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Racine. ‘’ Phèdre ’’

Fiche de lecture : Racine. ‘’ Phèdre ’’. Recherche parmi 299 000+ dissertations

Par   •  30 Septembre 2014  •  Fiche de lecture  •  2 632 Mots (11 Pages)  •  679 Vues

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Le sujet de ‘’Phèdre’’ est I'un des plus célèbres de la mythologie grecque, l’un des plus souvent traités à travers le temps.

Comme ç’avait été le cas pour ‘’La Thébaïde ou Les frères ennemis’’, ‘’Andromaque’’ et ‘’Iphigénie’’, Racine s’inspira d’Euripide pour cette pièce qu’il intitulait alors ‘’Phèdre et Hippolyte’’. Il l’indiqua d’emblée, dans la préface de la pièce : «Voici encore une tragédie dont le sujet est pris d'Euripide. Quoique j'aie suivi une route un peu différente de celle de cet auteur pour la conduite de I'action, je n'ai pas laissé d'enrichir ma pièce de tout ce qui m'a paru plus éclatant dans la sienne. Quand je ne lui devrais que la seule idée du caractère de Phèdre, je pourrais dire que je lui dois ce que j'ai peut-être mis de plus raisonnable sur le théâtre.»

Il s'inspira en effet de ’’Hippolyte porte-couronne’’ (428 av. J.-C.), tragédie qui, comme son titre I'indique, est centrée sur Hippolyte. Ce jeune homme d'élite à l'éducation très soignée est un fervent fidèle d'Artémis, la vierge déesse de la chasse. Pour lui, la chasteté est la vertu par excellence ; il a le plus grand mépris pour Aphrodite et pour les femmes, et il I'exprime au besoin agressivement. Dans un prologue, Aphrodite vient annoncer qu'elle va se venger de cette offense, et le châtier. Elle fait de ce prétentieux I'objet de la passion criminelle de sa belle-mère, Phèdre, d'une calomnie puis d'une impulsive réaction de son père, Thésée, qui aboutit à son meurtre, avec I'aide du dieu Neptune. En effet, Aphrodite a aussi un compte à régler avec Phèdre, parce que le grand-père maternel de celle-ci, le Soleil, qui voit tout, avait dénoncé son adultère à son mari, Héphaïstos. En conséquence, elle l’anime d'un érotisme monstrueux qui se manifesta surtout dans une première version de sa pièce, à laquelle Euripide avait donné le titre d‘’Hippolyte voilé’’ (dont il ne reste que des fragments), où, sensuelle et machiavélique, elle se livrait sans réticence à sa passion criminelle, au point que le public fut choqué, et que le dramaturge rédigea sa seconde version, ’’Hippolyte porte-couronne’’.

Involontairement travaillée par une coupable passion pour son beau-fils, Phèdre résiste autant que possible au rôle que la divinité lui impose, la saine raison et un fier sens de l'honneur dominant son esprit. Et, quand elle sent que l'envoûtante puissance de la divinité va triompher, car on annonce la mort de Thésée, elle choisit de se laisser mourir. C'est l’insistance tenace et suppliante de sa nourrice qui I'amène à une confidence dont elle a honte. Elle accepte I'aide de cette vieille femme, mais sur une proposition ambiguë. Quand elle constate que la nourrice a parlé à Hippolyte, et qu'elle entend les réactions injurieuses de celui-ci, consciencieuse, elle décide aussitôt de se tuer, pour sauver I'honneur de son mari et de ses fils. Mais c'est alors qu'elle se détermine également à perdre par la calomnie I'orgueilleux qui vient de I'insulter : «À un autre aussi la mort sera funeste, pour lui apprendre à ne pas s'enorgueillir de mes infortunes ; associé à mon mal, il prendra, en le partageant, une leçon de mesure.»

Or le roi, bien qu'absent, est toujours vivant. La nourrice se propose d'aider sa maîtresse à satisfaire cet amour coupable : Phèdre s'y refuse. Malgré cela, sous le sceau du secret, la nourrice dévoile à Hippolyte la passion de sa belle-mère. Le jeune héros s'enfuit, horrifié par la passion que lui voue la reine. Phèdre maudit sa nourrice, et, torturée par la honte, voulant fuir le déshonneur, se pend. Alors survient Thésée qui découvre, attachée au cou de sa femme morte, une tablette par laquelle elle accuse calomnieusement Hippolyte d'avoir tenté de la violer. Ce dernier, mis en présence de son père, essaie en vain de se défendre. Thésée le maudit, et charge de le faire périr le dieu Poséidon, qui avait promis d'exaucer trois de ses vœux. Un messager survient peu après : il annonce qu'Hippolyte a été traîné par ses chevaux, qu'un monstre sorti de la mer avait épouvantés, et qu'il est mourant. Artémis découvre alors à Thésée la vérité. Hippolyte vient mourir dans les bras de son père, et lui pardonne.

Du point de vue de la tradition grecque, il est cruellement mais justement frappé pour avoir orgueilleusement voulu s'exempter de I'humaine condition, refusé le culte d'une divinité, et bravé son pouvoir. Mais, outre qu'il était misogyne, il opposait son rationalisme critique aux traditions religieuses : Euripide tendit donc à le valoriser comme un philosophe qui aspire à s'affranchir des servitudes du corps et du rapport avec les femmes. «C’est ta noblesse d'âme qui a causé ta perte», lui dit Artémis. Son seul défaut, c'est sa suffisance, sa conviction d'être une âme hors de la commune mesure.

On voit la nette différence avec le héros de Racine, modeste, respectueux, voire timide, qui apprend à ses dépens la toute-puissance de I'amour, qui est la victime de Phèdre, elle-même malheureux instrument d'une vengeance divine dont elle n'était pas l’objet. L’écrivain grec montrait donc les humains victimes de la cruelle vengeance des dieux.

Quant à Phèdre, elle oppose à la vengeance divine plutôt qu'une conscience intime la volonté de rester socialement honorable, parce que, pour Euripide et ses contemporains, I'individu était une personnalité sociale qui (surtout si c'était une femme) n’avait guère d'autonomie subjective. Ce qui me «tue», dit-elle, c'est «la crainte d'être un jour vaincue, de déshonorer mon mari et les fils que j'ai mis au monde» (vers 419-421). Même sa calomnie criminelle, que notre mentalité nous pousse à lire comme une vengeance personnelle, est tout autant, dans le contexte grec, une dénonciation justicière, où elle est le porte-parole de la raison et I'instrument des dieux contre la scandaleuse prétention d'un mortel.

Racine se contenta le plus souvent d'adapter et même de reproduire des passages entiers de la tragédie grecque. Il lui emprunta les plaintes de Phèdre mourante, les pressantes suppliques de la nourrice et l'aveu à celle-ci (I, 3), puis l’affrontement entre le fils et le père, qu'il raccourcit cependant de près de la moitié (lV, 2), et, en partie, le récit de Théramène (V, 6). Certains vers de sa ‘’Phèdre’’ ne sont même que des transcriptions

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