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Romanciers africains

Dissertation : Romanciers africains. Recherche parmi 299 000+ dissertations

Par   •  20 Avril 2013  •  Dissertation  •  4 624 Mots (19 Pages)  •  1 347 Vues

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Dans ses Etudes sur le roman colonial, parues en 1930, R.Lebel consacre un chapitre aux productions indigènes et regrette la pénurie de textes de fiction. Les africains sont historiens, fokloristes, mais pas romanciers. Nul doute que le premier texte de fiction écrit par un africain rencontrera un public, celui des romans coloniaux. L'horizon d'attente d'une telle littérature existe. Il est significatif qu'avant même la naissance de la littérature africaine, un dispositif de réception soit en place.

Pourquoi attendait-on l'apparition de romanciers africains? La réponse est à chercher dans le système colonial et la mince couche d'Africains "évolués" qu'il a sécrétée. La politique d'assimilation poursuivie par le régime colonial devait déboucher sur l'émergence d'une littérature africaine. Celle-ci était la garantie du bon fonctionnement de l'entreprise coloniale. On voit mal dans ces conditions comment la littérature africaine n'aurait pas été à ses débuts pleinement coloniale. Les premiers textes sont généralement préfacés par des fonctionnaires coloniaux (Georges Hardy, Robert Delavignette...) qui inscrivent leur présentation des ouvrages dans le cadre d'une réflexion sur le rapprochement des peuples africains et européens.

On a souvent écrit que le roman était un genre importé d'Occident qui ne convenait pas à l'expression de l'âme africaine, contrairement à la poésie où au théâtre, genres plus proches de l'oralité. Force est pourtant de constater que les tous premiers auteurs africains furent romanciers. Une des explications est que la littérature coloniale privilégie le roman.

Deux types de textes littéraires consacrés à l'Afrique Noire étaient publiés avant l'émergence des premiers auteurs africains: les récits de voyageurs occasionnels (Loti, Leiris, Gide, Morand...) et les récits composés par des coloniaux vivant sur place. Les deux genres ne correspondent pas aux mêmes objectifs et vont s'opposer.

Les récits de voyageurs, qualifiés de littérature exotique, capteront plus volontiers des "impressions d'Afrique" et n'hésiteront pas à porter un regard critique sur le système colonial qui est presque partout en contradiction avec les grands principes humanistes qui lui servent d'alibi.

La littérature coloniale aura comme ambition première de justifier l'entreprise coloniale dont vivent ses auteurs. Cette justification passera par la démonstration d'une bonne connaissance du terrain et des populations indigènes. D'où le recours à la forme romanesque qui permettra à nos auteurs de mettre en scène le peuple noir, d'en montrer les coutumes et la psychologie et de faire la preuve de la nécessité d'une saine gestion coloniale pour en tirer le meilleur parti. Il s'agit de représenter la vie quotidienne, de la rendre visible par l'acte de création romanesque, de lui donner une existence narrative afin de prouver au monde que l'Afrique existe d'abord pour elle-même. L'ambition du roman colonial est de faire connaître l'Afrique, de pénétrer les replis de « l'âme nègre ». Le roman sera donc à la fois réaliste et psychologique. Le romancier saura distinguer les paysages, les races et leurs caractères. A chaque peuple sa psychologie. Le romancier va se faire cartographe des paysages et des peuples. Il va composer une image lisible du continent.

Il était prévisible que les premiers auteurs africains s'inscriraient dans le prolongement de ce genre de littérature adaptée à leur continent. C'est René Maran qui assure la transition avec Batouala, véritable roman nègre qui obtient le Prix Goncourt en 1921 dans un climat de scandale. Maran est martiniquais mais vit en Afrique en tant que fontionnaire colonial. Son roman qui décrit la vie dans un village de l'Oubangui relève du roman colonial à cette différence notable que le système colonial y est dénoncé dans la préface au lieu d'être justifié. Les auteurs coloniaux avaient forgé l'outil au moyen duquel les Noirs allaient pouvoir parler au monde.

Ainsi va se constituer une image de l'Afrique coloniale, cousue de clichés sans cesse repris, qui sera la base de travail attendue des romanciers africains. Si le point de vue du colonisateur l’emportait dans le roman colonial d’origine européenne, on attendait des Africains qu’il apportent le complément indispensable. Avec eux, et René Maran avait montré le chemin, la « brousse » devait parler et nous révéler ses mystères intimes. Leur contribution était indispensable à l’élaboration d’un panorama africain le plus authentique possible et les éditeurs insisteront sur le fait qu’ils publient de véritables romans nègres. En fait, et on pouvait s'y attendre, les premiers romanciers ne vont pas nous parler d'une Afrique profonde, inconnue, inviolée, qui n'existe que dans l'imaginaire européen, mais d'eux-même, les assimilés, et de leur position par rapport au monde blanc.

Le premier récit francophone africain, Les Trois volontés de Malic (1920), est un conte pour enfant écrit par un instituteur sénégalais, Ahmadou Mapaté Diagne. C’est un éloge appuyé de la colonisation accompagné d'une remise en question de la coutume: le rêve personnel du héros est de devenir forgeron alors que la tradition l’interdit puisqu’il n’appartient pas à cette caste. Grâce à l’école des Blancs, le rêve pourra se réaliser. Néanmoins se pose déjà la question, qui ne cessera de préoccuper le roman africain, de la tension entre l’individu et sa société. D'emblée la littérature des assimilés a été au bout de sa propre logique. Dans un monde lisse où tout est résolu le roman n'a pas de raison d'être. La "force-bonté" des Blancs se porte garante de l'avenir, le "roman assimilé" ne peut qu'être la chronique de ce bonheur annoncé. Force-Bonté est le titre du roman autobiographique, paru en 1926, d’un ancien tirailleur, Bakary Diallo. Le modèle avait été fourni par les frères Tharaud dans La randonnée de Samba Diouf (1921) qui raconte déjà les tribulations d’un jeune berger peul depuis son village jusqu’aux tranchées de la Grande Guerre.

Le premier véritable romancier directement issu de la mouvance du roman colonial est le béninois Félix Couchoro dont le premier roman L'esclave paraît en 1929. L’auteur lui-même déclare s’être découvert une vocation de romancier à la lecture du roman de Jean Francis-Boeuf, La soudanaise et son amant (1924). La production romanesque de Couchoro sera par la suite très importante et paraîtra en feuilletons

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