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Les sélénites

Fiche de lecture : Les sélénites. Recherche parmi 299 000+ dissertations

Par   •  6 Octobre 2019  •  Fiche de lecture  •  1 178 Mots (5 Pages)  •  695 Vues

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Lecture analytique n°2 : Cyrano de Bergerac, L’Autre monde ou les Etats et empires de la lune

Cyrano de Bergerac est un écrivain et philosophe baroque du XVIIème siècle, surtout connu pour la pièce qu’Edmond Rostand a créée en 1897. Reprenant une idée de Lucien de Samosate, Cyrano de Bergerac fait paraître en 1645 un roman où le héros- narrateur se retrouve sur la lune. Cet ouvrage est fantaisiste et déroutant, c’est pourquoi il s’apparente au baroque. Ce roman est classé dans le genre de l’utopie, étymologiquement « sans lieu » « qui se trouve nulle part ». Ce genre de l’utopie est né dès la Renaissance et sera repris ensuite par de nombreux auteurs. Le texte nous présente ici l’arrivée du héros chez les Sélénites. Comment la fantaisie du récit permet-elle au narrateur de tenir un discours critique sur la société de son temps ? Nous verrons tout d’abord un voyage imaginaire, puis un passage satirique.

I. Un voyage imaginaire :

1. Un récit plaisant et fantaisiste :

  • Des détails sont plaisants et des épisodes paraissent comiques : avec l’image «  une de ces bêtes hommes… me jeta sur son dos et me mena dans leur ville », à la cour l’homme est vu de façon dévalorisante «  petit animal de la reine ». Il est de plus vêtu normalement alors que les singes eux sont habillés «  la fraise et le haut-de-chausse », tous ces détails concourent à amuser le lecteur.
  • Le récit est fondé sur des vraisemblances pseudo scientifiques : les indications de mesure ou de nombre le prouvent telles que «  douze coudées » ou « sept ou huit cent de même espèce ». Le narrateur s’exprime à la première personne pour donner plus de véracité au récit « Je restai bien surpris ». La démarche proposée est aussi scientifique : description de la taille, puis du comportement : les sélénites marchent à quatre pattes. Enfin, le narrateur interprète des signes comme un explorateur avec le champ lexical de l’interprétation «  je reconnus » « interprétais » «  cette énigme » «  leur conclusion ».

2. Un lieu commun attendu :

  • Le  narrateur est dans un nouveau monde avec des créatures étranges, monstrueuses et hybrides « bêtes-hommes ». Elles sont pareilles que les hommes avec la comparaison «  comme nous » mais elles marchent à quatre pattes et le narrateur fait référence aux créatures mystérieuses de la mythologie avec « faunes » et « satyres ».
  • Le narrateur emploie aussi à la relation de voyage la surprise avec un champ lexical de l’étonnement « je restai bien surpris » « je fus bien étonné », placées en tête de phrase ces expressions soulignent l’impression forte du narrateur. Le champ lexical du regard aussi est important avec « j’avais beau promener mes yeux » « je vis » « voyant » qui mettent en valeur l’idée de découverte.
  • Enfin, le narrateur héros est fort et courageux, comme on le retrouve souvent dans la relation de voyage : l’adjectif « seul » et la détermination avec « je résolus de marcher »  montrent aucune frayeur à la vue de ces monstres terrifiants.

Sous l’apparente fantaisie toutefois se cache une intention philosophique. Le narrateur critique la société de son temps.

II. La satire :

1. Humour et connivence :

  • D’abord, le narrateur établit une complicité avec le lecteur par les références culturelles antiques données «  satyre » « faune », de plus Hérodote et ses récits de voyage sont convoqués.
  • Ensuite on note des traces d’humour avec les descriptions « singes qui portaient fraises et haut-de-chausse » et des comparaisons réalistes « de même que les loups saisissent une brebis », de l’auto- dérision aussi avec « j’appris à entendre leur langue et à l’écorcher un peu ».
  • L’ironie est mordante envers l’Espagnol : avec la plaisanterie «  ils habillent dans ce pays-là les singes à l’espagnole », avec ici un décalage héroï-comique (on traite un sujet bas en style élevé).

2. Incommunicabilité :

  • Nombreux sont les discours rapportés : c’est le narrateur qui assume son récit mais il délègue la parole au peuple « ils disaient donc », aux grands «  leur conclusion néanmoins fut semblable », les prêtres « disant que c’était… ». Ces discours soulignent l’accent sur la parole et le débat.
  • Le narrateur et les Sélénites ne se comprennent pas à cause de la langue et de la culture : l’autre n’a pas d’humanité si on en juge les reprises nominales dans le texte : on passe de « animaux » à « bêtes-hommes » puis à « hommes –sauvages ». Cela fait bien sûr penser au récit de voyage de l’époque où on peine à considérer l’Autre comme un homme.

2. La lune : le miroir inversé du monde :

  • La description de la lune et de ses habitants sert de prétexte à dénoncer la société contemporaine de l’auteur. Le mot « hommes » renvoie aux deux peuples, de même que les allusions aux animaux  « brebis » « petit animal de la reine » « perroquet plumé »…
  • Les différences entre les deux peuples ne sont pas si nombreuses : d’une part le vêtement existe des deux côtés, avec des vêtements identiques, d’autre part la société sélénite est hiérarchisée avec « un peuple » « un roi » des « grands » et  des « prêtres », comme l’écrivait le narrateur dès l’incipit «  la Lune est un monde comme celui-ci, à qui le nôtre sert de lune ».
  • Une critique de la société est adressée à tous les échelons : le peuple n’a pas d’ouverture d’esprit «  ils ne purent croire que je fusse un homme », pourtant c’est le seul qui parvient à admettre chez l’Autre une forme d’humanité « les nouvelles coururent dans le royaume qu’on avait trouvés deux hommes sauvages ». Les grands sont réservés dans l’étonnement mais souffrent des mêmes préjugés et n’en démordent pas, leur caste paraît superficielle et occupée par des occupations sans consistance. Le roi n’a pas de rôle majeur, seule la « reine » est évoquée. Les prêtres enfin sont accusés de maintenir le peuple dans l’ignorance «  bridèrent si bien la conscience des peuples » Cyrano de Bergerac n’a jamais fait mystère de son athéisme, il s’inscrivait dans le mouvement de pensée libertin.

La relation de voyage paraît un prétexte  pour porter un regard sur le monde réel. La fantaisie du récit critique violemment la monarchie et l’église. Le voyage dans la lune est aussi irréel pour Cyrano de Bergerac que les découvertes faites par les explorateurs : les personnes découvertes sont des hommes et ils possèdent les mêmes institutions que nous. Ce livre ne sera publié que de façon posthume et avec beaucoup de corrections par son ami Le Bret. Nous pouvons rapprocher ce texte de la découverte de Candide de l’Eldorado dans le conte philosophique éponyme, Voltaire est un grand lecteur de cet auteur et il s’est beaucoup inspiré de sa fantaisie et de son irrévérence.

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