Apprentissage Italien

Mon premier jour d'école a été un moment inoubliable. Tous mes compagnons m'observaient de haut en bas, comme si j'avais atterri d'une autre planète. Je ne connaissais pas un mot d'italien : en somme, c'est le français, que je connaissais assez bien, qui m'a sauvé du silence complet. Ma première sensation fut une joie immense ; J'ai pu bénéficier d'une opportunité unique : rencontrer un nouveau peuple, je dirais presque une autre humanité.

J'ai appris la langue italienne très rapidement ; J'étudiais par cœur les conjugaisons des verbes ; J'ai trouvé du plaisir à mémoriser les poèmes de Leopardi [1], même si je n'en comprenais pas le sens. En seulement deux ans, j'ai réussi l'examen de cinquième année [2] : j'avais « excellent » dans toutes les matières.

Mais cela n'a pas toujours été simple.

L'événement du parapluie manquant [3] de mon école a porté le soussigné [4] à la liste des suspects, le seul accusé et condamné en ligne directe et sans droit de réplique et sans preuve. Et qui pourrait voler un parapluie, sinon l'enfant marocain nouvellement arrivé ? Je jure que ce n'était pas moi : mais l'opinion publique de cette petite école avait déjà identifié le nouveau bouc émissaire [5] de tous les maux ultérieurs. Ce fut une mauvaise expérience, qui m'a fait réfléchir et réfléchir. J'ai commencé à comprendre même alors que l'étranger, le différent, doit s'avérer être une bonne personne.

Même alors, une bataille sur deux fronts opposés était en vue pour moi. D'une part, pour me convaincre qu'une véritable insertion dans ma nouvelle société italienne devait passer par de nombreuses étapes, et que je devais reconnaître la légitimité de la société d'accueil à poser des questions sur ma personne et mes origines. D'autre part, inviter mes interlocuteurs à m'aider vers l'intégration : comme dire que le processus de citoyenneté nécessite un effort mutuel.

Les questions sur mon identité avaient déjà commencé à ce moment-là. A propos de mes identités.

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