Solidarisme

LE SOLIDARISME ET SËS COMilIENTAIRES ACTUEI.S

PAR

Louis MOREAU de BELLAING

Uniuersité de Caen

Qu'est-ce

que le solidarisme ? Une doctrine. On peut s'étonner qu'en socrologie

il n'en est guère été question depuis la dernière guerre, voire même depuis

les années 30, d'autant que cette doctrine a influencé les sciences humaines et

sociales : philosophie, économie et, précisément, la sociologie. Les anciens

manuels (ou les histoires de la sociolog") t'y font guère allusion et, encore

moins, les nouveaux qui sont souvent marqués par l'empirisme, lui-même très

loin des présupposés solidaristes. Et pourtant le propre de la doctrine solidariste,

c'est de s'être interrogée, dés les années de l'après-guerre de lB70-71, sur

les rapports sociaux, sur la nature juridique, sociologique, économique et institutionnelle.

Dans l'angoisse du lendemain de guerre et au moment de la naissance

de la République (celle qui va durer) la préoccupation d'intellectuels

juristes et philosophes va à l'essentiel : qu'en est-il des rapports sociaux, si l'on

s'écarte d'une part du libéralisme, d'autre part, quelque peu, du socialisme

(celui d'Engels, de Kautsky, de Labriola) ? La réponse des solidaristes c'est :

les rapports sociaux sont avant tout caractérisés comme contrats. Nous verrons

quel sens ils donnent, après Rousseau, à cette idée de contrat.

Les auteurs solidaristes demeurent plus ou moins proches de la pensée du

fondateur qui est un juriste, Léon Bourgeois, devenu homme politique et qui

tentera de répandre sa doctrine. Si l'on y regarde de près, les publications de

ces auteurs s'étalent des années 1885 (publication de la Science sociale

contenrporaine d'Alfred Fouillée réêditée en I9l0) jusqu'à 1924. La date centrale

est 1896, ânnée de publication de Solidarité,lelivre de Léon Bourgeois.

Mais on ne peut oublier les contributions au solidarisme d'Edmond de

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LE SOLIDARISME ET SES COMMENTAIRES ACTUELS

Roberty en 1900 (avec son livre La Constitution de l'Ethique), ni celle de

Fouillée qui prend ses distances avec la doctrine en l92B dans la réédition

posthume de son livre Les El.éments sociologiques de la morale. Enfin, si la

date de la publication de la première édition du livre de Célestin Bouglé Le

solid.arisme est 1905 (à peine dix ans après la publication de celui de Bourgeois

.

et moins de trois ans après sa réédition en 1902), la deuxième édition de ce

livre est d,e 1924. Dès 1905 et encore plus en 1924, Bo:uglé insiste plus que

Bourgeois, sur la signification philosophique et sociologique du solidarisme.

Les concepts-clés de la doctrine solidariste sont :

I

-

La solid,arité : pottr les solidaristes comme Durkheim, la solidarité est

soit mécanique, constituée de segments sociaux semblables, soit organique,

c'est à dire produisant des unités sociales spécifiées par la division du travail

social et complémentaires les unes des autres. La solidarité organique ne se

conçoit pas sans, au moins à la base de la société, la solidarité mécanique.

2

-

Le contrat: Il s'aeit fondamentalement du contrat de Rousseau.

L'ancêtre des solidaristes c'est Rousseau et ils se réclament de lui explicitement.

Mais ce qu'ils reprochent au contrat social de Rousseau, c'est d'être

peu social et principalement politique. Ce qu'ils lui reprochent également, à ce

titre, c'est de reposer seulement sur la

yolonté

populaire. Or l'idée de l'Etat

chez les solidaristes n'est pas celle de Rousseau. Il n'émane pas pour eux, orl

pas seulement, de la souveraineté populaire

;

il est un outil, un organe fonctionnel

né de la solidarité et y puisant son sens.

3

-

Le quasi contrat : c'est, avec le suivant : la dette sociale, le concept

essentiel du solidarisme. Il vient du droit et est théorisé par Alfred Fouillée et

Léon Bourgeois qui lui gardent son caractère juridique, puis par Bouglé qui

lui redonne, après Fouillée, un caractère philosophique et sociologique. Le

quasi contrat n'est autre chose qtt'ltrtt

oocontrat

rétroactiaement consenti".

Face à ce quasi contrat "la loi ne deura être qu'une interprétation et une

...