marin du concept de représentation, concept qui ne se laisse saisir qu’à l’intérieur d’une double problématique. D’un côté, la représentation peut être considérée dans sa dimension de transparence transitive, c’est-à-dire par le fait de représenter quelque chose. D’un autre côté, elle peut aussi être pensée à partir de sa dimension d’opacité réflexive, c’est-à-dire par l’idée que « toute représentation se présente représentant quelque chose[1] ». Nous tenterons, dans cette première section, d’expliquer cette distinction qui constitue le fondement de la thèse de Marin sur la relation entre langage et peinture. C’est en effet à partir de ces deux niveaux de la représentation que se joue l’essentiel de la démonstration de l’auteur.

Dans la première acception de la représentation,

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