Sujet d'invention

Neila                                                            Sujet d’invention        

Bouali

1S

           La salle de théâtre est séparée en quatre étages. L’architecture de celle-ci est contemporaine, mais certains éléments semblent avoir été rénovés récemment. Au plafond, un lustre datant du XVIIIème siècle illumine la salle dans son intégralité. La couleur dominante est le rouge, que l’on retrouve non seulement sur les sièges et les murs, mais aussi sur le rideau cachant la scène.

Ce soir, le théâtre Saint-Martin présente la pièce Anthony, la troupe étant dirigée par un célèbre metteur en scène joue pour la première fois. Le spectacle se termine, et la majorité des spectateurs enjoués quitte peu à peu la salle. Deux personnes, assises côte à côte, au premier rang, en orchestre, ne semblent pas vouloir se lever et leur regard se perd dans le vide. Ils ne semblent pas se connaître.

L’un des deux, un jeune homme d’une vingtaine d’années, commence la discussion et tourne sa tête vers son interlocuteur.

« Vous avez aimé, vous, ce spectacle ? C’était quand même très impressionnant non ? »

Le vieil homme sursaute, ne s’attendant pas à l’intervention de son voisin, puis, après un temps, se tourne vers lui et bégaie.

« Oui, je veux dire, la mise en scène était vraiment … époustouflante !

• Pardon, renchérit le vieil homme, c’était tout de même une prestation de haut niveau, les comédiens laissaient émaner de leurs personnages, des sentiments poignants !

— Et bien … tout le monde, n’a pas la même sensibilité par rapport à la maîtrise du jeu, je crois … avance-t-il timidement. Parce que le jeu, justement … je n’y ai pas adhéré …

— Enfin, pourquoi cela ? s’enquiert le jeune adulte, agacé.

— Je ne l’ai pas apprécié, particulièrement les deux dernières scènes, commence le vieillard, parce que, tout simplement, je n’ai ressenti aucune émotion forte ! J’ai été totalement insensible à sa mort, et n’ai éprouvé aucune empathie ! Quand je viens au théâtre, je veux vivre une émotion, une histoire, je veux être transportée ! s’écrit-il d’une voix grave. »

Le jeune homme semble avoir perdu l’usage de la parole et le regarde avec des yeux ronds. Il passe nerveusement sa main dans ses cheveux, puis réponds, en s’emportant :

« Comment ?! Je ne peux pas accepter ça, je veux dire, le comédien interprétant Anthony apporte des sentiments forts au spectateur et j’ai été ému par l’interprétation du personnage …Ce qu’il nous propose, c’est une performance digne de grands acteurs !

— Et bien, moi, je ne l’ai pas ressenti comme ça, pour moi tout cela c’est de la pure barbarie …, dément-il. D’ailleurs, le fait qu’il est une représentation d’un mort cela heurte le public, trahie la règle de bienséance et tout devient vulgaire !

— Voyons monsieur, avez-vous lu Roméo et Juliette ? N’est-il pas un amour passionnel mêler au déshonneur et à la honte, un monde plus pluriel, plus complexe, plus chaotique mais tout en revendiquant la liberté, de l’exubérance. Je vous trouve coriace et essayez de vous ouvrir à un théâtre plus moderne du baroque à la française ! Je n’ai pas été si dérangé que ça par ce décès, en plus, ce dénouement est conforme à la réalité ! glisse-t-il. De plus, le fait que Adèle supplie sa mort face à son amour, Anthony, apporte au spectateur une compréhension sans doute plus fine de la folie dans laquelle baigne ce personnage …

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